DU COTE D'ORMESSON
Il est parti dans la nuit du 4 au 5 décembre chez lui, emporté par une crise cardiaque. Il avait 92 ans. Avec le regret de ne pas avoir tout dit….
Sacré Jean d’Ormesson, il avait fini par devenir un personnage incontournable des médias, un bon client, un brillant causeur comme on dit….
D’où l’émotion qu’a suscité cette disparition et la flambée d’hommages qui a inondé les médias toute la journée. Mais dès le lendemain, une autre disparition de taille, celle notre Johnny national a rapidement estompé la première…
Certains tenteront de trouver un lien entre les deux hommes venus de milieux familiaux et d’horizons totalement différents : sinon une popularité indéniable, peut-être un lieu de parenté lointain déniché par quelque féru de généalogie : ils auraient un ancêtre commun originaire de Namur (Belgique) ayant vécu au XV -ème siècle….
Mais au fil du temps, leurs routes auraient divergé : les Lefèvre d’Ormesson auraient continué une impeccable lignée aristocratique tandis que les Smet seraient devenus des roturiers très proches de la plèbe….
Notre Jean d’O national serait donc le fruit d’une longue lignée aristocratique aussi bien paternelle que maternelle, ce fils de diplomate avait grandi dans le château de sa mère à Saint-Fargeau, dans l’Yonne qui inspira son best-seller « Au plaisir de Dieu » puis parcouru l’Europe, au gré des mutations professionnelles de son père.
Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, il réussit à décrocher une agrégation de Philosophie mais c’est dans le journalisme qu’il fera carrière et surtout au « Figaro » pendant plus de 40 ans. Il en deviendra même son directeur général pendant une courte période, mais le « pouvoir » ce n’était pas son truc….
Non, son « truc » c’était le verbe et l’écrit. Ce mondain se proclamera toujours amoureux de Chateaubriand et de son œuvre. Mais notre homme, clairement à droite ne cessera également de clamer son admiration pour Aragon qu’il plaçait au sommet de la république des lettres.
Venu relativement sur le tard à l’écriture, il sera pourtant élu très jeune sous la Coupole, devenant même le benjamin de l’Académie en 1973 : à 48 ans.
Il restera fidèle au rendez vous du Jeudi, et a disparu en devenant cette fois-ci le doyen……
La vie de Jean D’Ormesson sera mondaine : il fera un bon mariage en épousant Françoise Beghin, l’héritière du magnat du sucre Beghin-Say, trouvant au passage un nouveau cousinage avec le cinéaste Louis Malle. Le couple aura un enfant unique : Héloïse qui est devenue éditrice……
Il réside dans un hôtel particulier à Neuilly sur Seine, tout en ayant un lieu de vacances privilégié en Corse. Bref, une vie de « privilégié » qu’il ne niera pas et qui lui permettra certainement d’assouvir certaines passions, comme celle des voyages…
Une passion charnelle avec l’Italie notamment, comme c’est souvent le cas pour un bon nombre d’intellectuels, ah quel guide il faisait pour faire découvrir les mille et une merveille que renferme ce pays voisin !
Ce séducteur au regard clair avait un sens aigu de l’amitié, de plus doté d’une bienveillance envers des contemporains qu’ils savaient encourager. Mais il a su parfois faire preuve d’une grande férocité face à ses détracteurs : on se souvient de son face à face avec Roger Peyrefitte lors d’un passage à « Apostrophes » ou ses insultes envers le directeur de l’Humanité, Roland Leroy lors d’un débat sur France Inter « Vous êtes ignoble » vociféra-t’il.
Jean Ferrat qui ne méprisait pas l’homme mais plutôt le monde qu’il représentait (la presse bourgeoise, la haute société) lui dédia une chanson au « vitriol » : « un air de liberté ».
Farouche adversaire de François Mitterrand, il finit par « sympathiser » avec lui, devenant même son ultime invité avant sa passation de pouvoir en 1995. Il deviendra acteur et interprètera d’ailleurs son rôle dans « les plaisirs du palais » avec Catherine Frot …
Sa grande notoriété viendra surtout de ses nombreux passages à « Apostrophes » avec Bernard Pivot, qu’il avait côtoyé au « Figaro » (le célèbre animateur a même baptisé sa piscine « Jean d’Ormesson) où notre homme s’avéra parfois un polémiste féroce et souvent comme un brillant causeur……
Les dernières années de sa longue et riche vie auront été marquées sous le sceau d’une certaine sagesse, une interrogation sur l’arrivée imminente de la mort.
Allez, les souvenirs restent et on pourra toujours aller jeter un œil du « coté d’Ormesson » ne serait-ce qu’en le relisant pour certains et en le découvrant pour d’autres…..