UNE LONGUE GESTATION

Le 25 février 1965, Evry-Petit-Bourg, 5 000 habitants devient officiellement Chef-lieu du futur département de l’Essonne, au grand dam de sa voisine Corbeil-Essonnes qui pensait le devenir en toute logique. Elle jouera cependant le rôle de Préfecture provisoire jusqu’en 1971 et gardera par la suite son statut de sous-préfecture mais sans être chef-lieu d’arrondissement…

Lors d’un conseil municipal au mois de mai, le conseil municipal du nouveau chef-lieu vote le changement de nom : le suffixe « Petit-Bourg » jugé certainement trop péjoratif pour un chef-lieu est supprimé pour devenir Evry tout court…. Au risque de refaire une confusion comme dans le passé avec Ivry (sur seine).

Dans la foulée, le projet de créations des villes nouvelles est lancé, dont celle d’Evry. On verra par la suite que sa mise en œuvre ne sera pas un long fleuve tranquille au vu des rivalités territoriales et surtout politiques.

En mars, les élections municipales ne sont pas favorables au pouvoir Gaulliste en place. A Evry, Michel Boscher est cependant réélu tout comme Xavier Pidoux de la Maduère à Juvisy-sur-Orge ou encore Armand Cachat à Montgeron.

Les communistes Roger Combrisson à Corbeil, Michel Aubert à Massy ou Roger Perriaud à Sainte Geneviève des Bois sont réélus, tandis que Geneviève Rodriguez est élue à Morsang sur Orge succédant à une autre femme en poste depuis 1953. En revanche, Robert Vizet échoue à Palaiseau face à un candidat gaulliste.

Dans la famille modérée (« le centre droit »), Le docteur Gabriel Barrière devient maire d’Etampes, Abel Cornaton est réélu à Arpajon ainsi que René L’Helguen à Athis-Mons, Henri Longuet à Viry-Châtillon, Robert Trimbach à Orsay, Jean Simonin à Verrières le Buisson et Pierre Prost à Brunoy, ces deux derniers qui deviendront président du conseil général ou Pierre Ceccaldi-Pavard à Dourdan…

Un évènement troublant va éclater dans la future Essonne en cette année 1965 : c’est ce que l’on va appeler « l’Affaire Ben Barka », du nom du chef de l’opposition Marocaine, Mehdi Ben Barka, ancien professeur de mathématiques d’Hassan II qui sera enlevé devant la brasserie Lipp à Paris pour être séquestré dans une villa appartenant au truand Boucheseiche située à Fontenay le Vicomte (non loin de Mennecy) pour ne plus jamais réapparaître….

On a accusé le pouvoir Marocain sous l’égide du Général Oufkir d’être à l’origine de ce rapt avec la complicité des barbouzes français. Les rumeurs les plus folles circuleront sur la disparition du corps de Ben Barka, dont son enterrement quelque part dans le bois de la Garenne situé dans le petit village de Courcouronnes ….

Le futur département accueille ou abrite plusieurs vedettes : Johnny Hallyday passe une journée à Bièvres et se produira dans plusieurs salles du département, tout comme Françoise Hardy ou Dick Rivers. Daniel Bevilacqua, alias « Christophe », enfant de Juvisy sur Orge triomphe avec ses tubes « Aline » ou encore « Les Marionnettes ». Il se produira d’ailleurs dans sa ville natale…tout comme le légendaire groupe les Who en 1966 !

Claude François a acheté en 1964 le moulin de Dannemois qu’il conservera jusqu’à sa disparition tragique en 1978 (il est enterré au cimetière du village). Jean-Claude Drouot, acteur belge est devenu une icône nationale grâce au feuilleton « Thierry la Fronde » il possède (toujours) une vaste propriété à Evry-Petit-Bourg et anime même la fête des jeunes de sa commune. Il est également l’interprète du film « Le Bonheur » d’Agnès Varda, Prix Delluc 1965 qui fait scandale en abordant le sujet de l’adultère.

La future Essonne, boostée par un accroissement démographique considérable en profite pour continuer à se doter d’équipements sportifs et scolaires : c’est le début de l’opération « Mille Piscines » des Maisons des Jeunes et de la Culture qui sont inaugurées dans plusieurs communes du département (Corbeil, Evry, Yerres, Massy) …

Les lycées et les collèges se construisent : après Montgeron et Savigny sur Orge dès la fin des années 40, c’est Corbeil-Essonnes qui avait inauguré son lycée en 1958, d’abord annexe de Montgeron puis lycée à part entière, puis Etampes qui transforme son collège en lycée qui est inauguré sur le plateau de Guinette en 1963. Dourdan, Orsay et Massy ouvrent également des lycées durant cette décennie…

Les cités continuent à pousser surtout au nord du département : à Vigneux sur Seine, Corbeil-Essonnes, Saint Michel sur Orge, Savigny sur Orge, Viry-Châtillon, Boussy st Antoine et Epinay sous Sénart, Massy et bientôt Grigny….

Au centre : Arpajon et Brétigny sur Orge développent également un vaste programme de logements sociaux….

Au sud : C’est Etampes, avec l’urbanisation du plateau de Guinette, pourtant jugé inhabitable lors d’une enquête d’utilité publique en 1962. Outre le lycée c’est l’Hôpital Barthélémy Durand, spécialisé dans les pathologies mentales qui est inauguré en 1965 avec les cités voisines construites en partie par Bouygues, autour de la ferme de Guinette. Une ville « Haute » nouvelle va dominer une ville « basse » chargée d’histoire et encore empreinte d’un provincialisme marqué.

Mais les années 60, période de prospérité est aussi celle de l’émergence du rêve du français moyen : l’accession à la propriété et surtout à la maison individuelle. Le « village expo » est inauguré à Saint Michel sur Orge par le ministre de l’équipement Edgar Pisani en 1965.

En 1966, l’Essonne administrative se dessine encore plus avec la création des futurs arrondissements : Etampes redevient sous-préfecture. Elle avait perdu son statut lors de la réforme territoriale de 1926, étant alors rattachée à l’arrondissement de Rambouillet.

Elle abritera en son sein les futurs cantons d’Etampes, Dourdan, Saint Chéron, Etréchy, Méréville, la Ferté et Alais. En somme tout le sud Essonne, sauf Milly la Forêt qui est rattachée au nouvel arrondissement d’Evry qui remplace celui de Corbeil-Essonnes (mais qui était plus vaste : il débordait sur le sud du Val de Marne, englobant Villeneuve Saint Georges, Villecresnes et Villiers sur Marne).

Palaiseau est confirmée comme sous-préfecture d’un secteur couvrant essentiellement le nord-ouest une partie du centre du département : Massy, Orsay, Bièvres, Savigny sur Orge, Arpajon, Brétigny sur Orge et Limours en Hurepoix.
Edgar Pisani inaugure la première pierre de la ville nouvelle d’Evry en ce printemps 1966. Son hélicoptère se pose au milieu des champs, tout est à inventer ! On parle de l’élaboration d’une vaste agglomération de la taille de Lyon (500 000 habitants). Difficile à imaginer lorsque que l’on regarde les villages agricoles autour d’Evry : Courcouronnes (150 habitants), Bondoufle (200) ou Lisses…

La première grande implantation industrielle sera la SNECMA, le constructeur aéronautique s’installe à cheval entre Corbeil-Essonnes et Evry et emploiera à moyen terme plus de 5 000 personnes, presqu’autant que le site IBM de Corbeil inauguré en 1964….

La direction de l’équipement voit le jour et prend ses marques à Corbeil-Essonnes. La ville des grands moulins inaugure également les nouveaux locaux de la Chambre de Commerce et d’Industrie, quai Bourgoin ainsi que le tribunal de Grande instance, place Salvandy.

L’évêché de Corbeil-Essonnes est créé, la collégiale Saint-Spire est élevée au rang de Cathédrale par Paul VI. Albert Malbois, évêque auxiliaire de Versailles devient le patron du diocèse et le restera jusqu’en 1978. Il est mort en 2017, à l’âge de 102 ans, devenu doyen des évêques de France. Il fera de la basilique de Longpont la Sainte-Patronne de l’Essonne en 1969.

Alors que de nombreux français n’ont pas le téléphone ou mettent plus de deux ans à l’obtenir, on inaugure un central électronique à Arpajon….

Le progrès est en marche….