LA GRANDE FRICHE
1961 : Michel Debré, Premier Ministre du Général de Gaulle vient inaugurer le nouvel Hôtel de Ville d’Evry-Petit-Bourg (Seine et Oise), il est reçu par le maire de la commune, le député Gaulliste Michel Boscher qui fut auparavant son collaborateur en 1958. L’évènement est relaté lors du journal télévisé.
On est alors loin de s’imaginer que la commune encore agricole deviendra le chef-lieu du futur département de l’Essonne et qu’Edgar Pisani y posera la première pierre de la ville nouvelle en 1966….
Aux alentours, face aux demandes criantes de logements, notamment à Ris-Orangis où le vaste domaine de l’Aunette sort de terre toujours en 1961. A Corbeil-Essonnes, c’est également le lancement des Tarterêts qui s’étendra sur une décennie….
Les tours et autres barres d’immeubles poussent comme des champignons à Athis-Mons, Viry-Châtillon, Vigneux-sur-Seine ou encore à Savigny sur Orge et son quartier Grand-Vaux coupé du reste de la commune par une autoroute du Sud toute neuve…
Le recensement de 1962 indique que la future Essonne atteint les 470.000 habitants (soit 20 % de la population de la Seine et Oise) mais que la courbe démographique va continuer de grimper inexorablement.
Plusieurs villes dépassent alors les 20 000 habitants : Corbeil-Essonnes, Viry-Châtillon, Savigny sur Orge ou Athis-Mons, tandis que d’autres s’en approchent comme Massy (population triplée en un recensement) ou encore Palaiseau et Montgeron.
La future Essonne est le département le moins industrialisé de la Région Parisienne. Il comporte cependant quelques poches notables dans la vallée de la Seine et de l’Orge, surtout dans la région de Corbeil-Essonnes, la plus grande ville de la région et indéniablement la Capitale industrielle du Sud-Parisien.
Corbeil la sous-préfecture a fusionné avec Essonnes l’industrielle en 1951 pour former au début des années 60 une agglomération de près de 25000 habitants. Son potentiel industriel est considérable et varié : dans la métallurgie (Decauville), l’alimentaire (Exona), l’imprimerie (Crété), la minoterie (les Grands Moulins, les plus importants de France) et bien sûr la papeterie (Darblay, l’inventeur du Sopalin, notamment), la féculerie Doittau ou encore les balances Testut. Certaines entités comptant plus de 4 000 ouvriers comme chez Darblay ou 2000 chez Crété.
Donc un bassin d’emploi conséquent qui a fait la fortune de la ville mais qui va malheureusement provoquer son déclin dès le début des années 70 avec la disparition progressive de l’industrie manufacturière.
La construction du site d’IBM au sud de la ville, générateur de nombreux emplois qualifiés va partiellement donner une réponse. Ris-Orangis et Viry-Châtillon possède également un tissu industriel notable. Tandis qu’au sud, Etampes-Brières les Scellés accueille depuis 1955, l’usine Bertrand Faure spécialisée dans l'équipement des sièges automobiles ….
Mais la vocation du futur département réside surtout dans le développement du secteur tertiaire. On parle déjà du développement du plateau de Saclay. Le Commissariat à
l’Energie Atomique s’y est implanté depuis le début des années 50 près du bourg de Saclay, mais également à Bruyères le Châtel, non loin d'Arpajon.
Entre Nozay et Marcoussis, le centre
de recherches de la Compagnie générale d’Electricité sera construit entre 1960 et 1964.
L’apport de ces populations nouvelles impliquent la construction impérative d’ infrastructures routières, sportives, scolaires, commerciales, ferroviaires en ce début des années 60 .
Les routes du sud de la Seine et Oise comportent de grands axes :
• Route
de Versailles à Corbeil, via Montlhéry (ancêtre de la Francilienne)
• RN 191 entre Ablis et Corbeil
• N20 entre Longjumeau et Angerville, surnommée « la route des cadavres » à cause de certains
de ses tronçons accidentogènes.
• N7 entre Athis-Mons et Le Coudray-Montceaux
• N5 entre Villeneuve St Georges et Lieusaint (Seine et Marne).
A l’époque : pas de limitations de vitesse, pas de radars, pas de permis à point, pas de rambardes de sécurité mais la France compte autant de tués sur la route : 14000, soit l’équivalent de la population d’Etampes !
Outre l’Autoroute du Sud, c’est celui du Grand Ouest, à destination de la Bretagne et de l’Aquitaine, les futures A10 et A11 dont les travaux ont été lancés au début de la décennie 60, avec déjà des tronçons en circulation, notamment autour de Massy et de Villebon sur Yvette…
Cette décennie marque l’ère du « Tout voiture » et donc de l’absence
de construction de nouvelles voies ferrées pour desservir les grandes zones industrielles naissantes… Les lignes SNCF existantes datent du XIX -ème siècle : Paris-Corbeil (1840, troisième ligne ouverte en France), Paris-Melun
via Villeneuve St Georges, Juvisy-Brétigny-Etampes-Orleans (1843), Brétigny-Dourdan (1855), Etampes-Pithiviers (qui fermera en 1969) ou encore Corbeil-La Ferté-Alais/Malesherbes
La RATP exploite la ligne de Sceaux notamment entre
Massy-Palaiseau-Orsay-Saint Rémy les Chevreuse.
L’idée de RER a déjà germé, la première ligne sera inaugurée entre Nation et Boissy Saint Léger en 1969. Elle ne verra le jour dans l’Essonne qu’à l’orée des années 80 comme beaucoup d’autres projets infrastructurels d’ailleurs…. Dans ces années 60, elle court, elle court la banlieue et même la grande banlieue pour rejoindre la Capitale….
La future Essonne, pionnière pour la Recherche le sera également pour ce que l’on n’appelle pas encore la Grande distribution en inaugurant en 1963, le premier Hypermarché d’Europe à Sainte Geneviève des Bois qui a pour nom « Carrefour » fondé à Annecy en 1960 par Marcel Fournier et Denis Defforey. L’évènement est fêté en grandes pompes mais qui sonnera le glas à moyen terme du petit commerce….