1967 UNE ANNEE CHARNIERE

Pierre Prost
(1896-1982)
1er Président du Conseil Général de l'Essonne
en 1967

 

« La France s’ennuie » c’est le constat que dresse l’éditorialiste Pierre Vianson-Ponté dans les « colonnes » du journal « Le Monde ». Cet article est devenu une référence car il préfigure de ce qui va bousculer la France un an plus tard.

Alors que l’Europe économique s’est mise en marche avec son « Marché Commun » composé de six membres (France, RFA, Italie, Belgique, Luxembourg, Pays Bas), une autre partie du vieux continent vit dans des régimes dictatoriaux : Espagne, Portugal et Grèce, où un « coup d’état » menée par des Colonels a eu lieu….

En Allemagne de l’ouest, disparait à 91 ans, le Chancelier Konrad Adenauer, co-auteur de la réconciliation Franco-Allemande avec le Général de Gaulle en 1963.
Le monde de 1967 est également agité : on déplore deux guerres notables : en Afrique, celle du Biafra, terrible et au Proche-Orient, celle des six jours entre Israël et l’Egypte.

En Amérique latine, Mort du Guérillero Ernesto « Che » Guevara, médecin d’origine argentine, qui sera tué à 39 ans dans la jungle bolivienne et qui devient d’emblée une icône pour tous les révolutionnaires de la planète….

En Californie se déroule le premier méga festival pop de l’histoire à Monterey, auquel participe notamment les Who, Janis Joplin, Jimi Hendrix. La guerre du Vietnam fait rage et les Etats-Unis dirigés par Lyndon Johnson, s’enfonce dans une guerre vouée à l’échec malgré un arsenal militaire impressionnant.

C’est l’époque du Flower power, du Londres psychédélique que décrit Antonioni dans son film Blow Up, palme d’Or du festival de Cannes cette année-là.

En France, Au niveau sociétal, la loi « Neuwirth » du nom de son instigateur, le député de la Loire, Lucien Neuwirth (1924-2013) autorisant la pilule contraceptive pour les femmes, malgré des débats houleux à l’assemblée nationale est promulguée et mise en application. Cette grande avancée pour la « liberté des femmes « est une pierre supplémentaire à l’émancipation de ces dernières, rappelons que la loi de 1966, a permis à la femme d’ouvrir un compte en banque sans autorisation de son époux…

La télévision française, gérée par un monopole d’état est composée de deux chaînes, la deuxième devenant en couleurs mais dont peu de téléspectateurs profitent encore.

Les « Trente Glorieuses » économiques demeurent une réalité depuis 1945 mais l’on voit déjà poindre à l’horizon les premiers nuages menaçants du déclin économique. Avec un peu plus de 400 000 chômeurs, l’Agence Nationale pour l’emploi (ANPE) est créée sous l’égide d’un jeune secrétaire d’Etat de 34 ans, Jacques Chirac….

A la toute jeune fac de Nanterre, le ministre des sports François Missoffe se « frite » avec l’étudiant contestataire Daniel Cohn-Bendit sur les bords de la piscine du Campus à propos du livre blanc dudit ministre sur la jeunesse. Le futur leader de mai 1968 l’accuse de ne pas traiter du problème de la sexualité des jeunes….

A Corbeil-Essonnes est inauguré le stade nautique que dirige Gabriel Menut, fondateur des maitres-nageurs sauveteurs de France, ancien responsable de la baignade sur la Seine.

Le département de l’Essonne vit sa dernière année sous la tutelle de la Seine et Oise, les services départements sont transférés peu à peu, non sans certaines difficultés de Versailles vers…Corbeil-Essonnes, chef-lieu provisoire.

A Evry, l’Etablissement public d’aménagement est créé au milieu des champs qui vont progressivement devenir d’interminables chantiers pour l’édification de la Ville Nouvelle. Cette année marque également le lancement d’un vaste et ambitieux programme urbanistique à Grigny : la « Grande Borne » mené par l’architecte Emile Aillaud. Dans le voisinage, démarre également le chantier de la future prison de Fleury-Mérogis, la plus grande d’Europe….

Des élections législatives sont organisées en France au mois de mars et on constate que la majorité Gaulliste ne l’emporte que d’une seule voix et que la progression de la gauche non communiste est une réalité avec la FGDS dirigée par François Mitterrand qui créera le futur parti Socialiste lors du congrès d’Epinay en 1971.

Dans l’ancienne Seine et Oise, la future Essonne était représentée par les 13 e, 14 e et 15 -ème circonscription avec les Gaullistes : Armand Cachat, Max-Petit et Michel Boscher.
Dans la nouvelle Essonne, quatre circonscriptions ont été découpées de la façon suivante :

La première (CORBEIL-MONTGERON). Le maire Communiste de Corbeil-Essonnes, Roger Combrisson prend sa revanche de 1962 en battant le sortant, le maire de Montgeron, Armand Cachat.

La deuxième (ARPAJON-ETAMPES), Michel Boscher, député sortant, maire d’Evry bat son éternel adversaire, Serge Lefranc, maire Communiste de Saclas, conseiller général de Méréville.

La troisième (LONJUMEAU-MASSY), Pierre Juquin, 37 ans, étoile montante du Parti Communiste bat à la surprise générale le Colonel Barberot, compagnon de la Libération, pourtant favori au premier tour.

La quatrième (PALAISEAU-DOURDAN) l’ancien maire Communiste de Palaiseau, Robert Vizet bat le gaulliste de Gauche Léo Hamon.
Hormis la troisième circonscription dans laquelle on assiste aux parachutages de deux personnalités, les trois autres élisent des parlementaires dont les attaches essonniennes sont réelles soit par la naissance (Boscher, Vizet) ou l’implantation de longue date (Cachat).

Ces circonscriptions qui ne tiendront pas compte de la considérable évolution démographique que subira le département et ne seront supprimées qu’en 1986 pour redéployer à partir de 1988, dix nouvelles circonscriptions plus en adéquation avec le poids démographique.

L’Essonne de 1967 peut donc apparaître comme une « Terre Rouge » avec 3 députés communistes sur 4 élus.

Mais les élections cantonales de septembre vont contredire ce constat : 27 cantons sont donc créés ou reconduits et voit se dégager une majorité que l’on qualifiera de « Modérée », pour être plus claire située au Centre-droit sur l’échiquier politique.

La majorité sera constituée de « Modérés » (Prost à Brunoy, Ceccaldi-Pavard à Dourdan, Calley à Etampes, Denis à la Ferté-Alais, Beauparain à Limours en Hurepoix, Colin à Longjumeau, Vuillemey à Montlhéry, Robert à Mennecy, Longuet à Viry Châtillon, de Ganay à Milly la Forêt, Trimbach à Orsay, Lochard à Saint-Chéron)
Mais également des Gaullistes : avec Boscher (Evry), Pidoux de la Maduère (Juvisy sur Orge), Sieffert (Montgeron) ou encore Simonin à Bièvres.

L’opposition est représentée par une forte minorité de communistes : Combrisson (Corbeil-Essonnes), Ooghe (Ste Geneviève des Bois), Perrin (Ris-Orangis), Guyonneau (Massy), Namy (Arpajon), Dosias (Athis-Mons), Dechaux (Brétigny sur Orge), Lefranc à Méréville, Vizet (Palaiseau) et Brosseau (Savigny sur Orge)

Un seul élu FGDS, Lucien Sergent, Conseiller général et Maire d’Etréchy mais il votera avec la Droite. Plus tard, il rejoindra l’UDF et restera élu jusqu’en 1998 !

A sa tête, Pierre Prost, 71 ans, Maire de Brunoy depuis 1947. Ancien trésorier payeur général, il restera à la tête de l’exécutif départemental jusqu’en 1976, année de la victoire de la gauche.

Lors de la séance inaugurale du Conseil général à Corbeil-Essonnes, il porte sur les fonts baptismaux la jeune Essonne en déclarant : « Voir naître un département, assister à ses premiers pas est l’exaltante aventure que nous a réservé notre destin commun ». A l’époque, l’administration départementale compte 237 agents (contre 4 500 aujourd’hui).

Les conseillers généraux ne prendront officiellement leur fonction que le 1 er janvier 1968. Mais le véritable « patron » du département, c’est le préfet délégué, il s’agit de Christian Orsetti qui avait déjà occupé la fonction en 1964 qui travaillera avec la commission permanente du Conseil général….On est encore très loin de l’ère de la décentralisation….