L’AN I- 1968
Le premier janvier 1968 marque la naissance officielle des sept nouveaux départements de la région Parisienne (on ne dit pas encore Ile de France) : Paris, Hauts de Seine, Seine Saint Denis, Val de Marne, Yvelines, Val d’Oise et bien sûr l’Essonne. Le huitième département, la Seine et Marne gardant sa territorialité d’origine.
On avait parlé de l’intégration de l’Oise à la région ou de la création d’un nouveau département au nord de l’Yonne rattaché à la Région Parisienne mais ces tentatives ont échoué.
Voici quelques chiffres pour présenter le nouveau département :
1804 km2- 197 communes-3 Arrondissements-27 cantons
« Après 191 ans de Seine et Oise, voici
donc l’Essonne » écrit l’éditorialiste de la Gazette de l’Ile de France, Yann Poilvet, non sans nostalgie et interrogation sur l’avenir de ce jeune territoire.
La presse commente et accompagne le jeune département dans ses balbutiements avec ses sensibilités : clairement à gauche, avec la « Marseillaise de l’Essonne » dans un département où nous l’avons vu, le parti communiste est très influent, plutôt modérée avec la « Gazette » tandis que le « Républicain » journal créé en 1944 par un imprimeur de Corbeil, Jean Bouvet affiche nettement un anti-communiste viscéral, bien qu’il soit implanté à Corbeil-Essonnes, fief communiste.
C’est à ce jour le seul journal de cette époque qui existe encore sur le département mais dont la ligne éditoriale
est heureusement bien plus nuancée.
Le « Parisien » à l’époque « Libéré » n’a pas d’édition essonnienne en 1968, cela ne sera le cas que dix ans plus tard. Emilien Amaury,
fondateur du journal et natif d’Etampes ne pouvait pas priver son département natal d’une édition spécialisée, à l’instar de la Seine et Marne voisine….
Le département
91 comptera au recensement de la même année quelques 674.000 habitants, à l’orée d’un boom démographique qui ne se stabilisera qu’au cours des années 90.
La frénésie urbaine s’est
poursuivie depuis le début des années 60 et la commune la plus peuplée est Massy avec 37.000 habitants (contre 19.000 en 1962) devançant Corbeil-Essonnes, préfecture provisoire avec 32.000 habitants tandis que le «
chef-lieu » Evry ne compte encore que 7.200 habitants !
L’arrondissement d’Etampes qui représente la moitié de la superficie du département ne compte que 66 000 habitants (contre 600 000 pour les deux autres : Evry-Corbeil et Palaiseau) et garde donc une physionomie très rurale a contrario d’un nord Essonne qui s’urbanise à grande vitesse.
A Fleury-Mérogis est inaugurée la plus grande prison d’Europe, à proximité d’une cité en pleine construction : « La Grande Borne ».
A Saint Michel sur Orge, c’est l’inauguration du magasin Euromarché, avec cafétéria et galerie marchande au cœur du quartier nouveau du « Bois des Roches ». C’est l’émergence d’une société de consommation qui ne s’arrêtera plus. Mais pour l’heure, le petit commerce, les cinémas de quartier et les bals du samedi soir sont à l’image de cette société (presque) paisible des années 60.
Mai 68 a été présent en Essonne, avec les fermetures de lycées (notamment à Corbeil-Essonnes et Etampes), des grèves dans tous les secteurs publics et privés. Citons Le CEA de Saclay, dont l’un des meneurs de la grève n’est autre que Michel Pelchat, futur député et sénateur qui passera en une décennie de l’extrême gauche, en passant par le Parti socialiste pour finir bien à droite en 1981 ! Les usines sont en grève, notamment à Corbeil Essonnes qui est encore à l’époque la ville la plus industrialisée d’Ile de France avec Gennevilliers…
Evry vit encore au milieu des champs mais l’urbanisation naissante se fait de plus en plus sensible. Le directeur de la MJC sera remercié par le maire, Michel Boscher pour tentative d’autonomie vis-à-vis de son autorité de tutelle.
Le même Michel Boscher qui s’illustre pendant cette période avec une altercation avec François Mitterrand au cœur de l’hémicycle à propos du non-respect d’une minute de silence par le futur président de la république.
Le Général de Gaulle, très fragilisé durant les évènements, arrive à reprendre la main et décide de dissoudre l’assemblée nationale, élue en 1967.
Ces législatives anticipées de juin 1968, que l’on a surnommé les « élections de la peur » vont provoquer un véritable « raz-de-marée » gaulliste et les
résultats dans le département seront les mêmes que dans le reste de l’Hexagone :
• Dans la 1 ère circonscription (Corbeil-Montgeron), le sortant Roger Combrisson échoue face au jeune Gaulliste Jean Claude Fortuit
(qui deviendra conseiller général de Montgeron en 1972),
• Dans la 2 -ème (Arpajon-Etampes), Michel Boscher garde son siège de façon confortable face à Serge Lefranc,
• Dans la 3 -ème circonscription
(Longjumeau-Massy), Pierre Juquin est défait par l’avocat Jacques Mercier.
• Dans la 4 -ème circonscription (Palaiseau-Dourdan) : Robert Vizet échoue face au futur ministre Léo Hamon (qui cèdera son siège
à son suppléant, Maurice Fraudeau en 1969 pour donner suite à sa nomination au gouvernement)
Les premières élections sénatoriales se déroulent en septembre et voient l’envoi au palais du Luxembourg : de Louis Namy, conseiller général PC d’Arpajon, de Jean Colin, maire Centriste de Longjumeau et de Pierre Prost, maire également Centriste de Brunoy et Président du Conseil général.
L’Essonne est donc en marche pour développement et la cohésion de son nouveau territoire, cependant mis à mal par la sécession de deux communes : Châteaufort et Toussus le Noble qui préfère rejoindre le département voisin des Yvelines en 1969. Mais cette perte sera compensée par la création d’une nouvelle commune en 1977 : Les Ulis, amputation d’une partie de Bures sur Yvette et d’Orsay.
Michel Aurillac, premier préfet de l’Essonne quitte Corbeil dès 1970 pour devenir « un préfet des champs » tandis que la Préfecture de l’Essonne est inaugurée officiellement à Evry en 1971 par Georges Pompidou. La plupart des administrations départementales (Directions départementales, Tribunal, Chambre de Commerce, services du département) seront transférées de Corbeil vers Evry au cours des années 70/85.
Cinquante ans se sont écoulés : la population du département a presque doublé, Evry est devenu la ville la plus peuplée du département et un pôle économique et
universitaire incontestable a défaut de devenir une vraie ville, jouissant même d’une mauvaise réputation, ce que l’on surnomme le « mal des « banlieues » caractérisée par la précarité
et l’insécurité, même si des efforts notables d’amélioration de cette situation ont été fait depuis quelques années…
Massy et le développement du plateau de Saclay sont appelés
à jouer un rôle de premier plan dans l’essor d’un département, moins touché par le chômage que la moyenne des autres départements.
L’Essonne est surtout connue pour son hypertrophie commerciale, depuis le Carrefour de Ste Geneviève des Bois en 1963, de nombreux centres commerciaux ont vu le jour : Les Ulis 2 en 1973, Evry 2 en 1975, Villebon sur Yvette, Brétigny sur Orge ou encore Villabé pour ne nommer que les principaux. Et la frénésie commerciale continue de se développer grignotant encore et toujours des terres agricoles….
Le sud du département reste rural malgré une augmentation sensible de sa population (qui a également doublé), gonflant les anciens bourgs et villages de nombreux lotissements. Etampes demeure la métropole incontestable de la région, ayant développé sa ville haute « le quartier de Guinette » et surtout désenclavée sa zone industrielle.
L’Essonne balbutiante de 1968 à laisser la place 50 ans après à un département ayant atteint une maturité lente mais certaine qui a su se faire une place de premier ordre parmi les 95 autres départements métropolitains….