MEREVILLE, UN VILLAGE A L'HEURE FRANCILIENNE ?
Située à l’extrémité de la Haute Vallée de la Juine, dans la partie la plus méridionale de l’Essonne, la commune de Méréville constitue l’archétype même du bourg du Sud-Essonne : encore largement rurale malgré une urbanisation récente et un relatif éloignement de la capitale qui en fait le trait d’union entre les régions d’Ile de France et du Centre Val de Loire….
Jusqu’en 2015, ce bourg beauceron de 3 200 habitants était depuis 1967, le chef-lieu d’un canton de l’Essonne comportant 22 communes mais la réforme territoriale a supprimé ce morceau de territoire pour être englobé dans celui du nouveau grand canton d’Etampes.
Auparavant, Méréville avait été déjà chef-lieu de canton de la Seine et Oise de 1801 jusqu’à la suppression du département le 1 er Janvier 1968…, d’abord intégré l’arrondissement d’Etampes jusqu’en 1926, puis à celui de Rambouillet pour finalement retrouver celui d’Etampes lors de la création de l’Essonne.
Mais il s’agit bien d’une autre Essonne, bien loin par exemple de Vigneux sur Seine, commune de banlieue située à 62 km au nord
est du même département ou du Chef-lieu, Evry à 58 km.
Les agglomérations notables les plus proches sont les sous-préfectures d’Etampes à 17 km ou de Pithiviers (Loiret) à 25 km.
L’Essonne qui s’est aperçu un peu tardivement qu’elle possédait un patrimoine culturel, écologique et touristique remarquable a classé La Haute Vallée de la Juine avec le label : « Sites pittoresques » au début des années 80.
Il est bon de rappeler que les rivières ont façonné les paysages variés que l'on retrouve dans le Sud-Essonne : les fonds de vallée,
les coteaux et plaines fertiles présentent ainsi de grandes variétés de milieux naturels au cœur d’une région demeurée très agricole.
Aujourd’hui intégré au bassin d’emplois
et de vie de l’Etampois, ayant d’ailleurs été intégré à la communauté de Communes éponyme, Méréville tente de retrouver un second souffle comme bon nombre de villes et villages un peu
à l’écart des grands centres de développement….
Son éloignement de la capitale : 65 kms (elle est en effet plus proche d’Orléans qui se situe 50 km plus au sud), sa position excentrée (non desservi
par le train et par des axes de communication majeurs a contrario de sa voisine et rivale Angerville, avec le TER et la RN20) semble peu plaider en faveur d’une revitalisation.
Pourtant, la capitale du « Cresson » a bien atouts et a
commencé à sortir de son doux assoupissement en lançant un certain nombre de projets prometteurs associant les acteurs locaux aussi bien sur le volet économique que culturel….
LE SURSAUT
En 2014, Guy Desmurs, fraîchement élu maire (sans étiquette) de la Commune promet de redynamiser le commerce local : comme dans bon nombre d’autres communes similaires, les centres villes se désertifient. L’attrait du consommateur pour les moyennes et grandes surfaces commerciales est passé par là. Le nouveau magistrat municipal ne veut pas voir sa commune devenir « ville-dortoir ». Un autre sujet de préoccupation réside dans la fuite des services (banques, la poste) vers d’autres lieux plus attractifs.
Certes, Méréville possède encore les infrastructures inhérentes à un (ex) chef-lieu de canton : une gendarmerie, une caserne de pompiers, des établissements scolaires dont un collège mais cela sa position excentrée renforce, donc son manque d’attractivité….
D’ailleurs, si l’on analyse l’évolution de la population depuis la création
du département en 1968, on constate une évolution certes sensible, de 2195 à 3200 habitants, soit 45 % mais qui reste modeste face à sa voisine et rivale Angerville qui est passée de 1926 habitants à 4193, soit plus
de 117 % d’accroissement.
Avec plus de 90 % de son territoire en zone rurale, la commune est donc susceptible de se développer foncièrement, son intégration dans la communauté de l’Etampois peut l’aider à
amorcer ce processus de développement et enrayer ainsi le risque d’un lent mais constant déclin.
UNE COMMUNE CHARGEE D’HISTOIRE
Méréville c’est d’abord un château et son parc boisé et vallonné d’une superficie de près de 90 hectares qui se trouvent dans la partie septentrionale
de la commune. Racheté par le conseil général de l’Essonne après une longue période d’incertitude quant à son avenir, ce site unique est chargé d’une histoire remarquable.
A l’origine,
c’est un manoir construit au XVI -ème siècle qui sera transformé en château de style Renaissance accompagné d’un jardin à la « Française ».
Mais c’est le marquis Jean Joseph
de Laborde qui est le véritable promoteur du domaine qu’il rachète en 1784.
Ce financier, personnage éclairé aura de grandes ambitions de son domaine qu’il décide d’agrandir en faisant appels aux meilleurs entrepreneurs de l’époque : le sculpteur Pajou, le peintre Vernet ou l’architecte Barré mais c’est surtout Hubert Robert (qui a d’ailleurs donné son nom au collège de la ville) qui apportera la plus grande touche à ce vaste travail de restauration du domaine….
Le jardin à la Française de naguère deviendra à présent un jardin à l’Anglaise au cachet exceptionnel, parsemé de monuments d’inspiration Romaine comme la colonne Trajane ou encore le temple de la piété filiale dédié à sa fille.
Tous ces travaux « pharaoniques » se dérouleront sur plusieurs années avec le concours de plusieurs centaines d’ouvriers.
La Juine, rivière qui traverse Méréville sera déviée, ce
qui constitue pour l’époque un ouvrage hydrographique exceptionnel.
Dans ce décor unique qui rappelle le parc d’Ermenonville (Oise) ou le désert de Retz (Yvelines)
Le propriétaire
des lieux comme bon nombre de ses semblables tiendra un salon réputé vers 1790 mais
Il connaitra plusieurs drames : la mort de ces deux fils lors de l’expédition La Pérouse et lui-même qui ne survivra pas à
la terreur révolutionnaire : il sera guillotiné en 1794.
Après sa disparition et la fin de la Révolution Française, sa veuve retournera au domaine et en fera un centre de rencontres des grands artistes de l’époque dont l’illustre Châteaubriand….
UNE COMMUNE QUI ABRITE DES GENS DE LETTRES ET DES ARTISTES
Nous venons d’évoquer Chateaubriand qui résida au château de Méréville. D’autres écrivains ont vécu et été inspirés par la commune tels Blaise Cendrars qui bien que citoyen Suisse, s’engagea avec quelques compatriotes dans le premier conflit mondial : il y laissera un bras et viendra en convalescence au hameau de Pierres où il écrira « l’homme foudroyé ».
Geneviève Dormann, « hussarde de la littérature », auteur à succès (« le bal du dodo ») résida également à Méréville. D’abord mariée au peintre Etampois Philippe Lejeune, elle était également la fille de Maurice Dormann, natif d’Etréchy, directeur de « l’Abeille d’Etampes » et conseiller général du canton de Méréville.
MEREVILLE, PRIX GONCOURT 1945 !
Manosque (04) avait Jean
Giono (né et mort dans sa ville natale qu’il a glorifié dans la plupart de ses romans), Méréville a eu Jean-Louis Bory, né à Méréville en 1919 et où il a choisi de partir définitivement
soixante ans plus tard.
Fils du pharmacien du village et d’une institutrice, Jean Louis Bory sera un excellent élève au collège d’Etampes (actuel collège Guettard), il sera agrégé de lettres, et deviendra
professeur dans plusieurs lycées de France, notamment à Montgeron, annexe d’Henri IV puis quittera l’enseignement au milieu des années soixante, trop pris par ses activités journalistiques et littéraires….
C’est à 26 ans en 1945, qu’il publie « Mon village à l’heure allemande » dans lequel il décrit la vie lors des six derniers mois de l’occupation de son village natal, Méréville, ici rebaptisé
« Jumainville »
Evoquant des personnages réels sous le couvert de pseudonymes, cette description peu flatteuse pour certains ne plaira pas à tout le monde mais rencontrera un succès de librairie que l’auteur ne
retrouvera jamais par la suite (500 000 exemplaires).
Journaliste au « Nouvel Observateur », connu des auditeurs de France Inter pour ses joutes oratoires avec son meilleur ennemi Georges Charensol lors de la légendaire emission culturelle
« Masque et la Plume » chaque dimanche soir…
Parisien la semaine, il restera Mérévillois la plupart des Week-ends et continuera d’évoquer sa terre natale a travers ses différents ouvrages. Il avait
racheté la maison de ses grands-parents, surnommé « la Calife » sur les bords de la Juine….
Il sera un des premiers intellectuels à révéler son homosexualité au grand public en 1972, ce que
l’on appelle aujourd’hui faire son « Coming out ».
Déprimé, il finit par mettre fin à ses jours. Une rue de la ville porte son nom. Près de 40 ans après sa disparition, son souvenir reste vivace
dans son village natal et ce n’est que justice pour ce glorieux enfant du pays….
SERGE LEFRANC
Ce commerçant de
Saclas (1903/2000) fut Conseiller général du Canton de Méréville entre 1945 et 1985, avec une interruption au début de la Vème République. Il restera fidèle au Parti Communiste auquel il avait adhéré
dans les années 20.
Grand résistant dès 1940, d’abord dans la région d’Etampes puis à Paris, ou il prendra la tête du « Front national de la Police » qui provoquera la grève des Gardiens
de la paix, annonçant l’insurrection dans la Capitale en Août 1944, avant l’arrivée imminente des troupes alliées.
Il sera nommé par le général de Gaulle, président du Comité de
libération de la Seine et Oise
Serge Lefranc sera maire de Saclas pendant 45 ans, deviendra un temps sénateur de Seine et Oise mais il échouera plusieurs fois aux législatives face au même adversaire : le gaulliste Michel Boscher dans la 2 -ème circonscription de l’Essonne entre 1967 et 1973.
Père de Gérard Lefranc, maire Communiste d’Etampes de 1977 à 1995 et qui sera également membre du groupe communiste au Conseil général de 1976 à 1982.
Figure emblématique du Parti Communiste, respecté par ses adversaires, il sera néanmoins battu aux
cantonales de 1985 par un adversaire de droite, Philippe Allaire, maire de Guillerval et qui restera lui-même en poste jusqu’à sa défaite face à Franck Marlin, maire d’Etampes en 2004.
Le dernier conseiller général
fut Guy Crosnier (DVD) jusqu’à la suppression du canton en 2015.
Serge Lefranc a donné son nom à l’école primaire de la Commune. Il est mort à 97 ans.
LA LIGNE ETAMPES PITHIVIERS
Elle avait été inaugurée en 1905. D’une longueur de 37 km et avec une voie unique, elle desservait au départ de Saint Martin d’Etampes : Boissy la Rivière, Saclas, Méréville, Estouches, Sermaises du Loiret, Andeville, Engenville et Pithiviers.
On se souvient de l’hilarante évocation de Pierre Fresnay dans le film « les Vieux de la vieille » confessant avoir été conducteur sur la ligne « Etampes-Pithiviers, Pithiviers-Etampes » pendant 32 ans ! ».
Très fréquentée entre les deux guerres, elle connaitra un lent mais inexorable déclin à partir des années 50, lié probablement à l’essor de l’automobile mais surtout à la volonté de la SNCF de privilégier des axes ferroviaires plus rentables.
Le dernier autorail s’arrêtera en gare de Méréville en 1969. Depuis, on n’entend plus siffler les trains, qui ont été remplacés par des autocars.
Longtemps inoccupée, la gare de Méréville a été rachetée par un marchand de jouets anciens.
LA VIE ECONOMIQUE
Méréville, compte plus de 263 d’établissements actifs concernant les trois secteurs de l’économie locale (agriculture, industrie,
commerces et services). Si le secteur agricole emploie encore 10 % de la population active, ce qui demeure sensiblement plus élevé de la moyenne départementale (0,2%) et même nationale (2%)
Les deux autres secteurs restent
largement majoritaires, l’industrie représente 7 % des effectifs mais c’est bien sûr le commerce et les services qui dominent largement avec 58 % des actifs tandis que la part de l’administration publique couvre un peu moins
de 10 %.
Depuis les années 60, comme dans bon nombre de communes de cette taille, Méréville a développé une petite zone industrielle intégrant un certain nombre d’activités
variées.
Située au nord-est de la ville, à quelques mètres de l’ancienne voie de chemin de fer, elles abrite notamment le secteur de l’agrochimie (l’entreprise BAYER SAS, spécialisée dans le
traitement des semences, émanation de la société Mérévilloise Cérès, créée il y a un siècle) qui compte environ 75 salariés ou encore la métallurgie avec la Scop Union des
Forgerons qui s’avère être la dernière forge d’Ile de France et qui emploie encore 85 salariés, l’entreprise Coisnon, spécialisée dans le commerce en gros des céréales (40 salariés)
ou encore un établissement de mécanique industrielle (30 salariés).
MEREVILLE CAPITALE DU CRESSON
L’ancien chef-lieu de canton est considérée comme la « Capitale du Cresson », au cœur d’un département qui s’est hissé
au premier rang Français avec 40 % de la production nationale. Outre Méréville, on trouve des cressonnières autour d’Etampes (Saint Hilaire) et dans le Gâtinais Français autour de Milly la Forêt.
Importé
d’Outre Rhin au XIX -ème siècle, ce mode de culture est pratiqué à Méréville depuis plus d’un siècle. La géographie du site composée de paysages humides se prête à une
telle culture.
Plusieurs mêmes familles continuent d’exploiter de façon artisanale (dans le sens noble du terme, de façon manuelle).
La cressiculture est un travail rude, beaucoup moins rémunérateur que ne
l’est la céréaliculture mais elle a su évoluer avec l’ère du temps tout en appliquant des process à l’ancienne. Un label de qualité a été instauré ainsi que la culture d’un
cresson « bio ». Un vin de cresson est même élaboré au niveau local
Une foire au Cresson a lieu chaque année, le dernier week-end de mars. Elle se déroule sous les halles de Méréville.
Activité
connexe à la cressiculture, la pisciculture a trouvé également une place de choix dans l’économie mérévilloise. Une exploitation est située dans le hameau de Glaires. Le mode opératoire est toujours
manuel même si certaines tâches sont à présent automatisées.
Un mix des deux, imaginez vous de faire renaître une recette « La truite à la Mérévilloise » !
L’office de
tourisme de Méréville également baptisé « la Halle au Cresson » remet en avant « l’or vert » qui fait la fierté de Méréville.
UN AXE CULTUREL ET ECONOMIQUE A DEVELOPPER : LE TOURISME
Développer le tourisme constitue un vecteur économique important pour ce gros bourg chargé
d’histoire comme nous l’avons vu. Le fait d’être à présent membre de la communauté de communes de l’Etampois peut permettre de mutualiser les moyens de mettre en valeur le formidable patrimoine historique
que possède Etampes, ville royale et Méréville.
Dès le début des années 2000, le conseil général de l’Essonne a racheté le site de Méréville qui était voué
à des lendemains difficiles pour en faire à l’instar de Chamarande, un domaine départemental.
Actuellement ouvert uniquement le Week End, le domaine de Méréville est néanmoins confronté à des
problèmes de restauration qui s’avèrent onéreux et que l’actuel conseil départemental ne peut assumer seul. La récente commission Bern, chargé de mettre en valeur le patrimoine national a retenu le site
comme prioritaire, ce qui constitue une excellente nouvelle car cela impliquera l’apport d’une manne financière non négligeable (environ 200 millions d’euros, ndlr).
Mais le point faible de Méréville, outre
l’absence de transports en commun, c’est l’inexistence d’infrastructures d’accueil : pas d’hôtels , pas de restaurants.
Jadis, l’Hôtel du Parc, situé près des Halles remplissait cette
fonction mais il a disparu depuis plusieurs décennies. Heureusement, il a été remplacé par le Centre Culturel.
Si Méréville ne veut pas rester un simple lieu de passage, il est évident voire indispensable
de relancer ce type d’infrastructures….
Dans son ouvrage « Ma moitié d’orange », Jean Louis Bory relate l’émergence du tourisme entre les deux guerres. Le futur Prix Goncourt écoutaient les conversations
des « parisiens » qui venaient se mettre au vert dans la commune, fréquentant la piscine municipale, une des premières construites en Seine et Oise et venant découvrir les Halles et…le pharmacien, personnage pittoresque
qui n’était autre que le père de Jean Louis Bory….
EPILOGUE
Ville de propriétaires (à 75 %), implantés souvent depuis longtemps, avec un chômage supérieur à la moyenne départementale (11 % contre 7 %), la commune subit les contrastes de notre politique d’aménagement du territoire : ici, les agglomérations secondaires qui vivotent en cherchant un second souffle et ailleurs, des métropoles prospères mais menacées d’hypertrophie et génératrices des maux de notre société contemporaine (insécurité, mal des transports, etc)….
L’ancien chef-lieu de canton a cependant une carte à jouer dans le développement annoncé des territoires au cours de la prochaine décennie.
Malgré son relatif éloignement de la Capitale et de la plupart des grands centres urbains, elle n’est cependant pas à classer dans les communes de « la France périphérique » mais plutôt dans celle des « communes trait-d’union » comme le sont la plupart des communes du Sud-Essonne, c’est-à-dire un compromis entre l’Ile de France dont elle fait partie intégralement et la proche province, dont elle possède les atouts et les défauts (qualité de vie, disparition des services publics, risque de précarité économique).