UNE RACLEE HISTORIQUE DE LA DROITE AUX CANTONALES
MARS 1998 - ESSONNE
UNE RACLEE HISTORIQUE DE LA DROITE AUX ELECTIONS CANTONALES
Mars 1998 : Xavier Dugoin, 51 ans, patron de l’Exécutif Essonnien depuis 1988 se prépare à affronter la bataille des cantonales qui s’annoncent rude pour une droite locale « éclaboussée » par des « affaires » qui visent directement le député-maire de Mennecy.
Ce dernier est effectivement soupçonné (ainsi que son épouse) de recel et abus de bien sociaux concernant des préjudices causés à des sociétés de travaux publics ; mais également de pratique « d’emplois fictifs » au sein du conseil général, avec notamment celui supposé de Xavière Tiberi, l’épouse du maire de Paris de l’époque concernant un rapport sur la Francophonie dont le montant de la rémunération s’élèverait à 200 000 Francs (30 000 euros) ou encore celui de Franck Marlin, directeur de cabinet de Xavier Dugoin au Conseil général…
Dans son entourage, plusieurs de ses alliés ont déjà été impliqués dans des affaires de corruption : Alain Josse, ex Maire et Conseiller général de Montgeron ou encore Jean-Louis Campredon, conseiller général du canton de Saint Germain les Corbeil…
Il est clair que les nuages noirs s’amoncellent au-dessus de l’hôtel du Département pour une majorité de droite qui possède cependant 30 sièges sur les 42 de l’Assemblée départementale. Certains observateurs pensent que cette majorité sortante risque de subir des pertes significatives de sièges mais de pouvoir quand même être reconduite….
LA GAUCHE PLURIELLE AU FIRMAMENT ….
Le contexte politique national n’est guère plus favorable à la Droite au niveau national, à la suite de la dissolution ratée de 1997, qui a vu revenir au pouvoir une Gauche qui avait pourtant subi la plus lourde défaite de la Ve République, quatre ans plus tôt….
La cohabitation apparue pour la première fois en 1986 avec le tandem Mitterrand-Chirac, puis en 1993 avec le duo Mitterrand-Balladur revient cette fois ci avec le tandem Chirac-Jospin…….
Certes, on sait que les élections intermédiaires sont souvent défavorables à l’exécutif en place, mais Lionel Jospin profite de l’affaiblissement du contre-pouvoir Chiraquien et surtout d’une reprise économique mondiale qui génère une croissance et une création d’emplois rarement égalée depuis plusieurs années….
Cela se confirme dans les urnes : 1998 marque le retour de la reconquête des territoires par la gauche plurielle : celle composée du Parti Socialiste, du Parti Communiste, des Radicaux de Gauche et bien sûr des Verts.
Lors des élections régionales, alors que la Gauche ne comptait que deux régions depuis 1992, elle en rajoute six à son palmarès et non des moindres : l’Ile de France, jusqu’alors dirigé par un inamovible Michel Giraud qui est miné lui aussi par une série d’affaires bascule et amène à sa tête le Rocardien Jean Paul Huchon (qui restera en place 17 ans) mais également la Région Centre, la Haute Normandie, l’Aquitaine ou encore PACA.
La droite conserve cependant une majorité de régions mais souvent grâce au « coup de pouce » du Front National qui bien que condamné lui permette de garder la présidence de région : en Picardie, en Bourgogne, en Languedoc-Roussillon ou en Rhône Alpes.
En Essonne, le scénario est différent en ce qui concerne les cantonales : malgré une majorité sortante confortable, le risque de bascule de l’assemblée départementale s’avère de plus en plus inéluctable au vu des sondages qui précédent le premier tour.
LA RETRAITE DES ENFANTS DU PAYS
Outre le spectre des « affaires », c’est également la fin de carrière pour un bon nombre d’élus implantés de longue date, en effet à Etréchy, Lucien Sergent, 80 ans a décidé de ne pas se représenter après 31 ans de mandat : il faisait partie des 27 premiers élus de 1967 !
A Athis-Mons, René l’Helguen, 76 ans a décidé également de ne pas briguer un nouveau mandat dans son canton natal après 28 ans de présence. Maurice Picard à Montlhéry (depuis 1979), Claude Bigot à Chilly-Mazarin (1979), Claude Petit à Juvisy sur Orge (1985), Henri Marcille à Evry-Sud (1985) ou encore Jean Tournier-Lasserve, ancien maire de Draveil et élu depuis 1985.
A Gauche, c’est Yves Tavernier, député-maire de Dourdan et conseiller général d’un canton qui risque de basculer « à droite » qui décide de raccrocher les gants…
La retraite politique de ces notables offre les plus forts espoirs à une gauche menée par Michel Berson, valeur sûre du PS, apparu lors des élections municipales largement gagnées par l’Union de la Gauche en 1977 (Evry, Etampes, Montgeron, Savigny sur Orge, Brétigny sur Orge, Yerres, Orsay, Chilly-Mazarin, les Ulis, etc…).
Ce dernier élu député dans la 1 ère circonscription de l’Essonne en 1981 où il avait éliminé le sortant Communiste Roger Combrisson dès le premier tour puis battu Serge Dassault au second, avait même échappé à la Berezina socialiste de 1993 en étant réélu dans sa nouvelle circonscription, la 8 -ème face à Alain Josse cité plus haut, empêtré dans des affaires de corruption et très largement « lâché » par ses propres amis politiques…
Mais en 1997, Michel Berson bien trop confiant se fait surprendre par un nouveau venu dans la politique Essonnienne : l’Enarque RPR Nicolas Dupont-Aignan, parachuté deux ans plus tôt à Yerres ou il a largement battu le sortant socialiste.
Il est battu de 50 voix et se voit privé de la tribune du Palais-Bourbon : la prise de l’hôtel du Département pourrait constituer une belle revanche….
UNE CAMPAGNE DIFFICILE
Le départ de la scène politique des sortants bien implantés ne va pas servir leurs éventuels successeurs. En ce printemps 1998, le désir de renouvellement de la classe politique est fort. Cela va se révéler dans les urnes notamment pour la Droite : dans presque tous les cantons sortants : la gauche devance la droite au premier tour et comble de malchance le Front National fait une percée historique avec le dessein de nuire à une droite qui refuse de « pactiser » (plus ou moins) avec lui.
A l’issue du premier tour, le canton de Sainte Geneviève des Bois, canton viscéralement de « gauche » réélit son sortant avec 55 % des voix : Pierre Champion qui dirige une ville-canton dont il est maire n’a pas vraiment besoin de faire campagne, il bat largement son challenger UDF, Franck Picon qui lui a fait une campagne active malgré une division à droite et surtout un candidat FN totalement inconnu qui sans être présent sur le terrain arrive à rassembler plus de 17 % des suffrages…
La droite peut cependant espérer conserver certains de ses bastions : Milly la Forêt, Draveil, Etréchy, Montlhéry, Gif sur Yvette ou encore Méréville. Elle compte pouvoir garder la présidence de justesse grâce à son doyen d’âge, le conseiller général de Viry-Châtillon, Jacques Chastel, 83 ans….
LE COUPERET
Mais le soir du deuxième tour, le résultat est sans appel : la majorité sortante ne remporte que quatre des vingt et un canton sortant. En effet, à Montlhéry, François Pelletant, maire de Linas sauve le siège laissé vacant par Maurice Picard tout comme Iznard-Lebourg à Draveil pour remplacer Jean Tournier-Lasserve, à Méréville, Philippe Allaire est réélu, ainsi qu’à Milly-la-Forêt, Jean Louis Boussaingault.
Mais ailleurs, c’est le désastre : douze cantons basculent à gauche : Arpajon ou le sortant Guy Declausier-Maunoury échoue de peu face à Monique Goguelat, à Athis-Mons Patrice Sac s’empare du canton.
A Chilly-Mazarin, le nouveau conseiller général Gérard Funès retrouve en fait un siège qu’il avait emporté à la création du canton en 1976 pour le perdre trois ans plus tard sans jamais réussir à le récupérer lors des consultations précédentes face à Claude Bigot.
A Epinay sous Sénart, Daniel Lobry perd un siège qu’il occupait depuis la création du canton en 1985 face à Richard Messina et un candidat du Front National.
Etréchy qui au vu des résultats du premier tour pouvait laisser penser que Claude Casagrande, ancien maire d’Etréchy l’emporterait facilement face à la maire de Bouray, Claire-Lise Campion, échoue en fait assez sévèrement (43 %), la présence au premier tour de son ex adjoint qui l’a remplacé à la mairie à la suite de l’annulation du scrutin de 1995 n’a probablement plaidé en sa faveur….
Evry-Sud passe également à Gauche : un natif de Lisses et maire de sa commune depuis 1965, Jean Pierre Vervant succède au natif de Bondoufle, Henri Marcille qui ne se représentait pas.
Mais la plus grosse surprise de la soirée restera indéniablement la défaite de Michel Pelchat, premier vice-président du département qui était élu sans interruption depuis la création du canton en 1976. Avec la particularité d’avoir siégé sous deux couleurs politiques différentes : d’abord au Parti Socialiste puis à l’UDF !
Juvisy sur Orge et surtout les deux cantons de Massy qui avait basculé lors des précédentes cantonales de 1992 retournent à gauche : malgré sa victoire aux municipales de 1995 face à Claude Germon, Vincent Delahaye trébuche face à … Jean-Luc Mélenchon qu’il avait battu auparavant. Ce dernier exulte au vu des résultats très prometteurs qui défilent tout au long de cette soirée électorale….
La plus piètre performance restera celle d’Antoine Charrin, qui avait créé la surprise six ans plus tôt en éliminant Geneviève Rodriguez et qui avait été balayé dès le premier tour face à Marjolaine Rauze, nouveau maire de Morsang sur Orge, en obtenant 10 % des suffrages…
Orsay bascule également tandis que Vigneux sur Seine et Dourdan restent à gauche. Dans la capitale du Hurepoix, Joel Chardine arrive à conserver le siège d’Yves Tavernier pourtant menacé au préalable…
Michel Berson va donc pouvoir prendre sa revanche sur les législatives de 1997 en se faisant élire président de l’exécutif Essonnien : avec une majorité de 24 sièges sur 42. Elu sur le canton d’Yerres depuis 1994, il se représentera sur Evry-Nord où il sera élu en 2001.
A droite, Xavier Dugoin relativise cette lourde défaite qu’il n’impute pas aux « affaires » mais plutôt au contexte national. En plus de ces premiers ennuis judiciaires, il est accusé d’abord dérober avec l’aide de son fils, plus de 1200 bouteilles dans la cave du Conseil général…. Il sera déchu de son mandat en 1999 permettant à la gauche de récupérer un vingt cinquième canton….
LA FIN DE L’ESSONNE ROSE
La gauche conservera le conseil général jusqu’en 2015, présidé par Michel Berson jusqu’en 2011 puis par Jérôme Guedj. Devenu Conseil départemental avec 21 cantons au lieu de 42 mais avec un binôme respectant la parité homme-femme, la gauche subit une lourde défaite électorale : ne conservant que 6 des vingt et un nouveau canton et 12 conseiller(es) contre 30 à la droite qui élit à la présidence, le maire de Montgeron : François Durovray…. Mais les causes de cet échec n’ont rien à voir avec la configuration de 1998, ici la politique de la gauche au pouvoir a été sanctionnée au niveau local avec peut-être un zeste de volonté de renouvellement des têtes….