BENOIT HAMON OU LA GAUCHE COMME METAPHORE
C’est l’histoire d’un militant…. Un militant comme il en existe tant dans tous les partis politiques qu’ils soient de droite ou de gauche…
Mais son histoire n’est pas uniquement celle d’un militant de base, sort que l’on réserve généralement à ceux qui n’ont pas fait «la voie royale » (ENA, sciences po, Normale Sup ou Polytechnique) : passer sa journée à arpenter le bitume pour coller les affiches ou distribuer des tracts en prêchant la bonne parole du parti et sacrifier une grande partie de son temps libre à la bonne cause de sa famille politique….
Benoit Hamon, né en 1967 dans la région de Brest appartient indéniablement à la « Génération Mitterrand ». Certes lors de la victoire de la Gauche, il n’avait que 14 ans mais sa prise de conscience politique va s’éclore lors de l’interminable mandat du vieux leader socialiste….
C’est durant l’hiver 1986, lors de la réforme de loi du ministre de l’enseignement Devaquet qu’il va commencer son combat politique en s’opposant à ce projet qui sera d’ailleurs abandonné….
Etudiant à l’Université de Bretagne-Occidentale à Brest, il y obtient une licence d’Histoire mais ne destinera pas à l’enseignement, préférant se lancer dans l’arène politique. Il milite à la section socialiste de Brest et appartient à la mouvance Rocard. Pour gagner sa vie, il devient l’assistant parlementaire d’un député de la Gironde, Pierre Brana.
En 1993, après la déroute des socialistes aux législatives, un proche de Rocard, un certain Manuel Valls propose à Benoit Hamon de « reprendre en main » la direction des Jeunes Socialistes.
A l’époque, les deux hommes ont des points communs (même cursus scolaire, professionnel de la politique, Ils auront plus tard la même terre d’élection : l’Essonne puis l’appartenance au gouvernement Ayrault) avant de voir leur route diverger de façon radicale : ce que l’on appellera plus tard la gauche irréconciliable : l’un partisan d’un social-libéralisme, l’autre rêvant d’une gauche retrouvant ses fondamentaux….
Elu président du MJS, il le réanimera avec dynamisme, s’émancipant même de la gestion de la rue de Solférino.
Après ce franc succès, Il devient un apparatchik du Ps et travaille avec Lionel Jospin sur sa campagne présidentielle de 1995 puis avec Martine Aubry lorsque la Maire de Lille est ministre.
Il tente un premier ancrage politique dans le sud de sa Bretagne natale, plus précisément dans le Morbihan ou il tente d’affronter Aimé Kerguéris, élu Démocrate-Chrétien qui le bat largement au second tour (54%).
Il pose ensuite ses valises alors sur les terres essonniennes, jetant son dévolu sur Brétigny sur Orge en étant élu conseiller municipal de la cité cheminote en 2001 qui a basculé à gauche après le départ du RPR Jean de Boishue qui échouera son parachutage à Evry contre Manuel Valls, également parachuté.
Il intègre la même année l’institut de sondages IPSOS, ou il restera jusqu’à son élection de Député Européen en 2004.
Il prend du galon au sein d’un PS qui tente de remonter à la surface après le traumatisme du 21 avril 2002 qui vit la gauche éliminée au 1 er tour. Il devient secrétaire national en charge du projet européen.
En 2003, l’ancien poulain de Rocard, se place à l’aile gauche du PS, et cofonde un courant avec ses contemporains Montebourg et Peillon : le Nouveau Parti Socialiste.
Plus tard, les trois hommes verront leur route diverger : à la primaire de la gauche en 2006, qui verra la victoire de Ségolène Royal, Benoit Hamon préfère soutenir Laurent Fabius, à contrario de ses deux camarades.
Le nouveau credo du Breton semble s’orienter comme gardien de l’Orthodoxie socialiste. Il aurait pu suivre également Jean-Luc Mélenchon, qui préfère fonder le Parti de Gauche après avoir claqué la porte du PS lors du très agité Congrès de Reims en 2008 mais il préfère soutenir Martine Aubry qui l’emporte d’extrême justesse face à Ségolène Royal à l’élection du premier Secrétaire….
Proche du bouillant Henri Emmanuelli, il est devenu porte-parole du parti, il accroit ainsi sa notoriété mais se voit non réélu aux européennes de 2009, il tâte de l’enseignement à l’institut européennes de l’Université de Paris VIII.
Il tentera également un rapprochement avec Noel Mamère, député écologiste de Gironde afin de bien rôder le triptyque qui lui servira de fer de lance dans le futur : l’émergence d’un mouvement écologiste, socialiste et républicain…mais le partenariat avec l’ancien présentateur du JT tournera court… (comme plus tard avec Yannick Jadot) ….
Candidat à la primaire de la Gauche en 2011, il arrive en quatrième position et soutient finalement François Hollande, sentant le souffle léger d’une victoire annoncée de la Gauche du en grande partie à un rejet massif du Sarkozysme…
2012 voit donc le retour de la Gauche aux affaires après 10 ans de purgatoire. François Hollande, l’outsider qui a certainement bénéficié de la chute de DSK et qui a su mener une campagne impeccable arrive donc au sommet de l’état.
Il nomme le fidèle Jean-Marc Ayrault à Matignon et Benoit Hamon se voit nommé Ministre de l’économie sociale et solidaire….
Dans la foulée, il est élu Député des Yvelines, ayant trouvé un nouveau point de chute dans une autre cité cheminote : c’est fois-ci c’est Trappes qu’il enlève au sortant UMP, jean-michel Fourgous.
Il ne siègera pas à l’assemblée nationale, étant confirmé comme ministre de l’économie sociale et solidaire.
Son champ d’action concernera essentiellement l’entreprenariat social et ses activités connexes que sont : les coopératives, les mutuelles ou encore les associations qui peuvent s’avérer être des générateurs d’emplois es actions censées endiguer la hausse inexorable du chômage et de relancer des sites jugés potentiellement rentables.
Son action concerne surtout une mise en place de la reprise des SCOP ou encore la création de SCIC ou encore l’élaboration d’un projet de loi sur la consommation pour permettre de rééquilibrer le pouvoir entre consommateurs et les professionnels….
En 2014, il est élu conseiller municipal de Trappes, ville Cheminote comme Brétigny et comportant une importante communauté Bretonne, dont le maire est Guy Malandain et devient également conseiller communautaire de Saint Quentin en Yvelines.
Mais 2014, c’est aussi l’année d’une volonté de changement de cap pour l’exécutif : le trio Valls, Montebourg et Hamon est en première ligne pour amener François Hollande à changer de politique économique et surtout de Premier Ministre. Après la déroute des municipales, Jean Marc Ayrault est obligé de quitter le navire laissant la place à…Manuel Valls qui lors de la primaire était pourtant largement minoritaire….
Arnaud Montebourg hérite du portefeuille de l’économie tandis que Benoit Hamon se voit nommé à la tête du prestigieux mais périlleux ministère de l’Education Nationale. Une belle consécration mais qui ne dura que 150 jours !
Ce passage éphémère l’amène toutefois à opérer la réforme des rythmes scolaires ainsi que le dossier sur l’évaluation des élèves.
Mais il sera évincé du gouvernement dans le sillage d’un Arnaud Montebourg et d’une Aurélie Filipetti, devenus des pourfendeurs de l’action d’un gouvernement auquel ils appartiennent….
Le Trappiste d’adoption retourne à l’assemblée nationale et s’illustre par ses prises de position tranchées contre la déchéance de la nationalité prônée par le gouvernement et propose un droit de vote des étrangers aux élections locales (ndlr : promesse non tenue de François Hollande lors de la présidentielle de 2012).
C’est clair, Benoit Hamon devient un opposant virulent au sein de la majorité. Il participe avec les frondeurs au vote d’une motion de censure qui échoue de justesse, évitant ainsi le renversement du gouvernement de son ex-allié Manuel Valls….
En 2016, la Droite organise sa primaire avec le succès considérable que l’on sait : plus de 4 millions d’électeurs. On pense à un duel entre Sarkozy et Juppé et que le vainqueur deviendra le futur président de la République.
Mais c’est un outsider qui se dégage en la personne de François Fillion qui va pouvoir enfin jouer le premier rôle, le rôle de sa vie en fait.
On connait la suite….
La Gauche jugée en perdition, est minée par les divisions internes et par la piètre popularité d’un chef de l’état qui choisit de ne pas se représenter. Une première sous la Ve République (mis à part Georges Pompidou, décédé en cours de mandat) !
Consciente de n’avoir aucune chance de garder le pouvoir, elle décide cependant d’organiser une nouvelle primaire, peut-être pour s[PD1] e souvenir des jours heureux de 2011. Benoit Hamon décide alors de tenter sa chance et se révèlera être un outsider à la manière d’un François Fillon.
Il déjoue tous les pronostics en se débarrassant de tous ses adversaires pour se retrouver au 2 -ème tour face au favori, son meilleur ennemi : Manuel Valls, qui a abandonné ses habits de premier ministre pour se lancer dans une bataille qu’il pense gagnée d’avance…
Mais le député des Yvelines bat très largement son challenger de l’Essonne (58 %).
Il va donc se retrouver le candidat d’une gauche socialiste sortante qui doit défendre les couleurs d’un parti dont lui-même est devenu le pourfendeur depuis son éviction du gouvernement….
C’est là que les difficultés vont commencer : le démarrage de sa campagne patine sur le champ des alliances possibles, notamment avec le Vert Yannick Jadot. Se reconnaissant des points communs avec le programme de Mélenchon, il ne peut cependant envisager une alliance avec celui-ci, notamment sur le dossier européen.
Il reprendra durant la campagne ses thèmes favoris développés durant les primaires : notamment l’instauration d’un revenu universel d’existence, une refonte des institutions européennes, une politique énergétique révisée (réduire la part du nucléaire à 50 % de nos besoins à moyen terme) ou encore la poursuite de la réforme du système éducatif prioritaire.
Il s’entoure d’une équipe d’expert en leur domaine : l’ancien magistrat Éric de Montgolfier, le climatologue Jean Jouzel ou encore l’économiste Thomas Piketty…avec pour dessein de permettre à la gauche de retrouver ses fondamentaux.
Mollement soutenu par l’exécutif Hollande/Cazeneuve, il voit son avenir s’assombrir au fil des jours : l’électorat de gauche modérée préférant soutenir Macron tandis que les plus radicaux préfèrent se jeter dans les bras d’un Mélenchon, saisi par le vertige d’un éventuel accès au 2 e tour….
Le soir du 1 er tour se solde par un terrible échec pour un Benoit Hamon qui avec des 6.5 % réalise le plus médiocre score de la gauche socialiste depuis le début de la Vème République. Seul Gaston Defferre avait fait pire en 1969 avec 5.2 % des voix.
Lot de consolation pour le candidat malheureux : ni la gauche traditionnelle ni la droite (c’est une première) ne sont qualifiées pour le second. C’est Emmanuel Macron qui affrontera Marine le Pen au 2 -ème tour…
Sans hésiter, a contrario d’un Mélenchon opaque, Benoit Hamon appelle clairement à voter contre l’extrême droite.
A peine remis de son échec à la présidentielle, il échouera de nouveau à la reconquête de son siège de Député à Trappes, où il trébuche dès le premier tour, face au candidat de la République en Marche et à Jean-Michel Fourgous, ancien député qu’il avait battu en 2012
Il en voudra beaucoup au parti socialiste de l’avoir clairement lâché et ne tarde pas à le quitter pour créer son propre mouvement durant l’été 2017.
Depuis Benoit Hamon continue à développer son parti : Génération (s), porteur des vraies valeurs de gauche et revendiquant près de 30 000 adhérents.
Toujours conseiller régional, notre ancien ministre occupe l’espace médiatique laissé par un PS plongé dans un coma profond depuis la déroute des législatives et qui tente d’en sortir depuis l’annonce de l’élection future d’un nouveau premier secrétaire.
Cette fois-ci, il est évident que l’ancien président enthousiaste des Jeunesses socialistes ne viendra pas proposer ses services pour réanimer un parti qui a forgé sa carrière politique mais qui connait après tout le même sort que les autres mouvements politiques traditionnels : celui d’appartenir à un monde qui est en train de disparaître…
Mais quel sera son avenir, face à un Macron, détricoteur du système bipolaire en place depuis le début de la Ve République et porteur chanceux du renouveau démocratique.
Saura-t ‘il imposer un système qui reste résolument de gauche mais les yeux rivés sur un avenir qui reposerait sur le triptyque : Républicain Ecologique et Socialiste ?
Bien malin qui pourrait en connaître l’issue.
Publié le 21/03/2018