EDMOND MAIRE, PROFESSION: SYNDICALISTE...
Funeste année pour la CFDT qui aura perdu cette année 2017, deux de ces anciens leaders : d’abord François Chérèque, le 2 janvier puis Edmond Maire le 1 er Octobre.
Ce dernier âgé de 86 ans, avait quitté la centrale syndicale après 17 ans de mandat en 1988. Il en fut l’un des leaders les plus emblématiques au cours d’une période marquée par une transformation profonde de la société française : fin de la période de forte croissance, début d’un chômage de masse ou encore alternance politique……
Né à Epinay sur Seine, dans une famille de cheminots très catholiques, il fera ses études au lycée Jacques Decour à Paris. Contraint d’arrêter sa scolarité, il fera comme bon nombre de ses contemporains des « cours du soir » au CNAM, devenant technicien chimiste d’abord aux peintures Valentine puis chez Péchiney. Mais la fibre syndicale le saisira très vite….
Il adhéra à la CFTC dans les années 50 mais il fit partie de ceux qui contribuèrent à la « déchristianisation » de l’organisation en fondant la CFDT en 1964 avec Eugène Descamps jusqu’à lui succéder en 1971, au cours d’une période de « décrispation » de la société française menée par Jacques Chaban-Delmas avec son conseiller social, le syndicaliste Jacques Delors……
Avec sa gouaille et la pipe vissée aux lèvres, le patron de la centrale syndicale tentera de marquer sa différence avec la toute puissante CGT, dirigée par Georges Séguy ou encore André Bergeron à la tête de Force ouvrière.
Bien qu’ayant la « tripe à gauche », Edmond Maire n’est pas à la remorque d’un quelconque parti politique, ou du moins pas officiellement. Très lié à Michel Rocard, il participera avec lui à l’élaboration de « laboratoires d’idées » d’abord avec le PSU puis avec le Parti Socialiste….
Son grand dada sera « L’autogestion » des entreprises, très inspirée du modèle Yougoslave de l’époque, incarné par le Maréchal Tito, franc-tireur au sein du bloc Communiste.
Comme beaucoup de centrales syndicales, il mettra en avant ce côté « lutte des classes » très spécifique à l’Hexagone (et qui revient bizarrement au grand galop, ces derniers temps.), sans doute pour faire la synthèse des différents courants qui traversent la jeune organisation : des cathos de gauche modérés à l’extrême gauche à l’inexorable fibre révolutionnaire….
Mais le début des années 80 qui coïncident avec l’arrivée (inespérée pour ses afficionados) de la Gauche au pouvoir, porteuse d’un grand espoir en matière sociale mais qui sera rattrapée par une prise de conscience plus réaliste des enjeux économiques et sociaux d’un monde en train de changer (chute du bloc de l’est, frémissement des pays émergents)
Edmond Maire change de braquet, il se transforme en chantre de la « Deuxième Gauche », celle qui est pragmatique et qui met en exergue l’art de la négociation et du dialogue avec les gouvernants plutôt que le seul affrontement systématique (« mouvements de grève ou journées d’action ») …
Cette stratégie s’avèrera gagnante puisque génératrice de nouveaux adhérents qui portera la centrale au deuxième rang national et cette étiquette de « syndicat réformiste » sera mis en avant par les gouvernants de gauche comme de droite….
Mais à la fin des années 80, ce positionnement connaitra ses premières failles, avec la « grogne » d’un tissu non négligeables de militants plus à gauche qui ne veulent pas apparaître comme des « social-traitres ». Une première scission s’opère avec la création du syndicat SUD (à gauche toute !) …. Qui entend redevenir offensif et non plus seulement négociateur…
Affaibli, peut-être victime de l’usure du pouvoir, Edmond Maire se retire.
Jean Kaspar, lui succède mais pour quatre courtes années avant d’être lui-même remplacé par la très charismatique Nicole Notat qui ne fera que renforcer les fondations de la transformation voulue par Edmond Maire, n’hésitant à bousculer les « codes » et d’avoir une attitude courageuse mais impardonnable pour certains (l’impression de connivence avec les gouvernants pour la réforme des régimes de retraite) ….
François Chérèque, fils de Jacques, ancien compagnon de route d’Edmond Maire, lui succèdera……
Il deviendra président du VVF, ou d’ailleurs, il devra gérer des conflits sociaux internes mais cette fois-ci de l’autre côté de la barrière.
La dernière apparition publique d’Edmond Maire remontera à l’an dernier lorsqu’il prononcera l’éloge funèbre de son vieil ami Michel Rocard….
Que restera-t ‘il dans les mémoires de son passage à la CFDT ?
Aujourd’hui riche de près de 800 000 adhérents et qui a su lors des dernières consultations électorales ébranler de façon sensible la suprématie d’une CGT, orpheline d’un Parti communiste moribond toujours en quête d’un perpétuel combat frontal avec les gouvernants et le patronat tandis que la Centrale d’Edmond Maire continue sa volonté à jouer la carte de la négociation….
Dans tous les cas de figure, le faible taux de syndicalisation des salariés français (moins de 8 %, le plus faible d’Europe) ne laisse pas présager un sursaut d’adhérents dans ce monde en mutation profonde ou l’individualisme est devenu roi….
Publié le 19/10/2017