L’ANNONCE FAITE A MARINE

 

Les années vers la conquête du pouvoir (en interne) se suivent et se ressemblent. Marine Le Pen continue de tracer son sillon dans le champ politique familial sous l’œil alors bienveillant du « Chef ». Cela n’empêche pas des frictions au sein de la famille politique : la rivalité montante avec Bruno Gollsnich, le « dauphin » présumé et la volonté d’instaurer une stratégie de « dédiabolisation » d’un mouvement politique qui continue à faire peur.

La benjamine des filles le Pen commence à penser que les incessantes déclarations fracassantes de son géniteur, accompagnées de calembours souvent douteux finissent par nuire à un Front National, condamné à connaître des hauts et surtout des bas peu propices à une sérieuse ascension vers le pouvoir…

En 2006, Marine Le Pen devient directrice de la Campagne de son père pour l’année suivante qui devrait sonner le glas pour un pouvoir Chiraquien vieux de 12 ans dont 5 de cohabitation forcée avec la gauche. La désormais Co-vice-présidente prône un « ni droite ni gauche », bien décidée à tirer un trait sur les 25 dernières années, symbole des années Mitterrand-Chirac, responsables, selon elle, par leurs jeux politiciens, de la décadence économique et sociale de la « Maison France ».

Mais cette présidentielle de 2007 va être marquée par l’âge d’or du « Sarkozysme » et va briser les ambitions d’un Front National persuadé de réitérer l’exploit de 2002. L’ancien ministre de l’intérieur va réussir à siphonner les voix de son adversaire d’extrême droite jusqu’à le ramener au score décevant de 10,5 %. Au second tour, il l’emporte facilement face à son adversaire Ségolène Royal avec 53 %....

Si le père peut définitivement renoncer à ses ambitions de magistrature suprême, la fille sent que le moment de la relève est venu et ne perd pas de vue le terrain, reprenant l’idée d’ancrage électoral solide sur un territoire donné que défendait naguère Bruno Mégret. Son choix se porte sur la Région Nord Pas de Calais, et notamment la 14e circonscription, autour d’Hénin-Beaumont (ex Hénin-Liétard) au cœur de l’ancien Bassin Minier disparu à l’aube des années 80…

Terre traditionnellement ancrée à gauche, ce territoire naguère prospère a vécu des épisodes douloureux en matière de restructuration économique et a vu monter un taux de chômage endémique….

La fille du chef s’est donc aventurée au cœur des corons qui sont à des années-lumière des maisons cossues de Montretout. Mais celle qui est devenue une « pro » de la communication a su capter les fondamentaux pour réussir une campagne électorale en milieu originellement hostile…

Elle fait preuve d’une grande empathie envers les populations locales en mettant en avant les grands thèmes porteurs : Chômage, délocalisation et Insécurité. Trois maux d’une société en déshérence, « bernée » par les mauvaises recettes du tandem Gauche-Droite….

En rajoutant un zeste « d’immigration massive », le discours peut s’avérer porteur mais pas pour tout le monde dans cette cité ouvrière nordiste qui compte beaucoup de travailleurs immigrés venus travailler dans les mines encore actives au début des années 60…

Habile, elle brouille les cartes en faisant diriger sa campagne électorale par un ancien militant socialiste et prend comme suppléant, un fidèle parmi les fidèles et qui lui, est un « enfant du pays » : Steeve Briois, infatigable et actif militant frontiste, petit-fils de mineur et qui laboure le terrain depuis l’adolescence voyant en Marine le Pen, « la championne » dont la région a besoin….

Mais un Front Républicain est mis en place pour barrer la route au tandem, ce qui permet au député sortant, le socialiste Albert Facon, d’être réélu….

Pas découragé pour autant, le même binôme se représente à la tête d’une liste FN aux municipales et connait le même écueil que lors des législatives, malgré la présence du sortant et dissident Gérard Dallongeville, accusé de détournement de fonds publics. La liste officielle PS-PC l’emporte finalement mais voit un FN dépasser les 40 %....

Candidate aux européennes de 2009 dans le Nord-Ouest qui inclut sa « région d’adoption », elle prend comme assistant parlementaire à mi-temps, son nouveau conjoint, le catalan Louis Alliot qu’elle salarie plus de 5 000 euros par mois. « Normal, il a quand même un bac + 5 » rétorquera la future présidente du FN lors du calamiteux épisode « Fillion Penelopegate » jetant des soupçons sur ledit emploi jugé fictif pour certains…

La campagne des régionales en 2010 en Nord-Pas de Calais constitue le dernier marchepied avant son accession au trône frontiste. Placée en 3 -ème position avec plus de 22 % des suffrages derrière la droite et surtout la gauche qui conserve la présidence…elle se prépare donc à prendre la tête d’un mouvement.

Mais l’année qui va suivre ne constitue pas un long fleuve tranquille pour celle qui veut toujours dédiaboliser un Front National qui demeure simultanément un défouloir et un repoussoir pour une grande partie d’un électorat lassé d’un personnel politique qu’elle juge sclérosé. En effet, la vieille garde frontiste n’entend pas voir la fille du chef prendre les manettes d’un mouvement qui doit revenir en toute légitimité au fidèle Bruno Gollsnich.

En outre, la frange catholique conservatrice (pour ne pas dire intégriste) est hérissée par l’assouplissement de l’héritière en matière sociétal ou d’autres rappelant le passé de « night-clubbeuse » de la prétendante, synonyme de légèreté pour ne pas dire de vacuité morale….

Mais lors du « Congrès de Tours » en 2011, Marine Le Pen triomphe face à Bruno Gollsnich avec plus de 67 % des voix et peut entamer « l’après-Le Pen » tout en confirmant que le Front reste une affaire de famille….