LA METEO MARINE TRES PERTURBEE
Les primaires de la Droite se déroulent fin 2016 et connaissent un grand succès : plus de 4.5 millions de votants (dont un bon tiers qui n’est pas de droite). On pensait une finale entre Alain Juppé, grand favori et Nicolas Sarkozy, ancien président de la République et la surprise est de taille : à l’issue du premier tour, c’est François Fillon qui arrive très largement en tête devant Alain Juppé. Nicolas Sarkozy, bon troisième est contraint de mettre une croix sur ses ambitions de retour……
Au deuxième tour c’est François Fillon qui l’emporte très largement face au grandissime favori Alain Juppé. L’éternel second rôle de la vie politique accède enfin au premier rang et déjà les observateurs lui prédisent un destin enviable : celui d’accéder sans nul doute à la magistrature suprême et ce malgré les « remèdes de cheval » que le Sarthois veut imposer aux Français pour sortir enfin de la crise…
On connait la suite……
Côté pouvoir, François Hollande annonce fin novembre qu’il ne se représente pas pour un second mandat : une première dans l’histoire de la Ve République. Les raisons invoquées sont la farouche volonté de ne pas faire perdre son camp de façon humiliante, la division des « forces de gauche » provoquerait l’élimination dès le premier tour et risquerait de provoquer un nouveau duel « UMP-FN », imposant une fois de plus un « front Républicain » qui d’ailleurs s’effrite au fil des élections……
Mais le fond du problème est également la situation du sortant Hollande : celle de la quadrature du cercle. Son impopularité qui a atteint des sommets ne lui permet pas de jouer les recours et l’idée de le faire participer à la « Primaire de la gauche » est pour lui autant risqué qu’humiliant tant ses chances de succès sont minces.
Son retrait va permettre d’envoyer au charbon son Premier Ministre, Manuel Valls (qui ne cachait pas son envie d’y aller), seul espoir de « sauver les meubles » et surtout de contrer la montée en puissance de son ex-ministre des finances, Emmanuel Macron qui a décidé de se lancer dans la bataille avec son mouvement sorti de nulle part « En Marche » ….
On connait également la suite, le « favori » de la gauche, Valls connaitra le même sort qu’Alain Juppé à droite, il trébuche face à l’outsider Benoit Hamon au deuxième tour. Acceptant mal sa défaite, l’ancien Premier Ministre refuse de soutenir « à la loyale » le vainqueur dont les idées sont aux antipodes des siennes. La guerre des deux gauches est enclenchée pour filer droit…au désastre….
Marine Le Pen se frotte les mains, jubilant même des guerres fratricides à droite comme à gauche : elle en est persuadée elle se qualifiera pour le second tour espérant plutôt un adversaire de gauche, ce qui lui permettrait plus aisément de gagner son pari : devenir la première femme Présidente de la République….
Cependant, l’ascension de Jean Luc Mélenchon peut l’inquiéter car une partie de l’électorat populaire et celui d’une jeunesse, en quête d’un renouveau politique peut lui siphonner des voix qu’elle commençait à gagner depuis quelques années….
UN PRINTEMPS POURRI
Mais le printemps 2017 va être celui de toutes les surprises : c’est le début de l’affaire Fillion qui deviendra le « Penelopegate », un feuilleton plein de rebondissements dont le sujet initial est une histoire familiale d’emploi fictif concernant en premier lieu « Penelope » la discrète épouse de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy puis ultérieurement ses enfants. On assiste alors à la longue dégringolade d’un candidat promis à franchir le perron de l’Elysée après 40 ans de marathon politique.
Se défendant mal, le très lisse Fillon fait apparaître donne l’image d’un personnage complexe, quelque peu cupide et pas forcément sympathique qui contraste avec la bonne opinion qu’il avait laissée jusqu’à présent dans les esprits….
Sa campagne se transforme en calvaire, certains de ses amis l’exhortent à renoncer et même mis en examen, lui qui taclait lors des primaires son ex patron, Nicolas Sarkozy avec le « on imagine mal le Général de Gaulle mis en examen » , décide de continuer le combat, une sorte de baroud d’honneur au grand dam d’une partie de son électorat qui voit alors poindre le chant du cygne….
Pendant ce temps, Mélenchon continue de séduire une gauche qui ne veut pas d’un Benoit Hamon jugé pas assez combattif et surtout pas très soutenu par le pouvoir qui ne lui pardonne pas son passé de « frondeur ».
Au Front National, on peaufine sa stratégie avec des slogans porteurs : sortir de l’Euro-renforcer la sécurité-stopper l’immigration sauvage, redevenir un pays libéré des diktats de Bruxelles. Bref réussir le « Frexit » comme les Britanniques ont réussi leur « Brexit », clame Marine Le Pen en relisant les fiches de lecture que lui confectionne sa tête pensante, Florian Philippot.
L’élection approche et les sondages prédisent une première place pour Marine Le Pen avec près de 25 % mais elle est talonnée par celui que l’on attendait pas : Emmanuel Macron, le novice, le banquier de chez « Rothschild » qui fait une percée fulgurante jusqu’à débaucher quelques ténors de la majorité, comme Gérard Collomb, maire de Lyon ou Jean Yves Le Drian, ministre de la Défense mais également de l’opposition ou des élus LR ulcérés par l’obstination suicidaire de François Fillon vont humer le nouvel Macronien, beaucoup sont des juppéistes mais on découvrira que bien d’autres sont Sarkozystes….
Quelques jours avant le premier tour, la pole position de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron est figée dans le marbre. Malgré tout, François Fillon et Jean Luc Mélenchon continue de clamer qu’il se hisseront malgré tout au second tour……
Le verdict tombe : il y aura bien un second tour Emmanuel Macron / Marine Le Pen. Le premier arrive en tête avec 24 % contre 21 % à sa rivale….
Après le père, c’est la fille qui se qualifie pour le second tour, quinze ans après le « cataclysme politique » qui avait vu l’élimination de Lionel Jospin mais également pour la première fois sous la Vème République, il n’y aura aucun candidat de la droite parlementaire au second tour. François Fillon apparaît bon troisième et voit l’aboutissement de sa déjà longue carrière politique se réduire à une sortie de « route », un comble pour un fana de sport automobile.
Jean Luc Mélenchon, égal à lui-même, fulmine de n’arriver qu’en quatrième position, talonnant François Fillon. Ce score décevant pour lui (et ses militants) va le laisser longtemps groggy mais le leader de la France Insoumise créé le trouble en ne donnant pas de consignes de vote claires pour le second tour….
Le résultat insolite de ce premier tour qui provoque pour la première fois l’absence et de la droite et de la gauche traditionnelles au second tour, laissant la place à deux candidats hors système : l’un certes ancien ministre de François Hollande mais se revendiquant « à droite et à gauche…en même temps et une candidate d’Extrême-droite même si elle réfute cette appartenance….
FATAL DEBAT
Marine Le Pen aborde la préparation du second tour avec confiance même si ses chances de l’emporter sont faibles mais la possibilité de réaliser un score inédit n’est pas exclu, ne serait-ce qu’en déstabilisant son adversaire, c’est du moins ce que lui souffle son entourage….
Cet adversaire n’est qu’un jeunot de 39 ans, pur produit de l’élite à la Française, celle que fustige la Présidente du Front National. Jamais élu, l’ancien ministre de François Hollande est considéré comme un Rastignac des temps modernes mais trop éloigné des réalités du terrain donc aux antipodes de celle qui se définit comme la représentante des « classes populaires et des zones oubliées de la république ».
Emmanuel Macron est considéré comme un OVNI de la politique, il compte casser tous les codes en vigueur depuis le début de la Ve République et sa volonté de briser la bipolarité Droite-gauche qui a fait son temps selon lui n’est pas du goût de tout le monde mais elle trouve des adeptes au sein d’une population en quête de renouveau politique……
L’idée se répand qu’il compte bien gérer la France comme une entreprise et surtout imposer une « obligation de résultat » à son action, en bref : « tenir ses promesses » à contrario de ses prédécesseurs et permettre ainsi à notre cher et vieux pays d’éviter de connaitre un déclin inexorable par manque de courage politique….
Marine Le Pen pense et elle n’est pas la seule, que ce petit jeune homme est un peu « court » et que ses nerfs ne sont pas assez solides pour l’affronter lors d’un débat qui peut être considéré comme un « match de boxe ». L’idée sous-jacente est de la faire sortir de ses « gonds » pour le déstabiliser….
Entretemps, Nicolas Dupont-Aignan, éternel trublion d’une droite qui se veut souverainiste et libérée des diktats de Bruxelles créé la surprise en apportant son soutien à la candidate du Front National. Cette « alliance » sème le trouble au sein même de son propre parti « Debout la France » provoquant des démissions en cascade…
Mais le Député-Maire d’Yerres justifie son choix en clamant que « Marine Le Pen n’est pas d’extrême-droite » et que le rapprochement entre les deux formations ne sont pas incompatibles comme en témoignent leurs programmes respectifs qui pourraient faire émerger une « droite sociale, patriote, antilibérale et préconisant une Europe des Nations » ……
Celui qui se proclame « Gaulliste » comme Florian Philippot se verrait bien « Premier Ministre « de la présidente Le Pen. Après tout, le « centriste inclassable » François Bayrou s’est bien rallié à Emmanuel Macron en lui proposant le même genre de « deal » ……
Un débat va donc être organisé à quelques jours du second tour. Il est accepté par Emmanuel Macron, contrairement à ce qui s’était passé quinze ans plus tôt en 2002, lorsque Jacques Chirac avait refusé une « confrontation » avec le père de l’actuelle finaliste………
On sait généralement que les débats de second tour ne sont plus déterminants depuis belle lurette…Sauf peut-être en 1974 lors du débat Giscard-Mitterrand avec la fameuse phrase du premier à l’endroit du second « Vous n’avez pas le monopole du cœur » qui avait peut-être fait basculer l’issue du scrutin….
Et pourtant, ce fameux débat va déjouer tous les pronostics, contrairement à ce qu’espérait Marine Le Pen, celui qu’elle pensait être un « petit jeune un peu court prêt à péter les plombs à la moindre saillie » va dominer la confrontation, restant calme et surtout goguenard face à une adversaire qui va révéler sa méconnaissance des dossiers pour ne pas dire une ignorance crasse qui va lui être fatale….
L’héritière du Front National tentera bien quelques escarmouches qui lui permettront d’éviter le naufrage complet. Ce qu’elle réussissait dans ses meetings à coups de « slogans vengeurs » et de formules toutes faites face à un auditoire acquis s’effondre là devant un adversaire bien plus pointu qu’elle en matière économique….
A peine terminé, ce débat va laisser des traces auprès de son électorat. L’image de la Présidente s’effrite au sein même du parti. Certains cadres contestent à présent sa légitimité, d’autres voient plutôt sa nièce, Marion aux manettes du parti.
Un « front républicain » se reforme, laissant augurer une large victoire pour celui qui va devenir le plus jeune Président de la République que la France ait connue….
Avec 66 % des suffrages exprimés, l’ancien ministre de François Hollande écrase sa concurrente avec 34 %, bien loin de ce qu’elle escomptait au départ mais ce résultat est aussi décevant qu’encourageant pour une formation qui a réussit à se hisser en finale pour la deuxième fois et en doublant le score qu’avait fait son géniteur en 2002.
Les jours et semaines suivantes vont être très dures pour Marine Le Pen tant son image est écornée.
Elle va entamer la bataille des législatives en étant fortement affaiblie, si elle réussit à enfin se faire élire dans la 14 -ème circonscription du Pas de Calais, elle ne pourra se contenter de n’avoir à ses côtés dans l’Hémicycle que sept autres compagnons de route dont son conjoint, Louis Alliot et une poignée d’élus du Nord, dont Bruno Bilde ou le transfuge de l’UMP, Sébastien Chenu. Florian Philippot ne parvient pas à se faire élire à Thionville et sa nièce Marion ne se représente pas dans le Vaucluse, préférant mettre « entre parenthèse » sa jeune carrière politique (pour mieux rebondir après et remplacer Tata ?) …….
Pas suffisant pour constituer un groupe à l’Assemblée, ce qui signifie : rejoindre les « non-inscrits » dont l’influence et la possibilité d’intervenir dans les débats est souvent réduite à la version congrue. La ligne politique qui avait assuré la montée en puissance du parti, notamment axée sur la sortie de l’Euro est mise à mal par le renoncement de Marine Le Pen, ce qui provoque la rupture avec son fidèle conseiller, Florian Philippot, instigateur en chef de cette « doctrine Frontiste ».
Le député Européen claque la porte avant d’être obligé de la prendre et lance un nouveau mouvement « les patriotes » qui veut ratisser large. Il espère bien provoquer la même onde de choc que celle de 1998 lors de la rupture Jean-Marie Le Pen/Mégret, mais les quelques départs notables ne suffiront pas à fissurer le parti pourtant mal en point….
Non, tout ceci n’est qu’un épiphénomène face aux difficultés ultérieures que va rencontrer l’héritière : notamment au niveau financier ou elle sera lâchée par les banques, puis politique : déjà durant la campagne présidentielle, des soupçons d’emplois fictifs au sein du parlement européen la verront être mise en examen, comme le même François Fillon, qu’elle fustigeait il y a encore peu et voir certains remboursements de campagne gelés, de quoi provoquer une banqueroute inexorable...
La justice se révèlera plus clémente que prévue et la générosité de dévoués donateurs et militants permettront au « paquebot » de continuer à reprendre la mer mais pour combien de temps ?
Bref, pas la joie et ce n’est pas le changement de nom en « Rassemblement national » qui va rebooster des troupes qui se déciment, des permanences qui ferment et une image personnelle dégradée….
Mais en politique, on n’est jamais vraiment mort et le malheur des uns peut faire le bonheur des autres, les difficultés actuelles que rencontrent « Jupiter », celui qui l’avait terrassée lors d’un fatal débat du second tour permettront-elles à Marine Le Pen de trouver un second souffle ?
Les jeux sont ouverts notamment en matière de leadership de l’opposition : La France Insoumise ou le Front National ? ou une large alliance entre la frange la moins modérée des Républicains, debout la France de Dupont-Aignan et le Rassemblement qui continue à nier sa seule appartenance à l’extrême-droite… ?
Les prochaines élections intermédiaires (notamment Européennes) permettront certainement à tous les partis protestataires de réaliser des scores importants et déstabilisants pour le pouvoir. Mais on le sait ça ne suffit pas toujours pour gagner par la suite.
Certains croient au miracle, d’autres sont abonnés au mirage. On peut deviner aisément l’espoir secret de Marine Le Pen, à moins que certaines personnes de son entourage n’étouffent ce que l’on peut appeler le combat d’une vie….