2019, ANNEE ELECTRIQUE ? (EDITO DU 07/01)
1969 avait été une année érotique selon Serge Gainsbourg. 2019 sera-t ’elle électrique pour Emmanuel Macron, 8 -ème Président de la Ve République ?
Comme diraient certains commentateurs sarcastiques, cela ne peut pas être pire que l’année 2018 pour le chef de l’Etat…. Une Annus Horribilis, surtout depuis le début du second semestre avec le mauvais feuilleton à rebondissement Benalla jusqu’à la « crise » des gilets jaunes qui n’a toujours pas fini d’ébranler l’exécutif….
Pourtant, l’année 2018 avait commencé la clôture du dossier Notre Dame des Landes, le passage de la loi travail, l’adoption certes difficile du changement de statut de la SNCF qui faisait d’Emmanuel Macron, un leader d’un nouveau type et qui tenait les promesses qu’il avait tenues lors de la campagne électoral….
Et puis, patatras, la bienveillance d’une grande partie de l’opinion prête à patienter pour voir les premiers effets des réformes annoncées et la léthargie d’une opposition déboussolée auront été balayées pour laisser la place à un montée brutale de la défiance d’un peuple face à un chef d’état, jugé responsable de tous les maux, accusé de pratiquer un pouvoir solitaire et vertical, avec une attitude hautaine voire méprisante pour une France aux antipodes de celle qu’il représente….
L’ancien ministre de l’économie a dévissé dans les sondages et a réussi en moins de dix huit mois, d’attiser de nombreuses haines à son endroit. Affublé du sobriquet de « président des riches », des « nantis », des « start-up » n’affichant aucune empathie face à une population en déshérence, accablée par les taxes et meurtrie par la fracture territoriale, sociale et fiscale qu’il a implicitement accéléré, aux dires de ces détracteurs, en l’occurrence les inattendus « gilets jaunes » ….
Face à la colère populaire qui s’est exprimée de façon cyclique dans la rue, le chef de l’état a pourtant fait son mea culpa, fait une série de propositions concrètes et invité à instaurer un nouveau dialogue social…. On connait la suite : les plus modérés ont pris acte de cette démarche tandis que les autres ont pris cela pour de la « poudre de perlimpinpin » ou pis, se sont radicalisés et devenus hermétiques à toute discussion et continuer à défier un pouvoir qu’ils espèrent déstabiliser voire renverser….
Les premières mesures vont poindre dès ce début d’année (dont la hausse du SMIC) ainsi que la mise en place « d’ateliers de doléances » dans le dessein d’instaurer un nouveau contrat social. N’oublions pas le projet du fameux « RIC » (Referendum d’initiative populaire), nouvelle marotte des gilets jaunes qui pourrait ressembler aux « votations » helvétiques, symboles d’une « démocratie » de proximité….
Mais le plus dur reste à faire pour un gouvernement qui doit poursuivre son train de réformes promises lors de la campagne, notamment la réforme de l’assurance chômage, avec la nouvelle convention Unedic et le souci constant de diminuer son déficit et réaliser des économies de l’ordre de 3, 9 milliards d’euros d’ici la fin du quinquennat.
La volonté d’incitation au retour à l’emploi (avec obligation d’accepter les emplois proposés, même éloignés de la formation d’origine) risque de hérisser un grand nombre, même si cela a été déjà mis en place dans les pays voisins, laissent présager une éventuelle baisse du chômage mais une augmentation sensible du sentiment de précarité….
N’oublions le volet de la réforme des retraites et qui devrait permettre de rendre le système plus simple laissent augurer également de grandes tensions sociales.
La réforme de la fonction publique, la PMA ou la réforme de la loi de 1905 sur la laïcité devraient compléter la feuille de route d’un gouvernement qui n’est pas au bout de ses peines….
La marche de manœuvre est délicate dans un contexte social aussi tendu et la perspective des élections européennes, sanctionnant généralement les pouvoirs en place risquent encore plus de fragiliser un exécutif dont la majorité parlementaire connait des fractures certes encore légères mais qui se développent lentement mais surement.
En revanche, la lueur d’espoir pour le tandem Macron-Philippe, réside dans la faiblesse d’une opposition qui ne constitue toujours pas une force d’alternance crédible et dont les incessantes attaques ad hominem et l’invective systématique n'entrainent pas un marchepied vers le pouvoir….
LA GRANDE CAUSERIE (EDITO DU 21/01)
Depuis le début de la semaine dernière, Emmanuel Macron est parti à la rencontre des Français et des élus de la République. Le chef de l’Etat a décidé de « mouiller sa chemise », de sortir de sa tour d’ivoire Elyséenne afin de mener des débats face à un auditoire issu des « territoires », ces provinces souvent oubliées de la République.
Ce surinvestissement personnel aura été décidé pour répondre à la colère des « Gilets jaunes » et au sentiment de « mécontentement général » qui a surgi à travers l’Hexagone depuis bientôt trois mois….
Après un Mea Culpa télévisuel, le chef de l’Etat a décidé de passer à l’action pour prouver sa bonne volonté : il s’est d’abord fendu d’une lettre aux Français qu’il a voulue pédagogique et dans laquelle il a énoncé les grandes orientations qu’il comptait soumettre à ses concitoyens.
Puis une logistique de ces moyens d’actions a été mise en place pour une période s’étirant jusqu’à la mi-mars : des réunions organisées dans treize endroits symboliques à travers le territoire. Deux d’entre elles ont déjà eu lieu : la première à Grand-Bourtheroulde, dans l’Eure et la seconde à Souillac, au cœur de l’Occitanie….
Emmanuel Macron s’est donc frotté aux élus de ces régions, lui qu’on disait peu enclin à discuter avec ces derniers… Et il s’est prêté à l’exercice non sans brio, tenant le rythme des questions-réponses durant 6 ou 7 heures en moyenne.
L’idée sous-jacente étant de poursuivre ces consultations populaires pendant ce premier trimestre, de se servir des élus comme « courroie de transmission » des doléances populaires, pour être plus clair de mieux optimiser la remontée des revendications populaires…. Sans oublier bien entendu, la mise en place de forums sur internet, ère du temps oblige dans le but de collecter le maximum d’informations et d’arriver à une certaine synthèse.
Une synthèse qui comporte actuellement plusieurs inconnues car ce genre de consultations populaires reste inédit dans notre beau et vieux pays et que le chiffre de participation reste un point d’interrogation….
Pour éviter « l’usine à gaz » le Chef de l’Etat a décidé de « cadrer » les débats en les divisant en quatre thèmes principaux : le premier concerne celui des impôts, des dépenses et de l’action publique. Le chef de l’Etat insiste sur le rôle indispensable de l’impôt qui finance d’abord les services publics et qui rémunère les agents de l’Etat mais qui permet de reverser de prestations sociales aux plus vulnérables de notre société et enfin de régler les intérêts de la dette contractée depuis plusieurs années.
Le deuxième évoque l’organisation de l’Etat et des collectivités locales, dans lequel il rappelle que les services publics ont un coût mais qu’ils restent indispensables à la cohésion sociale, d’où la volonté de le réorganiser et d’améliorer son action pour mieux répondre aux difficultés rencontrées par les territoires les plus défavorisés….
Le troisième thème porte sur la transition écologique jugée essentielle à notre avenir mais qui constitue la genèse du mouvement des Gilets jaunes avec l’augmentation des taxes liées au carburant. Emmanuel Macron insiste sur le fait qu’il faut un engagement sur des objectifs de préservation de la biodiversité et de la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution de l’air. La question posée réside dans la réduction ou non des dépenses des ménages en carburant ainsi que la gestion des déchets…
Enfin, l’ultime volet est consacré à donner plus de force à la démocratie et la citoyenneté : amélioration des institutions, instauration d’un vote blanc, une plus grande dose de proportionnelle ainsi qu’une démocratie participative plus active sur des thèmes majeurs : la citoyenneté, la laïcité, l’immigration ou le fameux Référendum d’initiative populaire….
Le Chef de l’Etat annonce clairement la couleur : il compte bien transformer les colères en solutions, il ponctue chacun des thèmes par des questions posées à ses lecteurs : que proposez-vous ? quand pensez-vous ? etc….
Le procédé est habile et la volonté sincère d’être à l’écoute est indéniable. Les plus constructifs salueront cette démarche un peu inédite dans l’histoire de la Ve République, les plus sceptiques n’y verront qu’un « enfumage » de plus du Président qui n’a nulle envie de changer de cap mais de n’apporter que des ajustements….
Toujours est-il que sa cote de popularité à légèrement remonté en l’espace d’une semaine. Aurait-il amorcé sa « Remontada » et redevenu le « maitre des horloges » comme il y a encore peu ? Il est encore trop tôt pour donner une réponse, attendons la fin de la consultation en mars et l’émergence d’une synthèse de toutes les doléances. Vaste programme mais rien n’est impossible du moment que les efforts restent bilatéraux (le pouvoir et le peuple) …….