LE PATCHWORK (EDITO DU 10 MAI)
Trente-quatre listes, rien que ça ! Du jamais vu depuis l’organisation du premier scrutin pour les élections européennes, il y a exactement quarante ans !
Alors signe de regain pour
ce type de consultation électorale qui d’ordinaire, est marqué par un absentéisme toujours plus fort (58 % en 2014) ou tout simplement volonté d’élargir le champ démocratique sous toutes ses formes d’expression
? Nul ne le sait vraiment….
Depuis plusieurs mois, les observateurs pronostiquent un duel au sommet entre La République en Marche et le Rassemblement national comme ce fut le cas pendant la présidentielle de 2017 et qui totaliseraient chacune entre 21 et 23 % des suffrages tandis que la Droite traditionnelle menée par François-Xavier Bellamy serait sur la troisième place du podium avec un peu plus de 13 %.
La auche trop divisée arriverait loin derrière ce peloton de tête, à commencer par le PS avec à sa tête un Raphael Glucksmann, novice en politique et pièce rapportée de l’ancien parti présidentiel et qui est à peine sûr d’être élu. Seules Europe Ecologie les Verts menée par le sortant Yannick Jadot peut s’en sortir avec un score honorable (8 %) ou encore la France Insoumise (9 %) bien qu’elle voit son audience s’effriter lentement mais surement comme ce fut naguère la destinée du Parti Communiste….
Quand aux autres, qu’en adviendra-t’il dans tout ce patchwork électoral : ils ne ramasseront certainement que des miettes ou peut être même rien du tout, à commencer par les trois listes se revendiquant Gilets Jaunes, dont l’une menée par le Barde contestataire Francis Lalanne qui, faute de ligne politique claire risque de tomber rapidement dans les oubliettes d’une histoire récente qui aura pourtant fait frissonner la vieille Cinquième république… Les autres challengers qu’ils soient animalistes, royalistes, identitaires, gauchistes, espérantistes ou partisans du Frexit seront probablement de purs produits folkloriques qui par leur candidature de témoignage auront eu leur quart d’heure de célébrité….
Mais quel sera finalement le constat à tirer de ce foisonnement de listes dont certaines ne se transformeront probablement pas en bulletin le jour du vote : seront-elles le fruit d’un vote d’adhésion ou un attelage improbable pour le « tous contre Macron » ou alors comme l’émergence d’une nouvelle forme de démocratie participative, comme certains l’appellent de leurs vœux ?
Les médias traditionnels mais surtout les réseaux sociaux ont beaucoup changé la donne politique, prônant parfois l’abstention, l’indifférence, la colère permanente ou de l’inculture comme marque de fabrique, laissant parfois l’électeur dans un sentiment de désarroi…..
Mais le 26 mai, il faudra pourtant faire un choix clair et précis car il n’y aura qu’un seul tour et chacun d’entre nous devra exprimer son idée de l’Europe indispensable à notre avenir et ce, malgré ses défauts : soit la laisser aux mains des nationalistes, partisans d’une rupture avec le passé ou bien la laisser aux mains des progressistes voulant continuer cette belle aventure commencée il y a soixante ans…. Ou encore opter pour un vote défouloir comme c’est la tentation pour ce type d’élection intermédiaire, où il est bon ton de sanctionner le pouvoir en place ?
Il y est fort à parier qu’il y aura un mix de tous ces velléités et que seul chaque électeur pourra décider en son âme et conscience, dans le secret de l’isoloir. Dans la campagne qui commence, en parcourant cette jungle de candidatures, il sera important d’élever le débat en y mettant une bonne dose de pédagogie, de chasser les nombreuses idées reçues ou de ne pas se contenter de contre-vérités qui seront émises : c’est la condition nécessaire pour réussir ce qui constituera notre avenir proche. On peut toujours rêver….
ZONE ROUGE (EDITO DU 13/05)
Les français sont indéniablement les champions du monde de la polémique : alors que le Falcon en provenance du Burkina Faso atterrissait sur le tarmac de Villacoublay ramenant à son bord les deux otages français libérés, certains esprits chagrins critiquaient la présence sur place du Président de la République, Emmanuel Macron. Selon eux, il n’avait rien à faire ici au risque d’excuser l’imprudence, voire l’inconscience de deux touristes qui s’étaient aventuré dans une zone jugée dangereuse et qui aura finalement coûté la vie à deux officiers mariniers venus les secourir ainsi qu’à leur guide….
Mais les critiques les plus virulentes auront surtout été adressées aux deux français qualifiés parfois d’égoïstes, voulant faire un safari en toute insouciance
dans une Afrique en pleine tourmente aussi bien climatique que géopolitique, sans tenir compte des recommandations du Quai d’Orsay… D’ailleurs, le ministre, Jean-Yves le Drian n’a pas mâché ses mots sévères
envers les deux otages tandis que certains officiers fustigeaient des touristes confondant « l’Armée avec Mondial Assistance » ….
Passés ces commentaires acerbes, on a pu constater qu’en fait, Emmanuel Macron
avait fait le service minimum, n’expliquant sa présence que pour perpétuer un rituel qui veut que chaque chef d’état soit présent lors d’une libération d’otages et qu’il saurait rendre un hommage
national à leurs deux libérateurs le moment voulu.
En outre, nos deux français libérés (avec une ressortissante Sud-coréenne) ont fait leur mea culpa lors de la conférence
de presse et ont su saluer la bravoure de Cédric de Pierrepont et de Alain Bertoncello. Puis les commentateurs extérieurs ont porté des propos plus nuancés sur ce tragique incident : la zone dans laquelle les deux touristes et leurs
guides ont été enlevés n’était pas considérée comme une zone complètement « rouge » c’est-à-dire totalement interdite aux touristes, mais plutôt « orange » au
cœur d’un parc touristique a la frontière de deux autres pays, le Niger et le Burkina Faso et que les zones « colorées » variaient parfois de quelques kilomètres, rendant leur fiabilité des plus incertaines…..
Mais le problème majeur est plutôt le suivant : cette région de l’Afrique a été victime depuis quelque temps d’une inexorable contagion d’un terrorisme islamique qui
la gangrène profitant de frontières géométriques définies par les colonisateurs et faiblement peuplées, de querelles intra-ethniques multiséculaires ou encore d’une rivalité entre Chrétiens
et Musulmans défendant chacune leurs zones d’influence….
Alors la présence de l’armée via la force anti-Djihadiste, le Renseignement et surtout ce commando « Hubert »
auquel appartenait les deux héros sacrifiés, héritier du « Commando Kieffer » qui s’illustra lors du débarquement de 1944 est toujours présent pour mener à bien des opérations qu’une
armée classique ne peut plus effectuer. D’ailleurs, les familles des défunts n’ont pas blâmé les touristes et confirmé que les deux soldats « n’avait fait que leur devoir, et que la bravoure était
autant dans leurs gènes que le risque de périr » epargnant aux otages d’être remis aux mains de factions beaucoup sanguinaires…
Ces récents évènements nous
amènent à une réflexion à mener sur nos rapports avec le continent africain qui contient des territoires aux ressources naturelles abondantes mais paradoxalement minées par le spectre de la pauvreté, des dérives
occidentales tendant une forme de néo-colonialisme, des dirigeants corrompus, du sort des réfugiés climatiques ou politiques ainsi que l’explosion démographique prévue dans les prochaines décennies avec les risques
que cela comporte si les facteurs précédemment cités ne sont pas améliorés.
Notre partenariat avec ce vaste continent ne consiste pas à faire de l’ingérence mais plutôt à donner une chance d’éradiquer ce « cancer » du terrorisme qui mine les pays du Sahel, empêchant un développement économique certain (comme le tourisme) au profit d’un obscurantisme qui guette d’ailleurs d’autres régions du monde…
A ARMES INEGALES (EDITO DU 21/05)
« Ce sera ce dimanche 26 ou jamais » clame à tue-tête un Emmanuel Macron, à la tête d’une croisade progressiste qui espère freiner l’inexorable progression des Nationalistes qui menacerait selon lui de vouloir détruire une Europe imaginée il y a soixante ans par les pères fondateurs….
La surexposition du chef de l’Etat est risquée pour certains, voire de se retourner contre lui. Pour d’autres, c’est un mal nécessaire pour réveiller les consciences sur un vieux continent qui assiste parfois comme un spectateur résigné au match Etats-Unis /Chine…
Mais cette prise de conscience d’une majorité plus lassée que silencieuse risque de s’évaporer dans une abstention qui ne cesse de croître à chaque scrutin et ce dernier ne devrait pas échapper à la règle, sauf miracle….
Une abstention qui contrasterait avec les invraisemblables 34 listes qui s’affichent actuellement sur nos panneaux électoraux dont on ne trouve pas vraiment de cohérence, sinon la volonté de beaucoup de constituer un front Anti-Macron ou Anti-Le Pen, les deux favoris de la compétition au grand dam des grands anciens que sont les Républicains et bien sûr le presque feu-Parti Socialiste qui peinent à retrouver des couleurs malgré quelques signes de revitalisation…
On le sait, ce type de scrutin à la proportionnelle favorise un Rassemblement National qui risque d’arriver
en tête mais ce fut déjà le cas en 2014 et on ne peut pas dire que celui qui se déclarait le « premier parti de France » ait réussi par la suite à transformer l’essai….
La France élira
74 députés, dont plus de la moitié appartiendront aux deux favoris. Le reste ira aux Républicains, aux Verts, à la France Insoumise et peut-être au PS-Place Publique…. Notre pays représente la deuxième
représentation après l’Allemagne et devant l’Italie sur les 751 Députés que comptera la prochaine assemblée (705 si nos amis « Britanniques » arrivent à réussir leur Brexit…)
Ce qui renforce Emmanuel Macron dans sa volonté de jouer les chefs d’orchestre au cœur d’une Europe qui compte en son sein des leaders très indisciplinés, toujours enclins à fustiger une alliance de pays membres qui leur permet de recevoir plus qu'ils ne contribuent....
Mais si les deux actuelles formations qui constituent le socle du parlement que sont le Parti Populaire Européen (avec 217 députés) et les Sociaux-Démocrates avec (187 députés) ont de grandes chances de conserver la gouvernance, il n’en demeure pas moins qu’ils risquent de se contenter d’ une majorité relative, si l’essor des nouvelles formations nationalistes progressent comme on peut l’envisager à la lecture des sondages, les obligeant alors à des combinaisons politiques compliquées….
Alors,
comment tenter de limiter ce risque, sinon que d’aller voter et surtout voter utile afin de dégager des majorités claires, car il faut le rappeler, les querelles franco-françaises qui nous animent quotidiennement doivent nous ramener
à une vision beaucoup moins restreinte et penser que notre avenir est toujours au cœur d’une Europe, certes parfois technocratique et taclant souvent notre souveraineté franchouillarde mais qui nous permet de maintenir un cap….
Et l’heure n’est plus à la nostalgie d’un monde disparu mais plutôt à notre capacité à nous imaginer comme pièce maitresse au cœur de ce qui reste la première puissance économique
du monde qui doit batailler ferme pour apaiser les appétits de deux ogres qui ne nous veulent pas toujours du bien….
BALLE SET ET MATCH (EDITO DU 28/05)
On serait tentés de comparer ces dernières élections européennes au tournoi de Roland Garros qui se déroule actuellement : deux favoris dans les sondages : le Rassemblement National de
Marine Le Pen et la République en Marche d’Emmanuel Macron, rappelant le traditionnel duel Nadal-Djokovic sont donc arrivés en tête comme les observateurs s’y attendaient, avec un léger avantage pour le premier, devançant
le second de quelques 200.000 voix…. Et contrariant la volonté du chef de l’Etat qui s’était personnellement impliqué dans la campagne afin de « gagner » l’élection….
Marine Le Pen
pouvait donc jubiler ce dimanche soir, prenant ainsi sa revanche sur 2017 face à son adversaire qui lui avait fait plus que mordre la poussière. Devenue prudente, elle n’a cependant pas pu s’empêcher de renvoyer le Président
dans ses filets en l’invitant, sinon à partir, à dissoudre « l’assemblée nationale » comme semblait l’indiquer le verdict des urnes….
Une proposition qui s’avère
autant insolite que vaine, la patronne du mouvement nationaliste confondant volontiers l’enjeu européen avec le national…En outre, sa victoire, certes indéniable est en trompe-l’œil comme le souligne de nombreux observateurs,
car il n’est pas sûr qu’elle puisse jouer un rôle majeur dans le futur échiquier politique : la majorité sortante, composée Du PPE et des sociaux-démocrates, même affaiblie devrait rester aux affaires,
notamment en s’alliant avec les courants libéraux ou écologistes tandis que les nationalistes se contenteront de jouer les seconds rôles malgré une progression sensible dans différents pays de l’Union….
Mais cette élection européenne a également confirmé, du moins en France, l’inexorable déclin des partis traditionnels qui se partageaient encore récemment la plus grosse
part du gâteau : les Républicains, malgré la candidature originale de François-Xavier Bellamy dont cette Droite conservatrice, traumatisée en 2017, espérait bien reprendre des couleurs a ainsi connu la plus lourde défaite
de la Vème République (8.5 %) mais la personnalité très contestée de Laurent Wauquiez peut expliquer cette débâcle ou encore le PS-Place Publique (6.5 %) de l’authentique Raphael Glucksmann qui tentait
de reconstituer le puzzle trop morcelé d’une gauche moribonde qui doivent se contenter de jouer les seconds, voire même les troisièmes rôles.
Victimes du dégagisme, direz-vous,
peut-être mais pas seulement, un mouvement aussi neuf que les Marcheurs, en l’occurrence la France Insoumise, qui avait parié sur la jeunesse avec Manon Aubry (comme Jordan Bardella au RN) a connu une défaite cuisante (6.1 %), divisant
par trois son score de la présidentielle, mais ce « revers » est indéniablement à imputer à son leader, le bouillant Jean-Luc Mélenchon qui finit par faire douter ses propres troupes de par ses excès médiatiques….
Comme à Roland Garros, un outsider s’est détaché en beauté : Europe Ecologie les Verts, menée par le député sortant Yannick Jadot qui s’est hissé à
la surprise générale à la 3 -ème place avec 13.5 %, laissant augurer avec ses homologues européens, la possibilité de jouer les « faiseurs de rois » au sein du futur parlement qui se réunira à
Strasbourg début juillet….
Il y avait 34 listes au départ, seules 6 d’entre elles enverront des élus à Strasbourg. Ce scrutin a balayé les ambitions d’un Nicolas Dupont-Aignan, souverainiste passéiste
ou d’un Benoit Hamon, en quête d’une gauche qui ne voudrait pas se renier tout comme un Ian Brossat, timide héritier d’un parti communiste qui est en train de rejoindre les oubliettes de l’histoire. Impitoyable réalité
de la vie politique….
Mais à présent, l’heure est à la mise en place d’un nouveau projet européen, porteur de valeur humaniste, écologiste et libéral en
même temps qui doivent permettre de continuer cette construction européenne commencée il y a soixante ans mais soyons lucides : le parcours est semé d’embûches de toutes sortes : poussée du nationalisme, guerre
économique avec le reste du monde, sentiment de perte d’indépendance nationale au sein des pays membres mais on le sait l’art du compromis entre nos différences et divergences restent le meilleur rempart contre l’isolationnisme
ou le repli sur soi….