ON A MARCHE SUR LA LUNE
En 1954, le célèbre reporter Belge Tintin avait été le premier homme à marcher sur la Lune, accompagné de ses éternels compagnons de route : son chien Milou, le capitaine Haddock, les deux Dupont(d) et bien sûr le Professeur Tournesol, directeur scientifique du programme spatial lancé depuis la Syldavie, petit pays d’Europe centrale….
Tout ça n’est bien sûr qu’une fiction provenant d’une bande dessinée qui a ravi notre enfance. Mais l’imagination du dessinateur Hergé va être rattrapée par la réalité. Quelques années après l’exploit de Tintin, un jeune président Américain John Fitzgerald Kennedy, fraichement élu à la Maison Blanche en 1961 va décider d’envoyer d’ici la fin de la décennie un homme sur la Lune….
“We choose to go to the Moon”
John Fitzgerald Kennedy, 1961.
Ce projet jugé autant irréaliste qu’audacieux n’est pas sorti par hasard d’une lubie qui aurait hanté le Président Américain mais plutôt d’une volonté stratégique : en pleine guerre froide, les Etats-Unis avaient pris du retard face à l’ennemi Soviétique qui avait entamé son programme spatial dès 1957 en envoyant le premier être vivant sur orbite : la chienne Laika à bord de Spoutnik 2 mais le valeureux animal ne survécut pas, a contrario en cette année 1961, l’URSS venait d’envoyer le premier homme dans l’espace : Youri Gagarine…comme elle le fera pour la première femme, avec Valentina Terechkova en 1963….
Fort de cette prouesse technologique, l’URSS se voyait alors en position de force pour envoyer un premier homme sur la Lune, persuadée que les USA ne combleraient jamais leur retard. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la rivalité technologique faisait rage entre le leader du monde capitaliste et celui du bloc socialiste.
Lors de la Conférence de Yalta en 1945, les vainqueurs du conflit coupèrent en deux : une Europe à bout de souffle, à l’ouest le monde dit « libre », à l’est « le bloc de l’est » …Mais les conséquences d’un tel partage ne furent pas que géostratégiques car les deux Grands ont cherché à se faire peur mutuellement pour mieux marquer leur territoire : ce sera la Guerre Froide qui sévira jusqu’à l’écroulement du Bloc Soviétique en 1991….
DOCTEUR FOLAMOUR
C’est la course à la bombe atomique qui va être l’épisode le plus marquant du début de la Guerre froide. Les deux blocs occidentaux comme socialistes vont se marquer « à la culotte » pour tenter d’obtenir le leadership en matière de force de dissuasion. L’idée de voir germer une troisième guerre mondiale sera omniprésente durant toutes ses années et alimentera l’imagination de bon nombre d’auteurs de romans d’espionnage ainsi que les joutes diplomatiques parfois au fil du rasoir des grands de ce monde : on se souvient de la crise des missiles entre Kennedy et Khrouchtchev.
Mais les visées impérialistes ou hégémoniques des uns et des autres vont dépasser le simple cadre terrien pour pointer leurs nez vers les étoiles…
LES GRANDS MOYENS
Les Etats-Unis ne vont pas rester longtemps à la traine car ils vont avoir les moyens de leurs ambitions…Déjà, quelques semaines après Gagarine, il envoie dans l’Espace leur premier astronaute : Alan Sheppard à bord du vaisseau Freedom 7 mais s’il rentre dans l’espace, il n’atteint pas l’orbite… Ce n’est qu’un début car onze ans plus tard en 1971, il marchera sur la Lune lors de la mission Apollo 14….
C’est en février 1962 que son collègue John Glenn deviendra le premier Américain à effectuer un vol orbital moins d’un an après Gagarine….
Le programme spatial américain coûtera la « modique » somme de 25 milliards de Dollars et emploiera plus de 400.000 personnes…Dix sept missions entre 1961 et 1972 verront le jour mais avec des fortunes diverses : le triomphe avec Apollo 11 en 1969 mais un échec avec Apollo 13, même si Lovell et son équipe ne pourront alunir suite à une panne d’oxygène, arriveront cependant à revenir sur terre….
APOLLO 11
Le vœu du Président Kennedy d’envoyer un homme sur lune avant la Saint-Sylvestre 1969 va être exaucé mais sans lui : la mort l’ayant fauché un jour de novembre 1963 à Dallas, c’est au nouveau locataire de la Maison-Blanche, Richard Nixon, ancien adversaire malheureux face à JFK en 1960, que va revenir l’honneur d’assister à l’apothéose de l’épopée spatiale….
Le 16 juillet 1969, la mission Apollo 11 est lancée avec son équipage composé de Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins. Les trois astronautes, tous anciens pilotes aguerris ont subi un entrainement très dur et ils savent que leur vie risque d’être bouleversée s’ils réussissent cet exploit technologique….
UNE RANDONNEE DE 384 000 KILOMETRES
Les trois astronautes : Neil Armstrong (1930-2012), Buzz Aldrin (né en 1930) et Michael Collins (également né en 1930) vont effectuer le voyage aller de 3 jours sans problème majeur mais on s’en souvient, lors de l’arrivée dans l’orbite lunaire, une saturation de signaux de l’ordinateur de bord va poser des problèmes aux trois hommes qui seront obligés « d’alunir » à quelques kilomètres du point initialement prévu, au lieu-dit «la mer de la tranquillité » avec une jauge de carburant au bord de la rupture.
Le suspense sera à son comble mais l’exploit a été réalisé avec brio. A 20h56 (heure américaine, 3h56 heure française), Neil Armstrong devient le premier homme à fouler le sol lunaire sous le regard médusé de plus de 600 millions de téléspectateurs ou l’oreille attentive d’autant d’auditeurs des radios du monde entier. Il prononce sa phrase devenue culte : « c’est un petit pas pour un homme, mais un bond de géant pour l’humanité ».
Buzz Aldrin lui emboitera le pas tandis que le troisième homme, Michael Collins n’aura pas ce privilège en restant dans le vaisseau spatial…
Le trio passera plus de 21 heures sur la surface lunaire mais n’aura que deux heures pour rouler et marcher sur ce sol auparavant vierge de toute présence humaine. Le temps passé sera moins long que prévu suite aux avaries de l’alunissage mais n’en sera pas moins fructueux : les astronautes prélèvement un grand nombre d’échantillons lunaires (pas moins d’une vingtaine de kilos de roches lunaires qu’ils ramèneront sur terre et installeront un capteur de rayon cosmique ainsi qu’un sismomètre sans oublier le drapeau américain qu’ils planteront allègrement sur ce sol ingrat….
MONDOVISION
La pose du premier pas sur la lune par Armstrong a été photographié par ses équipiers puis filmé avec une caméra vidéo permettant à près de 600 millions de terriens de suivre en direct cette prouesse technologique…Ainsi les noctambules Français, dont beaucoup étaient en vacances ont pu être aux premières loges.
Il faut signaler qu’a l’époque, 60 % des foyers français étaient équipés d’un récepteur de télévision. Aux USA comme en France, l’évènement a ainsi préfiguré ce qui sera la suite « l’évènementiel en télévision » : de l’info en continu avant l’heure : 30 heures d’antenne outre-Atlantique et édition spéciale en France, commentée à Paris, par Jean-Pierre Chapel et Michel Anfrol, tandis que Jacques Sallebert était à Houston…
Les équipes françaises étaient en fait sur le fil de l’actualité depuis le début de la mission le 16 juillet. Une édition spéciale, fait exceptionnel à l’époque se déroula entre deux et trois heures du matin pour commenter le premier pas de l’homme sur la lune….
C’est évident, si l’évènement médiatique est entré dans les annales, il est clair que la retransmission des images n’étaye pas d’une très grande qualité technique, émaillés de quelques incidents (images à l’envers), les fréquents « Allo, Houston » patiemment lancé par le binôme Chapel-Anfrol mais l’émotion était présente….
Une caméra installée à l’extérieur du Lem permit d’assister à la pose du premier pied humain sur le désert lunaire et d’entendre la phrase légendaire d’Armstrong « Un petit pas pour l’homme, un pays de géant pour l’humanité » ….
Un Richard Nixon téléphonant en direct aux deux astronautes pour les féliciter constituait une prouesse technologique qui nous mettait à des années-lumière du « 22 à Asnières » ….
Sur France-Inter, c’est Michel Forgit et Jean-Claude Bourret qui « couvriront l’évènement » La radio nationale s’était fendue d’une « spéciale Radio-Terre » dans les jours qui précédèrent l’instant historique et qui tiendra en haleine de nombreux auditeurs privés de l’étrange lucarne…
A Europe 1, le scientifique et journaliste légendaire Albert Ducros commente l’évènement avec François de Closets tandis qu’à RTL, c’est une autre figure du journalisme scientifique, Lucien Barnier qui couvrira l’évènement. La plupart écriront d’ailleurs des ouvrages ou participeront à des documentaires retraçant l’évènement…
RETOUR SUR TERRE
La mission étant terminée, il sera temps de rentrer sur terre mais un incident notable va se produire peu quelques heures avant le décollage : Buzz Aldrin, gêné par son encombrante combinaison casse par inadvertance le bouton du coupe-circuit qui permet la mise à feu Du moteur de l’étage de remontée du LEM donc du décollage. Quelques heures après, la légende veut que l’astronaute se soit saisi d’un stylo pour réactionner le bouton abimé….
Le voyage de retour durera 59 heures, soit une demi-journée de moins qu’à l’aller, grâce à l’attraction gravitationnelle de la terre étant plus grande que celle de la lune…. Les trois astronautes amerriront au large d’Hawaï…
Un escorter de l’US Navy avec à son bord le Président Nixon himself qui félicitera de nouveau les trois « héros nationaux » qui ne profitèrent que quelques secondes de la surface terrestre en rejoignant la capsule de confinement car on craignait qu’ils importent des virus extra-terrestres. Ils restèrent d’ailleurs dans cet état d'immunité durant près de trois semaines…avant d’arpenter les marches de la gloire….
EN ROUTE POUR LA GLOIRE
Pas toujours évident d’assumer son statut de star planétaire lorsqu’un an auparavant, on était un illustre inconnu et pas forcément friand de bains de foule…Pourtant c’est ce qui arrivera à nos trois astronautes. Le Président Nixon leur imposera une « tournée internationale » : après la parade triomphale de New York dans laquelle les trois héros de l’espace seront acclamés comme il se doit, la visite de 24 pays représentant plus de 100 millions de personnes. Ah, le vertige de la gloire n’a pas de prix !
Les astronautes rendirent également un hommage appuyé à John Kennedy qui était à l’origine de cette aventure lunaire. Les Etats-Unis avaient ainsi triomphé de l’Union Soviétique qui d’ailleurs occulta l’exploit d’Apollo 11, à l’instar de la Chine de Mao…
Les
Soviétiques avaient pourtant tenté un dernier « coup de Poker » pour contrer le succès américain, en laissant la sonde Luna 15 dès le 13 juillet, espérant la poser sur la lune et ramener quelques
échantillons mais elle se « crasha » à quelques 800 kilomètres de la Mer de la Tranquillité, au lieu-dit « La mer des crises » (ça ne s’invente pas…)
Malgré tout, la guerre froide et technologique était encore bien présente et ce, pour encore une vingtaine d’années…Mais l’heure était à présent à celle des navettes spatiales et autres stations scientifiques. Sans oublier, l’arrivée de nouveaux conquérants de l’Espace, comme la France avec son premier Spationaute, Jean-Louis Chrétien en 1980 et qui sera suivi par bien d’autres compatriotes par la suite (Patrick Baudry, Claudie et Jean Pierre Haigneré, Michel Tognini ou encore le médiatique Thomas Pesquet)…..
LES MISSIONS SUIVANTES
Fort de ce succès, les américains continueront les missions Apollo jusqu’à la 17 -ème du nom en décembre 1972 et qui épiloguera l’aventure lunaire, faute de crédits supplémentaires. 12 astronautes auront marché sur la lune, on les surnommera outre-Atlantique, les « Moonwalk ers » ….
Mais l’aventure spatiale ne s’arrêtera bien sûr pas là, ainsi que la rivalité avec l’Union Soviétique qui continuera dans le temps, annonçant les navettes et autres séjours longue durée dans les stations orbitales……
EPILOGUE
Un demi-siècle après, l’épopée d’Apollo 11 est dignement et les trois astronautes ne sont pas tombés dans l’oubli. Le premier homme sur la lune, Neil Armstrong est mort en 2012 tandis que ses deux compagnons sont toujours en vie. Aucun des trois n’est retourné dans l’Espace, préférant se consacrer à des activités terrestres comme l’enseignement, la politique ou même le Show-biz….
Aujourd’hui encore, quelques esprits chagrins, adepte des théories complotistes restent persuadés que la mission Apollo 11 comme toutes celles qui ont suivi n’ont jamais envoyé des hommes sur la Lune et que les « scènes lunaires » ont été tournées dans un quelconque studio Californien ou sur l’ile Ascension dont les paysages lunaires auraient pu faire l’affaire… En revanche, beaucoup d’autres salueront ce formidable exploit technologique même s’ils ne sont pas toujours persuadés des vertus scientifiques et économiques d’une telle aventure….
Une aventure lunaire être relancée notamment par l’inénarrable Donald Trump, toujours en quête d’une « America First » tandis que d’autres se voient déjà conquérir la lointaine Mars mais là c’est encore une autre histoire…….