LE CHEMIN DE L'ECOLE (EDITO DU 2 SEPTEMBRE)

Lundi 2 septembre 2019. Un peu plus de 12 millions d’élèves ont regagné les bancs de l’école, comme l’avaient fait quelques jours auparavant, les 871 000 enseignants avec des sentiments divers et variés : la « boule au ventre » des plus petits, le regret de la fin des vacances mais le plaisir de retrouver les copains pour les collégiens ou l’angoisse des élèves de Première face à la réforme du lycée apparaissant pour certains comme une équation à plusieurs inconnues qu’ils auront du mal à résoudre…

Mais comme chaque année, il y a toujours les mêmes interrogations qui ressurgissent : cette rentrée connaitra-t ’elle des « couacs comme les années précédentes ? C’est certainement la question que s’est posée le ministre en exercice : Jean-Michel Blanquer, d’autant plus qu’il aura connu une grande zone de turbulence au moment des épreuves du bac : on se souvient de la « grève des notes » de certains correcteurs zélés et surtout réfractaires aux idées trop réformistes de leur ministre de tutelle au point de léser un grand nombre de candidats….

Jusqu’à présent, le Ministre Blanquer, longtemps considéré comme « le bon élève » du gouvernement, voire comme « le meilleur de sa génération » pour ce type de job, comme l’affirme l’opposant François Baroin (bon, c’est son meilleur copain), avec cette rébellion inattendue, il aura alors connu une réelle période de flottement, se voyant gentiment dévisser dans le baromètre de la popularité….

C’est vrai que le job en question n’est pas facile et la plupart de ses illustres prédécesseurs se sont souvent cassé les dents en voulant bousculer la « vénérable institution » avec brutalité comme ce fut le cas pour Claude Allègre ou avec de bonnes intentions initiales mais qui n’ont pas porté leurs fruits : à l’instar des Jospin, Bayrou, Lang, Chatel ou Vallaud-Belkacem….

Être ministre de l’éducation nationale, c’est se trouver à la tête d’une grande maison mais dont les dépenses pour son bon fonctionnement représentent 137 milliards d’euros, dont 96 milliards pour le seul enseignement scolaire, soit 6 % de notre PIB. C’est également être l’interlocuteur permanent avec les organisations syndicales qui restent très influentes au sein même du ministère.

Cela ne fait pas peur à Jean-Michel Blanquer, 55 ans, ancien recteur de l’Académie de Créteil et qui se veut être un homme de dialogue mais également en charge de faire enfin bouger les lignes : ce qu’il a fait depuis deux ans en lançant de vastes chantiers : la réforme du bac en profondeur, voulant faire de l’ancien « sésame » à l’enseignement supérieur, hérité du XIXe siècle, une forme de validation des acquis basée sur un contrôle continu plus en adéquation avec ses équivalents dans les pays voisins.

Les enseignants craignant que le mix « bachotage-contrôle continu » alourdissent le programme tandis que les élèves de première qui essuient les plâtres d’une réforme qui les transforment en cobaye dans un laboratoire ….

Mais la fibre réformiste du ministre ne se limite pas au seul bac : d’autres mesures comme le dédoublement des classes en zone sensible, le renforcement de la laïcité, le retour de l’instruction civique, les petits déjeuners gratuits dans les cantines des établissements en ZEP ?  la lutte pour une prise de conscience environnementale ou encore l’éradication des violences scolaires restent des marqueurs forts….

 

Jean-Michel Blanquer, dont personne ne conteste le sens du dialogue, a cependant été accusé par les syndicats de vouloir « passer en force », les évènements du bac l’ont amené à « préparer une rentrée dans l’apaisement », du moins l’affirme-t ’il dans les médias…

En effet, le ministre issu d’une famille d’Hispano-Pieds noirs qui connut le déracinement en arrivant dans une France métropolitaine parfois hostile voit en l’école la chance pour tout élève de bénéficier de la méritocratie républicaine qu’elle offre. Lui-même se place dans la lignée d’un Jean Zay, ministre de l’éducation du Front Populaire et surtout grand réformateur, alors que ses adversaires le rangent plutôt dans la catégorie d’un Claude Allègre qui voulait « dégraisser le mammouth » tout en comprenant le malaise de certains enseignants sur le « manque de reconnaissance » à leur endroit….

A n’en pas douter, la vérité est certainement entre les deux opinions….

IMPAIR, PASSE ET GAGNE (EDITO DU 10 SEPTEMBRE)

A l’origine, cette rencontre entre l’équipe de France de Football et celle d’Albanie n’était qu’un match de qualification pour l’Euro 2020. A priori, le suspense était faible concernant le résultat : le champion du Monde en titre (mais 3 e au classement FIFA, derrière la Belgique et le Brésil) ne pouvait que l’emporter largement face à son adversaire du jour pointant à la 64 e place et affichant un palmarès plutôt modeste……

Généralement, ces matches de qualification sont ennuyeux ou manquent de rythme n’étant que des prétextes à des combinaisons arithmétiques pour être bien classé afin de pouvoir mieux progresser dans la compétition.

Mais ce jour-là, avant même le début de la rencontre, une énorme « boulette » des organisateurs a failli tourner à l’incident diplomatique : au moment du retentissement des hymnes, celui d' Andorre a été joué à la place de l’Albanais… provoquant la stupéfaction de ses joueurs, de leur entraineur Italien et les sifflets des supporters sans oublier gêne visible des Français…….

C’était clair, les Albanais ne pouvaient commencer la partie sans une réparation immédiate de cet outrage. Mais une deuxième boulette s’invita dans la partie lorsque le Speaker du stade s'excusa auprès « des joueurs d’Arménie ». La goutte d’eau qui faisait déjà déborder un verre rempli a ras bord....

Panique au stade avec en prime, quelques grands moments de solitude mais le psychodrame a finalement trouvé fin avec l’intervention des entraineurs, du Président de la FFF, Noel le Graet puis du Président de la République auprès de l’ambassadeur présent et qui à finit par concéder que l’erreur était humaine….

Finalement, l’honneur des Albanais a été lavé bien qu’il ait finalement perdu 4 à 1 mais ça, c’était déjà plus prévisible…. On a également connu les raisons du couac : une confusion dans l’envoi de fichiers MP3 concernant les hymnes à jouer pour les prochaines rencontres : celle contre l’Albanie précédait l’Andorre mais dont la ressemblance de dénomination pouvait prêter à confusion. Ce qui arriva, inconvénient du direct comme on dit à la télé....

Digne d’être présent dans les futurs bêtisiers, l’incident a finalement été clos avec une note humoristique de l’Ambassadeur : « la fois prochaine, vous n’aurez qu’à jouer l’hymne albanais » …relevant d’un côté bon enfant et plutôt tolérant.

Une des vertus du Football, même si elle est involontaire est de faire de la géopolitique sans le savoir : elle met en exergue une Albanie, « le pays des Aigles » grand comme la Belgique, peuplée de trois millions d’habitants mais avec une diaspora deux fois plus importante dans le monde.

 Aujourd’hui pays démocratique, bon élève au niveau économique et qui aimerait bien rentrer dans l’UE mais qui fut naguère un des pays les plus fermés du monde, dirigé par un dictateur communiste en rupture avec Staline puis Mao, Enver Hoxha, ancien professeur de Français qui faisait vivre son pays en « totale autarcie » et dont la mort naturelle entraina la chute de ce régime despotique…..Ce changement de cap méritait bien un hymne respecté, hi, hi, hi !

L'ETAGE DES VULNERABLES (EDITO DU 17 SEPTEMBRE)

 

Ce vendredi 13 n’a pas porté chance à Patrick Balkany, 71 ans, maire de Levallois-Perret et habitué aux demeures cossues des Antilles ou de Normandie : le voilà à présent locataire d’un 9 m2. Non ce n’est pas une chambre du CROUS mais une cellule de la Prison de la Santé qui fait suite à sa condamnation par le TGI de Paris à quatre ans de prison ferme pour fraude fiscale accompagné de dix ans d’inégibilité Une première dans l’histoire judiciaire : être condamné pour fraude fiscale avec mandat de dépôt, a fait pester son avocat, le très médiatique Éric Dupond-Moretti, pourtant surnommé « acquitator » mais qui cette fois ci n’a pu empêcher son bon client de passer par la « case prison » ….

Certains se posent la question : pourquoi lui et pas le bon docteur Cahuzac, auteur d’un méfait similaire et qui avait fait un parjure devant les députés de la nation en niant les faits reprochés à contrario de son client et de son épouse Isabelle, également condamnée mais à trois ans mais sans mandat de dépôt ?  Selon les magistrats, le montant de la fraude estimée (plus de 4.7 millions d’euros) est cinq fois plus important que celle constatée chez l’ancienne « valeur sûre » de la gauche….

D’autres y ont vu une humiliation inutile et la volonté des magistrats de « faire un exemple » afin de mettre un terme aux exactions et autres provocations d’un « politicien roublard » de l’ancien monde où l’impunité était monnaie courante, jusqu’à alimenter le fameux « tous pourris » fréquemment entendu au « café du commerce » ….

Mais on le sait, Patrick Balkany n’est cependant pas le premier élu à se retrouver derrière les barreaux, avant lui les Alain Carignon, Jean-Michel Boucheron, Jacques Médecin, Gérard Dallongeville ou bien sûr Bernard Tapie ont passé parfois de longues nuits voire des années derrière les barreaux. Grandeur et décadence, diront certains….

Il n’est pas non plus le premier à rejoindre « l’étage des vulnérables » ce quartier pénitentiaire naguère surnommé « le quartier des VIP », celui habité par des politiques, des grands patrons ou des flics qui sont mis à l’écart des autres détenus afin d’éviter d’éventuelles représailles de ces derniers…

Ce séjour en prison largement médiatisé pourrait être provisoire car interrompu par la décision en appel de ses avocats, du moins jusqu’au second volet du procès qui touche Patrick Balkany concernant la corruption et blanchissement dans lesquels le maire de Levallois encourt jusqu’à sept ans de prison….

Pendant ce temps, la mairie de Levallois est administrée par…Isabelle Balkany, qui en sa qualité de première adjointe assure l’intérim malgré sa condamnation, claironnant haut et fort que son mari sera candidat en 2020.

Les Balkany n’ont cessé de marteler que la justice veut faire un exemple et que seul compte le suffrage universel et la volonté des Levalloisiens de continuer ou pas une aventure qui a débuté en 1983, lorsqu’un grand gaillard de 35 ans, actif militant RPR a mis fin à des décennies de « communisme municipal » et qui a transformé une cité ouvrière avec ses friches en une ville résidentielle et huppée, toutefois une des plus endettées de France…

Les électeurs l’ont malgré tout souvent plébiscité, sauf en 1995 ou leur maire avait été battu par un jeune loup de son camp, pour donner suite à ses premiers démêlés judiciaires (qui précédaient tant d’autres) pour finalement prendre sa revanche six ans plus tard et ne plus quitter son fief, malgré une épée de Damoclès qui a finit par lui tomber sur la tête…

« J’ai de la peine pour lui » a déploré son ex « petit frère », Nicolas Sarkozy, fils d’émigré Hongrois comme lui et qui fit également partie de ses « cadets de la droite » qui prirent des mairies « à la hussarde » comme ce fut son cas à Neuilly sur Seine, ville natale de Balkany avant de gravir tous les échelons comme on sait puis de connaitre à présent des déboires judiciaires…. Mais il semblerait que le maire de Levallois peut craindre que la « roue a tourné » pour lui, que le « showman » qu’il est, gouailleur, sympathique et pratiquant un clientélisme bon teint n’a plus la baraka comme naguère, à moins que son avocat trouve la « faille » pour le sortir de son 9 m2 et retrouver la ville qui l’a fait roi et ou certains de ses sujets affirment  avec malice « que c’est un très bon maire, même si c’est un escroc »… Ah, les délices du suffrage universel et ses contradictions……

ON A RECOULE LE TITANIC (EDITO DU 24 SEPTEMBRE)

Avril 1912 : Le RMS Titanic, considéré comme le plus « beau et le plus grand paquebot du monde et totalement insubmersible » quitte le port de Southampton (Angleterre) pour rallier celui de New York qu’il n’atteindra jamais, victime d’une effroyable tragédie qui coûtera la vie à plus de 1500 passagers : après avoir percuté un iceberg, le palace flottant connaitra une longue agonie avant de disparaitre sous les flots. 

C’est la compagnie Thomas Cook qui avait vendu les billets pour ce voyage inaugural . Cent sept ans après, c’est elle qui vient de connaitre un naufrage tout aussi funeste dans la nuit du 22 au 23 septembre 2019. C’est le PDG du groupe, l’Allemand Peter Fankhauser qui a annoncé la faillite de la plus vieille entreprise de tourisme du monde, fondée en 1841 et qu’on pensait à l’abri d’une telle déroute.

Le dirigeant du groupe a tenu à faire ce communiqué lui-même, assumant ses responsabilités et a tenu à présenter ses excuses auprès des 22 000 collaborateurs (qui vont perdre leurs emplois), des hôteliers, des compagnies aériennes et bien sûr des 600 000 touristes qui se retrouvent sur le carreau qu’il faudra rapatrier pour beaucoup et rembourser pour certains qui espéraient partir….

La mise en faillite n’étant pas officiellement actée, il sera possible de mener à bien cette « vaste opération de rapatriement » la plus importante depuis la seconde guerre mondiale : les chiffres donnent le tournis : 150 000 britanniques et 10 000 français devraient retrouver leurs pays d’origine dans les plus brefs délais, grâce aux moyens mis en œuvre par les gouvernements concernés.

Mais les faits sont là : comment une entreprise presque bicentenaire, avec ses 2600 agences de voyage, ses 33 voyagistes, ses filiales dans 15 pays, ses nombreux hôtels et sa flotte de 90 avions a-t ’elle put boire la « tasse » ?

On assiste actuellement aux difficultés des compagnies aériennes low-costs, dont plusieurs sont à présent menacées de disparaître et qui avaient vu le jour, il y a un peu plus de 30 ans, après le dérèglement du transport aérien, dont elles avaient pleinement profité, narguant les compagnies traditionnelles pour finalement se retrouver tels des crocodiles s’entredévorant dans le même marigot….

Mais pour la vénérable Dame Cook, la donne était différente : elle est à l’origine de la plupart des inventions de l’industrie touristique, toujours là et au bon moment : elle créa les premiers voyages organisés à travers l’Europe, ceux que l’on découvre dans les romans d’Agatha Christie, pour ensuite s’attaquer à l’Amérique sans oublier la première croisière sur le Nil en 1869 ou encore l’acheminement vers l’inauguration du Canal de Suez, permettant de décloisonner les continents si lointains à l’époque…

Au fur et à mesure que le tourisme se démocratisait (très lentement mais sûrement), Cook inventa les coupons-hôtels, puis les lettres de créance (ancêtre des chèques-voyage), la diffusion de catalogues des excursions, la vente des premiers billets d’avion et bien plus tard, en devenant le précurseur des ventes de prestations en ligne….

Mais toutes les belles histoires ont une fin et la suprématie de Cook a été grignotée par l’arrivée de concurrents profitant du développement d’un « tourisme de masse » qui a connu une croissance exponentielle ces dernières années provenant en partie de pays naguère très fermés (la Chine par exemple), et les belles idées d’hier n’ont plus suffi, obligeant chacun à s’internationaliser, à trouver de nouveaux capitaux pour continuer à survivre dans cette concurrence féroce : c’est l’époque des investissements, avec les fusions finalement hasardeuses avec d’anciens concurrents, c’est la concurrence du Numérique qui a complètement changé la mentalité des consommateurs, zappant les voyages a forfait et devenant, du fait des comparatifs proposés sur la toile, leur propre « concepteur », sans oublier les incertitudes liés au Brexit pour des touristes inquiets de ces répercussions…..

En fait, cela s’est traduit par l’endettement assuré avec le risque de retour sur investissement devenu quasi-nul, et du fait dudit endettement, la prise de pouvoir des Créanciers qui veulent récupérer leurs mises et le cercle devient vicieux puis fatal : alors pourquoi encore injecter de « l’argent frais » dans un modèle économique dépassé ?

Mais tout le monde ne désespère pas, en témoigne la volonté de la filiale française de Cook, qui a demandé à être mise « en règlement judiciaire » afin de pouvoir peut-être repartir sur de bonnes bases. Pourquoi pas, en attendant, bon voyage au bout de la nuit….

LES MILLE SOURCES (EDITO DU 30 SEPTEMBRE)

En 1977, Jacques Chirac, « en réserve de la république » entreprit de rédiger son autobiographie avec la complicité de Marcel Jullian, éditeur, scénariste et ancien patron d’Antenne 2. Les deux hommes se mirent au travail et pourtant le livre ne fut jamais publié car jugé trop « politiquement incorrect » par l’entourage du futur chef de l’Etat.

L’ouvrage voué à rester à jamais au placard s’appelait « les Mille Sources » : autre nom du Plateau de Millevaches, au cœur du Limousin, considéré comme « le château d’eau » de la France, du fait des nombreuses tourbières, lacs et des rivières comme la Creuse et la Vézère qui composent ce pays montagnard rude mais si chaleureux. Le titre avait été choisi par Jacques Chirac lui-même, comme pour rendre un hommage à cette terre qui était devenue son fief électoral et surtout la terre de ses ancêtres….

Ce retour aux « sources » avait pour dessein de mettre en lumière une autre facette de la personnalité de l’homme politique. A l’époque, l’ancien premier ministre de Valery Giscard d’Estaing apparaissait comme un homme pressé, débordant autant d’énergie que d’ambition, une sorte de jeune « loup aux dents longues » que rien n’arrêtait : à commencer par la prise de l’hôtel de ville de Paris qui ne constituait qu’une étape parmi tant d’autres pour arriver à ses fins : être calife à la place du calife….

Un homme parfois brutal, un vrai bulldozer, comme le surnommait son mentor Georges Pompidou, du fait de sa formidable puissance de travail, un coureur de jupons invétéré (« cinq minutes douche comprise » ironisait-on dans les cercles bien informés), un amateur de bonne bouffe et de bière, aux plaisirs simples et surtout un « chef dans l’âme » qui créa de toute pièce, sa machine de guerre « le RPR » force de frappe pour neutraliser les barons giscardiens et surtout pour prendre le leadership de la majorité de l’époque…

Mais il y avait, un autre homme, totalement différent en Corrèze, comme s’il y avait un Chirac des Villes et un autre des Champs, toujours à l’écoute de tous, des humbles comme des notables, serrant des paluches, labourant sa circonscription naguère acquise à la gauche radicale cassoulet voire communiste et qu’il avait su faire chavirer….

Le mystère Chirac s’est peu à peu dissipé, laissant apparaître un homme plus complexe que l’image qu’il diffusait : on découvrit un homme de culture, amateur d’art et de civilisation lointaine, pudique (notamment sur ses drames familiaux) et surtout la confirmation d’un véritable « animal politique » qui connaîtra autant d’échecs cuisants que de réussites éclatantes comme celle d’arriver au sommet de l’état….

Dans son irrésistible ascension, on cherchera la « femme », celle-ci légitime, qu’il rencontra sur les bancs de Sciences po et qui partagera tout le reste son existence, témoin des bons comme des mauvais jours, son épouse Bernadette et qui constitue indéniablement la clé de voûte de son chemin de vie….

Comme on a pu le constater avec un (peu) de surprise, sa disparition a causé une émotion d’une ampleur considérable, digne d’un « Père de la nation » ou d’une « Rock Star », chacun avait des confidences émues sur son « Chirac » comme d’autres l’avaient eu sur leur « Johnny » ….

On a beaucoup entendu les qualificatifs à l’adresse du défunt : « Proche des gens », « sympathique », « Humain », « gentil », etc…. Pas une fausse note, pas même de la part de ses pires ennemis, chacun a tenu à saluer la mémoire de celui qui est devenu le « président le plus populaire avec le Général de Gaulle ».

D’autres ont tenu à rappeler le précurseur d’une écologie militante « la maison brûle et nous regardons ailleurs », celui qui avait tenu tête au vieil allié américain à propos de la guerre en Irak, ou le témoin avant l’heure de l’émergence de deux France : celle qui va bien et celle de « la fracture sociale ».

Moment de recueillement oblige, l’opinion a décidé de faire table rase du passé : les trahisons mortifères (Chaban, Giscard) « les affaires » de la Mairie de Paris, « le bruit et les odeurs », «Malik Oussekine », etc…..sont à ranger aux oubliettes de l’histoire, chacun préférant terminer sur une note positive : un homme politique pragmatique qui avait compris que les français détestaient les réformes (« ils sont conservateurs » soupirait ce rad-soc’ dans l’âme) et qu’ils ne fallait pas les brusquer a contrario de ses successeurs, mais avec pour conséquence  d’engendrer un immobilisme préjudiciable……

Le chagrin des Français peut enfin s’expliquer par la nostalgie d’une époque révolue dont l’ancien Président était l’incarnation, avec ses us et coutumes : la vie politique était faite de clivage droite-gauche, d’une vision politique versatile, de labourage de terrain électoral, de kermesse frite-saucisses, de copinage, de tape dans le dos des électeurs ou sur le « cul des vaches » qui contrastent avec la nouvelle, curieusement issu de de la volonté de dégagisme des mêmes électeurs et qui se veut plus transparente , moins terrienne, plus mondialisée et dominée par les réseaux sociaux….

Mais le « Grand » comme on le surnommait, en bon pragmatique qu’il était, n’aurait pas été hostile à ce changement de style, en ajoutant néanmoins quelques ingrédients du passé pour assaisonner les nouveaux mets de la cuisine électorale du vingt et unième siècle….

Enfin, sa marionnette des « Guignols » qui lui profita quelque peu au moment de sa relative, traversée du désert aurait certainement rajouté pour saluer l’artiste « le spectacle continue », c’est la meilleure façon d’espérer que les « Mille sources » ne tarissent jamais……