QUAND JE SERAI GRAND JE DEVIENDRAI MINISTRE DE L'INTERIEUR (EDITO DU 8 OCTOBRE)
On imagine les parents demandant à leur enfant : « que veux-tu faire plus tard ? » et lui de répondre du tac au tac : « je veux être Ministre de l’Intérieur ». Stupéfaction et inquiétude simultanée des braves géniteurs : « Mais c’est un travail précaire et ingrat ! Tu veux finir comme Sarkozy ou Valls ? ».
Trêve de boutade, cette réaction parentale négative n’est pas complètement dénuée de bon sens même si ce portefeuille ministériel demeure un des plus prestigieux de la République et fait de son titulaire, sinon un ministre d’Etat, au moins un sérieux postulant pour accéder à des fonctions encore plus honorifiques, il fait cependant de vous une personnalité toujours sur la brèche et surtout sur la « sellette » au gré d’une actualité souvent frénétique….
C’est ce qu’a dû penser Christophe Castaner quand il a accepté le job, lui le « marcheur de la première heure » comme l’était son prédécesseur Gérard Collomb. Né dans le Var, ayant grandi dans la région de Manosque, l’actuel « premier flic de France » savait que la fonction ne consistait pas uniquement à décerner des Légions d’Honneur à titre posthume mais également d’être la cible de nombreux détracteurs quoi que vous fassiez, en bien ou en mal.
Jugé trop laxiste pour les uns, trop répressif pour les autres, le locataire de la Place Beauvau ne bénéficie que très rarement de jugements modérés voire bienveillants de la part de l’opinion publique….Ses seuls alliés sont souvent ses prédécesseurs qui ont connu les mêmes grands moments de solitude….
En ce qui concerne Christophe Castaner, à peine nommé, il était déjà sujet à des procès d’intention : « le costume est trop large pour lui » entendait-on dans les couloirs du « tout-politique » c’est pourquoi que l’on lui a adjoint un « technicien » Laurent Nunez , murmurait-on dans les mêmes couloirs….
La première année remplie d’ évènements aussi inattendus qu’anxiogènes ne lui auront pas facilité la tâche : l’interminable feuilleton des « Gilets Jaunes », et les manifs violentes qui en découlèrent, la « grogne et le blues des policiers » au bord de l’épuisement et maintenant la « tragédie de la préfecture de Police » ont renforcé ses détracteurs dans leur conviction que le Ministre n’était pas à la hauteur de la tâche, parlant souvent imprudemment et n’agissant avec une forme d’amateurisme qui finit par causer des dégâts conséquents….
Mais au fait qui sont ses détracteurs ? Éric Ciotti, dont les compétences en sécurité sont bien connues qui tel Lucky Luke dégaine plus vite que son ombre pour « exiger la démission du Ministre » et qui dénonce « un scandale d’état » ou encore Marine Le Pen, également « habituée à gérer les situations de crise », sans oublier Nadine Morano et Nicolas Dupont-Aignan et la ronde des « professionnels de l’indignation » qui font vibrer le Landerneau Politico-Médiatique ?
Bien que soutenu par le Président et le Premier Ministre, Christophe Castaner est cependant dans une situation très inconfortable et son emploi du temps actuel est plombé par ses différentes convocations sur l’affaire de la « Préfecture de Police : huis clos à l’assemblée, devant les Sénateurs, etc…. Et à sa capacité à répondre sur les raisons des « failles » survenues au sein de la maison gardienne du temple du Secret défense et des renseignements qui n’a pas su capter la dérive « radicale » d’un de ses agents l’amenant à cet acte de barbarie sont scrutés à la loupe par tous les observateurs ou autres présidents de commission tatillons…
Il est bien sûr responsable de « fait », au vu de sa fonction mais l’est-il vraiment sur le fond, le problème étant bien antérieur à sa prise de fonction et le statut particulier de l’établissement, véritable « Etat dans l’Etat », où les choses sont connues mais souvent tues par peur de faire « des vagues », par la lourdeur administrative et par la crainte pour tout fonctionnaire d’avoir son avancement bloqué, ce qui ne facilite pas la tâche du locataire de la Place Beauvau.
Le ministre a promis « cela ne se reproduit plus », des enquêtes internes seront diligentées, avec la délicate question de trouver un équilibre entre « délation » et de « lancement d’alerte » concernant les « brebis galeuses » et la mise en « lumière de ces failles « seront discutées sur les bancs du « Palais Bourbon ». Cela suffira-t ’il à sauver le soldat « Castaner » comme on le lit dans la presse ?
Rien n’est sûr tant l’image du ministre est écornée : certains voient en lui un ancien militant Socialiste zélé qui par opportunisme à rejoint le camp Macroniste mais oublient de dire qu’il s’est sabordé aux régionales de 2015 pour permettre la victoire de son adversaire Estrosi afin d’empêcher Marion Maréchal de prendre la région PACA, d’autres le décrivent comme un ancien ado déscolarisé « joueur de poker » qui fricotait avec la pègre Basse-Alpine et qui écume à présent les boites au lieu de faire son travail, sorte de Vidocq du XXI e siècle mais en oubliant que l’homme a repris ses études puis occuper plusieurs fonctions dans différents cabinets ministériels puis de gagner ses galons de député et maire de Forcalquier….
En attendant des jours meilleurs, le locataire de la Place Beauvau va essayer de « tenir » jusqu’aux municipales où il pourrait peut-être retrouver la tentation de Forcalquier, le « pays bleu » cher à Giono, bien loin des tumultes parisiens ou il redeviendrait un « hussard sur le toit » snobant la peste médiatico-politique mais là seul notre homme a une idée sur la question……
RETOUR DU PRINTEMPS A CARTHAGE (EDITO DU 15 OCTOBRE)
A 61 ans, l’universitaire retraité Kais Saied est devenu le deuxième président de la République Tunisienne élu démocratiquement. C'était dimanche dernier, lors du second tour de l'élection présidentielle....
Favori depuis le début de la campagne, cet homme à l’allure ascétique comme le souligne les observateurs les plus avisés et qui ne provient d’aucun appareil politique traditionnel a très largement battu un autre outsider « hors système » le très sulfureux Nabil Karoui, 56 ans, magnat des médias que certains surnomme « le Berlusconi Tunisien » (on suppose que ce n’est pas un compliment) : avec près de 72 % des suffrages exprimés, le score est sans appel mais qui peut donner un sentiment d’amertume au perdant qui n’a pas vraiment pu faire campagne, car libéré de prison in extrémis, où il purgeait une peine pour évasion fiscale et blanchissement d’argent…. !
L’élection a été provoquée par le décès du président sortant, Caïd Essebsi, un vieux routier de la politique tunisienne, puisqu’ il avait été un témoin privilégié des premiers pays de l’Etat Tunisien indépendant en 1956 sous la houlette d’Habib Bourguiba….
La principale inconnue du scrutin résidait dans sa bonne tenue : pas de bourrage d’urne, d’intimidations ou tout autre tentative de manœuvre frauduleuse et le résultat a plutôt été encourageant : les partis traditionnels ont été balayés laissant la place à deux outsiders, des débats télévisés ont été organisés, ce qui est une première dans le monde arabe et les observateurs occidentaux n’ont pas dû faire pression sur d’éventuelles irrégularités dans les bureaux de vote…
Ceci a quelque chose de rassurant et confirme le rôle particulier de la Tunisie au cœur de l’Afrique du Nord : n’oublions qu’en 2010-2011, elle fut l’instigatrice du « Printemps arabe », né d’un fait-divers tragique : le suicide par immolation d’un vendeur des quatre saisons qui avait fini par embraser tout le pays contre un système despotique, népotique et complètement corrompu avec à sa tête, Zine Abel sine Ben Ali, que les mauvaises langues surnommaient « bac moins trois » qui avait pourtant chassé du pouvoir le très sénile Bourguiba, victime d’un « coup d’état médical » et promettant des jours meilleurs à un peuple libéré : on connait la suite : Brutus est devenu bien pire que César….
La Tunisie est finalement le seul pays a avoir réussi son « printemps », mais non sans difficultés : les évènements de 2011, n’auront pas complètement été « une révolution de jasmin » : plus de 350 morts e plus de 2 700 blessés, une tentative de déstabilisation du fragile processus démocratique, avec les attentats du Musée du Bardo, amenant une chute sensible du tourisme, une des forces de frappe d’un pays qui avait également réussi dans le passé, à devenir un des pays les plus compétitifs du continent africain : avec une économie diversifiée, un potentiel naturel important et une main d’œuvre compétente… Bref, un pays en voie de rejoindre « les émergents » avec un système éducatif performant et où la femme joue un rôle moins mineur que chez ses voisins….
Mais il existe quand même deux Tunisie : l’une des villes, occidentalisé, éduqué et une autre des champs, plus agricole et plus sensible aux traditions. En outre le « dégagisme » de 2011 n’a pas produit que des choses bénéfiques pour la population : une hausse des prix brutale, une poussée de la précarité, une farouche volonté d’exil, parfois tragiques (« les migrants ») des plus déshérités mais également le taux de chômage endémique qui touche même les plus diplômés, d’où le risque inexorable de « fuite des cerveaux » …
C’est cette équation à plusieurs inconnues que devra résoudre, le nouvel élu Saied, un homme que l’on dit conservateur, peu ouvert aux questions sociétales et dont on ne connait pas vraiment les intentions et surtout sa marge de manœuvre qui laisse dubitatif certains observateurs.
Cet homme austère mais dont la grande majorité des électeurs s’est reconnue, qui parle un arabe littéraire tout en étant parfaitement francophone devra habilement jouer ce qui fait une des forces de cet ancien protectorat français, un pays du monde arabe mais qui ne demande qu’a jouer les traits d’union entre sa terre natale et l’Occident, et qui sera hermétique à toute tentative d’obscurantisme, du moins l’espere-t’on…….
LAGRIMAS DE SANGRE (EDITO DU 23 OCTOBRE)
« Le Chili est une Oasis de prospérité et de stabilité politique dans cette région agitée qu’est l’Amérique Latine » se vantait, il y a encore peu, celui qui préside ce pays de 18 millions d’habitants depuis 2018, Sebastian Pinera ….
Mais son optimisme triomphant a vite été contrarié par les récents évènements qui ont pris une tournure tragique se transformant en un incendie que l’on arrive pas à maitriser : depuis une semaine, ce pays sud-américain à la géographie si particulière, se composant d’un interminable et étroit corridor s’étirant de la frontière du Pérou au Cap Horn avec comme centre névralgique sa capitale Santiago du Chili connait des journées d’émeutes d’une rare violence, de spectacles désolants de guérilla urbaine, de pillages nombreux qui ont déjà couté la vie à une quinzaine de personnes, provoquer des milliers d’arrestations et surtout rendu un exécutif complètement dépassé par les évènements…
A l’origine de ce mouvement inattendu, la décision du gouvernement d’augmenter le tarif du ticket de métro de quelques pesos. Mesure anodine, pourrait-on penser mais c’est indéniablement la « goutte d’eau » qui a complètement fait déborder le vase… Une forme d’exaspération de la « rue » comme on dit, cette rue composée des petites gens qui se sentent exclus d’un système économique qui profite à une poignée d’individus contre eux qui représentent une grande majorité victime d’une inégalité sociale de plus en plus importante et devenue insupportable.
Le Chili, comme le pense Mr Pinera est un pays prospère avec un taux de croissance qui nous faisait pâlir d’envie et qui affiche un niveau de vie par habitant très supérieure à celui de ses voisins mais c’est aussi une nation où 1 % de la population détient plus du quart des richesses.
Le Chef de l’Etat fait partie de ceux-là : issus d’une famille de notables originaires d’Espagne, il a fait ses études au Chili et en Belgique, où son père était ambassadeur. Devenu économiste, il s’est lancé dans les affaires et a fait fortune. Milliardaire, on le surnomme le « Berlusconi Chilien » : il a su faire prospérer ses affaires tout en se lançant dans l’arène politique qui l’a amené à devenir Sénateur puis Président de la république par deux fois au cours de la dernière décennie….
Cet homme clairement à droite a mis fin à près de trente ans de politique de « Centre Gauche » et à continuer une politique d’essence libérale entamée depuis les années 70, inspirée par l’Ecole de Chicago et que mit en place la Junte dirigée par le Général Pinochet comme pour marquer une rupture avec le Socialisme jugé néfaste du Docteur Allende.
La dictature sanglante est tombée en 1990 mais le sirop libéral a continué à enivrer les rouages d’une économie Chilienne, première exportateur mondial de cuivre, à l’agriculture performante et à l’émergence d’une classe moyenne mais comme nous l’avons dit l’écart de richesse entre les plus riches et les plus modestes n’a cessé de s’agrandir, devenant même un des plus développés du monde mais depuis peu, on a pu constater un essoufflement du taux de croissance….
Avec ses évènements récents, on serait tenté de faire le parallèle avec notre conflit franco-français des « Gilets jaunes » qui a également perturbé autant qu’il a surpris un exécutif désemparé face à cette bronca populaire, d’abord pacifique puis de plus en plus violent. Malgré le rétropédalage de Mr Pinera : le retrait de la mesure qui avait mis le « feu aux poudres », rien y a fait car la difficulté à éteindre l’incendie face à ce que l’on peut appeler une « armée des ombres » : spontanée, n’ayant plus rien à perdre, sans chef, sans porte-parole est bien plus compliqué à résoudre qu’un conflit social de jadis avec ses codes bien déterminés. Les manifestants d’aujourd’hui, dont beaucoup sont jeunes et nourris aux réseaux sociaux qui sont les vitrines de leurs revendications et surtout de la fédération de tous les mécontentements trop souvent enfouis chez chacun…
La violence des affrontements et leur bilan tragique a fait dire à Mr Pinera que le « pays était en état de guerre », le couvre-feu a été décrété et c’est surtout l’armée qui a pris le contrôle de la situation à la place de la Police et des Carabiniers. Les images auxquelles nous avons assisté sur les chaines d’info nous ont fait repenser à un certain 11 septembre, mais en 1973 quand la Junte a pris le pouvoir.
Mais heureusement, la donne est différente aujourd’hui : c’est le dialogue qui doit primer et s’il veut sortir indemne de ce conflit, le chef de l’état doit continuer à instaurer le dialogue avec tous les acteurs de la société civile Chilienne : après son « Mea Culpa » et sa volonté de changer de ton : ses premiers mots ont été vers « plus de justice sociale », et de sortir du « carcan libéral » avec l’annonce de mesures concrètes : augmentation du minimum Retraite et gel d’augmentation des taxes comme celle de l’électricité….
Cela sera-t ’il suffisant. Rien n’est moins sûr mais un premier pas est fait et le Néolibéral d’hier, s’il veut éviter de nouvelles « larmes de sang » doit continuer à lâcher du lest afin d’éradiquer de nouvelles fractures sociales qui pourrait générer s’avérer encore plus funestes qu’aujourd’hui……
LA VINGT CINQUIEME HEURE (EDITO DU 30 OCTOBRE)
28 mars1976 : Toute la France adopte le changement d’heure. Toute ? non, sauf une commune Bretonne située au cœur de la Mer d’Iroise : Molène, cette île que « l’on rejoint en voyant sa peine », comme dit le dicton mais aussi où on ne voit pas la peine de « changer d’heure » et qui refuse donc d’appliquer cette décision voulue par des « messieurs du Continent ».
Depuis des siècles, cette île de marins vivait à l’heure solaire et cela lui convenait parfaitement et en bon insulaire, c’était à ceux qui venaient chez eux, passants ou touristes de s’adapter, rien de plus….
28 octobre 2019 : La France continue à changer d’heure mais peut-être pour la dernière fois, comme l’on décidé les instances européennes après une vague de consultations auprès des citoyens de l’Union sur sa continuité ou pas. Ensuite, notre beau pays pourra revenir à une heure fixe, soit d’hiver soit d’été. Il semblerait que la deuxième option l’emporte sur la première….
Rester à l’heure d’été permettrait par exemple au soleil de se lever le 21 juin à 5h50 pour se coucher à 21h35 tandis que le 21 décembre, il ferait la grasse matinée en se levant à 9H20 pour se coucher à 18h00…
Demeurer à l’heure d’hiver, avancerait donc d’une heure toutes les horloges d’une heure sur les indications précédentes. Comme toujours, il y aura des détracteurs et des inconditionnels à ce type de mesures…du temps.
C’est le Choc pétrolier de 1973 qui avait amené notre pays, imité par la suite, dans les années 90 par la majorité de ses voisins à adopter le changement d’heure afin de faire des « économies d’énergie ». La mesure devait être à l’origine provisoire (adage bien français : le provisoire qui dure) mais ne constituait pas vraiment une « première », déjà au XVIII è siècle on préconisait cette mesure dans le même dessein de faire des économies… Plusieurs fois au XIX e siècle et jusqu’à l’orée de la guerre de 14-18, elle fut appliquée avant d’être abandonnée….
Le retour au changement d’heure réapparut donc en 1976, les médias jouèrent un grand rôle pour en faire sa promotion et vanter ses vertus en se mélangeant parfois les pinceaux pour expliquer s’il fallait reculer ou avancer sa montre en fonction du changement d’heure : « je n’y comprends rien » avouait même le cultissime Roger Gicquel qui exhortait cependant ses nombreux téléspectateurs à éteindre en direct toute lampe inutilement allumée afin de constater les effets immédiats sur les compteurs EDF….
Les détracteurs du changement d’heure continuent à voir dans une telle mesure, outre son faible impact sur les économies réelles d’énergie, l’émergence d’un sommeil perturbé sur ces changements de cycle : troubles de l’endormissement, de l’appétit, l’humeur ou encore une baisse de la capacité de travail ou encore des troubles hormonaux.
D’autres s’inquiètent sur les personnes vulnérables à ce type de changement : les personnes âgées en premier lieu, au sommet court et aux horaires fixes, aux nourrissons ou encore les personnes hospitalisées subissant alors des troubles d’adaptation….
Alors, une bonne idée ce retour à la « normale » ? Dans un pays où le Président lui-même aspire à être le « maitre des horloges » ? L’avenir nous le dira, cette fois ci les réseaux sociaux prendront le pas sur les médias traditionnels, et quelle que soit l’heure retenue, été ou hiver, un petit parfum de polémique, belle marque de fabrique de notre vieux pays réapparaitra, réfractaire au changement puis l’acceptant, comme ce fut le cas de l’Ile de Molène qui finit par se plier au changement d’heure, à l’exception de son restaurant, digne héritier du syndrome d’Astérix. Par Toutatis…….