MARTEL EN TETE (Edito du 7 juin)

Philippe DUPONT




Au début de la Vème République, Charles de Gaulle aimait faire " la tournée des popotes" au coeur de son "vieux et cher pays": la France. Une expression typiquement militaire pour désigner en fait un Général qui part visiter ses troupes sur le Front afin de pouvoir sonder son moral...

Son lointain successeur, Emmanuel Macron a décidé de se plier à ce genre d'exercice obligé, qu'il avait d'ailleurs inauguré lors du "Grand débat", ce marathon parcouru aux quatre coins de l'Hexagone après la crise des "Gilets Jaunes" quelques temps avant "la Crise Sanitaire".....
Il a choisi le Lot, sympathique département au coeur de la Région Occitanie pour démarrer ce "Tour de France" et où il a reçu un "accueil bon enfant" (..enfin presque...)...


Aussitôt, les Lucky Luke de l'opposition la plus virulente (ceux qui ont tendance à fustiger plus vite que leur ombre) ont dénoncé une énième "opération de Com" du "Président des Riches", du "Premier de Cordée hautain et hors-sol" afin de pouvoir "redorer" un blason des plus ternis auprès de la "France Profonde", d'autres plus modérés y ont décelé avec malice le choix subsconscient du Lot, un département cher à Georges Pompidou qui fut lui- même un élu de la commune Lotoise de Cajarc (et de surcroit, ancien de la "Banque Rothschild" comme l'actuel locataire de l'Elysée)...


D'autres enfin y ont perçu le signe du "mélange des genres": à savoir,  se servir de son statut de "chef d'Etat" pour endosser les habits de "chef de la Majorité qui fait campagne pour les élections régionales et départementales qui s'annoncent (au demeurant peu fameuses pour la Majorité et ses alliés)...

Mais au final, il n'est jamais inutile de vouloir "tâter le poûl" de cette "France d'après", celle post-crise sanitaire qui commence lentement mais sûrement à pointer son nez (pour l'instant, toujours un peu bouché) et où l'actuel Président est en passe d'avoir réussi finalement cette "gestion de la crise" après des débuts, on s'en souvient, plein de couacs et autres cafouillages...


La première étape de ce périple de trois jours l'a d'abord amené à St Cirq Lapopie, le "plus beau village de France" (oh, non !, dirait l'ami Stephane Bern), fièrement vissé sur son éperon rocheux qui toise la rivière , à la "beauté surréaliste" et qui fut justement révélé au grand public par André Breton avant de conquérir le coeur de nos amis Bataves, très présents en ce bijou médiéval...


Emmanuel Macron s'est voulu "porteur de bonnes nouvelles", annonçant un plan ambitieux pour le "Tourisme": ça tombe, bien : ce secteur mis en berne (oh, non !) durant cette crise sanitaire est une des richesses de ce département Occitan, fort de ses nombreux trésors historiques et de son Quercy bucolique, où la qualité de vie, l'acceuil sympathique et la garantie de faire des gueuletons à prix raisonnable constituent des atouts majeurs...même si parfois, certaines touristes frivoles sont parties avec le loup dans les grottes de Rocamadour....


Le Président a également mis en avant le "plan de vaccination pour les jeunes" synonyme selon lui, de la certitude de pouvoir enfin terrasser ce maudit virus et ses non moins diaboliques variants ravageurs...


"Bain de foule", dialogues parfois musclés se sont poursuivis ensuite à Martel, le fief de Patrick Sebastien où les habitants n'étaient forcément serrés comme des sardines puis au chef-lieu à Cahors où aux abords du Pont-Valentré on a quand même entendu résonner quelques "noms d'oiseaux" à l'endroit du premier des Français.....


Malgré tout, ce premier périple s'est relativement bien passé pour un Emmanuel Macron qui ne rechigne pas à plonger dans les "bains de foule", sorte de SAV nécessaire pour chaque dirigeant enfermé dans la solitude du pouvoir mais ce n'est rien d'autre que la genèse d'un long périple à travers un pays plus divisé que jamais et porteur pour lui de certains jours de tempête.


L'imprévisible locataire de l'Elysée sait que son slogan intérieur "de l'audace, encore de l'audace" emprunté à Danton lui a jusqu'à présent porter chance mais en cas d'échec, il pourrait également finir la tête tranchée (mais dans les urnes, cette fois-ci). Aussi, a-t'il laissé plâner le doute sur sa volonté de se représenter, inquiétant certains, en faisant jubiler d'autres...


En attendant, ce voyage à l'intérieur des "Territoires" et probablement des "Quartiers", comme disent les élus "de terrain" et les commentateurs "2.0" reste un exercice salutaire pour un dirigeant se transformant lors de sa tournée en "médecin de campagne" qui "prend la tension" de ses patients Gaulois, amateurs de coups de gueule comme de "selfies" c'est selon l'humeur du jour....

BALLE DE MATCH (Edito du 15 juin)

 

 

Ce n’est pas toujours évident pour la plupart d’entre nous et c’est pour ça qu’il est bon de le rappeler : un match de tennis n’est gagné que lorsque la Balle de Match a été réussie par un des deux joueurs, tout comme un match de Football n’est remporté que lorsque l’arbitre siffle la fin de la partie.

En politique, c’est la même chose : tant que le dernier bulletin de dépouillement n’a pas été comptabilisé, inutile de faire le « V » de la Victoire au risque d’avoir une cruelle désillusion…

Ce dimanche dernier, sur la terre battue de Roland Garros, le « Temple du Tennis » se sont affrontés pendant quatre heures et en plein soleil, le N°1 mondial, le Serbe (mais résident Monégasque) Novak Djokovic et le N°5, le Grec (mais également résident de la Principauté) Stéfanos Tsitsipas.

Un véritable choc des « Titans » entre le Seigneur des Balkans et l’apprenti-dieu de l’Olympe, une éprouvante « bataille de Marathon » qui a d’abord beaucoup profité au second qui réussissait avec insolence tout ce qu’il entreprenait face à un adversaire méconnaissable, qui a frôlé la catastrophe en manquant se tordre la cheville…

La fatigue était certainement une des causes du « passage à vide » du sympathique Novak qui, l’avant-veille, avait eu l’audace de faire mordre la poussière à son éternel rival, le « Taureau de Manacor » au cours de 5 sets autant incertains qu’épuisants…

« El Rey Rafa » a donc perdu sa couronne, lui « le quasi-indéboulonnable Patron sur le Court Philippe Chatrier » face à « un meilleur client que lui pour une fois » devant se contenter (ou pas) de regarder à la TV la première finale sans lui…

Mais on le sait, l’ultime confrontation de ce tournoi est toujours riche en rebondissements et le jeune Grec, qui revêtait pour la première fois les habits du « challenger » sérieux a vu son rêve se briser au troisième set, victime de la « Technique Djoko » ….

Une technique qui va finir par être brevetée par son dépositaire tant elle risque de faire de nombreux émules dans moults domaines : au cœur de la « tourmente » porteuse des germes de la défaite, le Serbe a pu faire un « break » aux vestiaires…le temps de quelques minutes pour revenir avec une nouvelle tenue et surtout des « batteries » rechargées à bloc qui lui ont permis d’inverser la vapeur et de gagner finalement la partie.

Ayant déjà pris la même option lors de sa confrontation avec l’Italien Musetti et qui lui a également porté chance, beaucoup de téléspectateurs sont restés néanmoins intrigués par ce curieux rite, entaché de nombreuses interrogations voire de soupçons…

Pour « Djoko le miraculé » il s’agissait simplement d’intégrer un « sas de décompression », doublé d’une très rapide mise en application de la « Méthode Coué », ce que les commentateurs avisés aiment expliquer pas « Lorsque l’on est cuit, la gestion du Mental reste importante » et le « port symbolique de la nouvelle tenue permet d’exorciser l’ancienne » … Dont acte…

Cette méthode du « vestiaire » est donc un cas d’école : notamment pour ceux qui trouvent interminable la « sortie de crise sanitaire » : il suffit de rester « quelques minutes reconfinés en changeant de masque » puis ressortir pour « humer le bon air de la vie d’avant » et le tour sera joué…

Ou encore un Joe Biden qui pourra s’absenter deux minutes aux toilettes lors de sa confrontation avec Poutine, qui a la sournoise tendance à lui « empoisonner la vie » pour lui décerner tous les noms d’oiseaux possible » : au retour, reprise des bonnes relations diplomatiques garanties…

La même chose pour les électeurs (du moins ceux qui se déplaceront dimanche prochain) qui pourront s’isoler quelques « secondes dans l’isoloir » pour changer le bulletin qu’ils avaient initialement prévu de mettre dans l’urne) …. Les introspections furtives sont parfois à l’origine d’évènements autant inattendus qu’heureux.

 

LE ONZIEME COMMANDEMENT (Edito du 22 juin).

 

En 1963, Gilbert Bécaud aimait passer son « Dimanche à Orly », sur la terrasse de cet aéroport flambant neuf d'où il pouvait voir s’envoler les avions à destination de tous les pays et ce, durant tout l’après-midi : y’avait de quoi rêver…. En 2021, notamment ce dimanche 20 juin, d’autres « millionnaires du dimanche » ont laissé le pain sur la planche…pour tenir un bureau de vote concernant le premier tour des élections régionales et départementales…et là aussi, il y avait de quoi rêver…mais pas pour la même raison…

Entre l’ouverture du bureau à huit heures jusqu’à sa fermeture à vingt heures, on pouvait rêver de voir « plus de monde » mettre un bulletin dans l’urne mais la tendance aura été caractérisée par un flux au « compte-gouttes », avec quelques pics de fréquentation plus proches de la « vaguelette » ( celle provoquée par un pédalo sur une mare aux canards) … qu’un raz de marée que l’on peut constater dans les magasins quand les clients rampent pour trouver la bonne occasion…lors du « Black Friday » ….

Le chiffre de fréquentation est cruel : 33 % ! un des plus faibles taux enregistrés pour ce genre d’élection (locale et mal identifiée par l’électeur moyen) qui d’ordinaire attire environ 45 % des électeurs mais qui n’a cessé de s’effriter depuis deux décennies. Il faut remonter au référendum sur la réforme du septennat (devenu quinquennat) en l’an 2000 pour trouver pire score…

Il est incontestablement devenu le « premier parti de France » : on l’appelle celui des « abstentionnistes », naguère surnommé celui des « pêcheurs à la ligne », les adeptes de « l’élection buissonnière », qui mettent en pratique le « onzième commandement » : « tu ne voteras point » …. Ceux que les irréductibles électeurs (majoritairement très âgés) qualifient de « cancre du devoir civique » ….

Pourtant, ce n’était pas faute d’avoir médiatisé avec insistance ce double scrutin (surtout celui des régionales, qui a discrètement fait passer au second plan celui des départementales), de lui donner en outre une portée nationale, sorte de premier « tremplin » vers la présidentielle qui se profile en 2022, prédisant comme chacun sait, un combat entre le président sortant, Emmanuel Macron et son opposante n°1 : Marine Le Pen….

Dès le dépouillement terminé, on a pu constater que le résultat des urnes (qu’il faut toutefois nuancer au vu du très faible taux de participation) a apporté en fait une tout autre grille de lecture : notamment  avec le bon score de la Droite incarnée par les Républicains et ses anciens alliés, pourtant jugée en perte de vitesse ainsi que celui de la gauche, (dont le pronostic vital était engagé) comme à l’époque antérieure à « l’ère ancienne » (que les géologues font remonter à une période précédant 2017 après JC).

A contrario, le Rassemblement National qui pensait rafler la mise en s’emparant de cinq ou six régions va devoir revoir ses ambitions à la baisse pour ne pas dire au néant (à l’exception, peut-être de la région PACA) pour cause de « bouderies des urnes » de ses électeurs, d’où l’irritation de Marine Le Pen à leur endroit, les sermonnant comme une « maitresse d’école » tout en les incitant à se ressaisir au « rattrapage » (comprenez, le deuxième tour) ….

Que dire de la majorité présidentielle qui se savait en position d’outsider, du fait qu’elle souffre d’un manque cruel d’implantation locale en raison de sa jeunesse et qui n’a pu que déplorer les effets d'une bataille électorale risquant plus de se transformer en « rudesse de la Bérézina » qu’en "doux soleil d’Austerlitz " ?...

Finalement, on a pu constater une indéniable "prime aux sortants", en tête dans 11 des 13 régions métropolitaines, notamment les deux dissidents de la Droite : Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, sans oublier Laurent Wauquiez, banni à Paris mais seigneur en ces terres Rhônalpines et du Velay…que pour les caciques de la Gauche, Alain Rousset, Duc d’Aquitaine Carole Delga, Maîtresse de l’Occitanie, ou les successeurs de Jean-Yves le Drian en Bretagne…

On a vu le Républicain Christian Jacob se proclamer « premier parti de France » tel un joueur de poker qui a enfin réussi à se refaire ou le Socialiste Olivier Faure incrédule de pouvoir chantonner sous son masque « Born to Be alive) tandis que la Majorité et le Rassemblement national, autant dépités que déçus relativisaient leurs « succès » du fait d’une abstention massive qui constituait, selon eux: « une défaite de la démocratie » …

Hormis les désillusions ou l’autosatisfaction, ce curieux « dimanche » électoral nous a interpellé sur ce désamour des électeurs pour la chose politique, il est important d’en déceler rapidement les causes et éventuellement d’y apporter des remèdes….

Certains ont mis ce triste constat  sur le compte d’une rupture générationnelle entre les plus anciens, nourris du clivage droite-gauche et de l’attachement au rendez-vous électoral quel qu’il soit et une frange de la population plus jeune, devenue indifférente voire hermétique aux discours d’une classe politique jugée « hors sol » et incapable de répondre aux interrogations d’une partie de la population, d’autres sont rebutés par la complexité du « mille-feuille » territorial et dont les attributions (régions-département) restent floues, provoquant des confusions sur la focalisation du thème obsédant de la « sécurité » qui n’est pas pourtant pas du ressort des collectivités locales.

La lente mais réelle décrue de la crise sanitaire, la fête des pères, une météo propice à l’évasion  mais également "l''auto-complaisance" des électeurs inscrits de boycotter le scrutin par "j''m'en foutisme" ont été probablement un accélérateur de cette forte abstention.

D’autres l’attribuent à l’organisation même de ce type de scrutin traditionnel, prônant l’instauration du vote par internet et par correspondance, bien plus économique à réaliser et susceptible de faire remonter le baromètre de la participation…

Fausse bonne idée, selon les détracteurs de ce type de vote qui remettent en cause la « sincérité du scrutin » et surtout les risques de cyber-piratage qui ont d’ailleurs incité la majeure partie des démocraties européennes à rester sur le modèle traditionnel, car jugé plus sûr et surtout plus équitable parce qu’organisé pour tous et en même temps et dont le renforcement des contrôles a permis une plus grande fiabilité…

Enfin d’autres préconisent le « vote obligatoire », ce qui signifie pour les réfractaires une « contrainte supplémentaire », admettant que le « droit de vote » est un devoir civique dans une démocratie mais que chaque citoyen se garde le droit d’en user ou pas, au nom des libertés individuelles. Vaste débat.

En attendant, tous les yeux resteront rivés sur dimanche prochain et comme la science politique n’est pas une science exacte, un « rebond », « un sursaut » une « envie pressante d’isoloir » ne seront pas exclus. Dans tous les cas, cela sera soit un dimanche où l’on regardera s’envoler la participation soit un jour où le valeureux assesseur des bureaux de vote désertés rêvera à des jours meilleurs, furtivement agacé par les « ronds dans l’eau » des pêcheurs à la ligne……