LA NUIT DE BUCAREST (Editorial du 1er Juillet)

Philippe DUPONT

 

Naguère, on connaissait « l’angoisse du gardien de but au moment du penalty », ce lundi 28 juin, on a constaté la « soudaine détresse de l’attaquant-vedette de l’Equipe de France au moment de la séance des tirs au but ».

La suite a été aussi tragique qu’inattendue : l’élimination dès les 1/8ème de finale du Champion du Monde et grandissime favori de cet Euro décalé (comprenez : de 2020 à 2021), éliminé par son vaillant voisin helvète, sur lequel aucun parieur digne de ce nom n’avait misé le moindre franc suisse….

Et pourtant, l’inimaginable est arrivé dans la « nuit de Bucarest » sous l’écrasante moiteur Roumaine qui ressemblait étrangement à celle non moins étouffante de « Séville » qui s’était déroulée trente-neuf ans plus tôt au cœur de la péninsule ibérique…quand la Bande à Platini, menait 3-1 face à la redoutable équipe de RFA, à dix minutes de la fin logiquement promise à une première finale de son histoire....

Mais le scénario fut quasi identique, la « remontada » teutonne avait finalement permis l’égalisation dans les prolongations avant de l’emporter dans l’épreuve des « tirs au but » que les observateurs fatalistes surnomment avec raison: la « loterie » ….

Heureusement, cette fois-ci pas de vilain gardien Schumacher qui assomme un quelconque Battiston qui se présentait devant sa cage sans que l’arbitre ne siffle rien, probablement occupé à essuyer ses verres de contact alors qu’aujourd’hui, il se précipite illico presto vers la VAR pour confirmer s'il y a bien un hors-jeu pour deux centimètres….

Non, cette victoire de David contre Goliath est logique : les « héros » de 2018 étaient « fatigués » tout en étant persuadés d’écraser ses « petits suisses » certes volontaires mais peu suspects d'espére d’inquiéter "l'invincible armada" qu'ils avaient l'honneur d'affronter...

Après une première mi-temps catastrophique (doux euphémisme) sauvé par un Penalty arrêté par un Hugo Lloris dont chacun sait que c’est pourtant un des seuls maillons faibles de sa brillante carrière puis une deuxième mi-temps « requinquante » (encore l’effet Djokovic : un petit coup de vestiaire et le mental revient au grand galop), un doublé du revenant Benzema et un coup de génie de l’incontournable Pogba ont pu faire croire à un « retour à la normale » : on connait la suite : des tricolores qui vont finir par se prendre les pieds dans un tapis qu’il pensait volant….La grande désillusion…

Dans la nuit Roumaine, dans ce pays qui a vu naître Ionesco, on a assisté à une forme de « théâtre de l’absurde » où la « Cantatrice chauve » a fini par s’arracher les cheveux et ceux du sélectionneur Didier Deschamps dans la foulée…….

Mais comme dirait ce dernier : « tant au niveau technique que tactique » l’équipe de France n’a pas été à la hauteur des enjeux, mais c’est le football, qui prouve une fois de plus que cet « opium du peuple » fait parfois toussoter à défaut de transcender… « nous avons manqué de tout » a pu soupirer un Raphael Varanne plus lucide sur l’état des lieux que propice à la flagellation collective…

Mais les Bleus qui verront la finale sur un écran de télévision à défaut de la disputer sur le terrain auront au moins emporté dans leur besace du retour, plusieurs lots de consolation : les Portugais qui avaient eu l’insolence de les battre en 2016 ont déjà regagné les rives du Douro, les vice-Champions du Monde Croates ont rejoint les Carpathes sans oublier les pragmatiques allemands qui ont également rangé les crampons, démentant le fameux adage « à la fin, c’est toujours l’Allemagne qui triomphe » ….

En attendant de retrouver des cieux plus cléments, avec ou sans le très « capé » Didier Deschamps, perdant d’un soir mais qui ne manquera surement pas de souhaiter bonne chance à ceux qui vont continuer à « mouiller le maillot » sur le gazon torride et surtout en leur formulant avec un indéniable fair-play : « A présent… que le meilleur gagne… !»

CHAMPAGNE POUR LES UNS, CAFARD POUR LES AUTRES (Edito du 7 Juillet)

 

Du point culminant de la Montagne de Reims à la Vallée de la Marne en passant par la Côte des Bar, l’annonce de cette nouvelle a provoqué l’effet d’un violent coup de tonnerre sur les vignobles champardennais….

 Nous voulons parler de la dernière lubie de Vladimir Vladimirovitch Poutine qui est à l’origine d’une nouvelle loi réservant désormais l’appellation « Champagne » (« Shampanskoe », dans la langue de Tolstoï, ndlr) aux seules bouteilles issues des vignobles de Russie…reléguant le « vrai » Champagne « Made in France » au vocable humiliant de « Vin pétillant » …

Emoi considérable dans la « Cité des Sacres », où probablement Dom Pérignon a dû se retourner trois fois dans son tombeau à l’annonce de cette nouvelle, perçue pour beaucoup comme un véritable « casus belli » ….

Les raisons qui ont motivé cette initiative provocante au cœur de l’été restent obscures , sinon que celle d’empoisonner avec fourberie (une des passe-temps favori du Maître du Kremlin, y compris chez lui) les relations déjà tendues avec ces « coquins de l’Occident » qui pensent pis que pendre de lui et peut-être, qui sait,  de pouvoir fêter à sa façon, le bicentenaire de la disparition d’un Empereur mégalomane qui s’était fracassé fatalement dans les steppes gelées de cette immense pays qu’il comptait pourtant bien conquérir..

Certains s’étonneront plutôt de l’existence d’un « vignoble champenois » au cœur du plus vaste pays de la planète et c’est là que l’on découvre que son origine remonte aux années 30, lorsque le « Petit Père des peuples », Joseph Staline décida de « produire sur place » afin de permettre à chaque soviétique de pouvoir déguster ce succulent breuvage capitaliste à « bon marché » ….

En résumé, il offrait le « Champagne pour tous » comme Hitler, son futur ennemi mortel avait offert « une voiture pour tous » à chaque allemand…Intention louable, diront certains (oubliant toutefois que le « vrai Champagne » continuera d’être absorbé par la « Nomenklatura » : faites ce que je dis, pas ce que je bois »).

Cependant, ce « Champagne Made in CCCP » ne ressemble en rien à l’original. Sans être forcément une « piquette », il n’a qu’un vague rapport, ne serait-ce qu’au niveau de son cycle de fabrication, fruit d’une fermentation accélérée (3 mois), aux antipodes du « vrai » Champagne qui doit avoir vieilli a minima 15 mois pour être apprécié, voire 36 mois si l’on déguste une cuvée millésimée….

Ainsi, la requalification de ce breuvage usurpateur « Low Cost » en « Premium » n’en finit pas d’ulcérer les instances dirigeantes du Champagne, les gardiennes « du patrimoine champenois, fière de son Appellation d’Origine Contrôlée » (AOC) et reconnue comme telle dans plus de 140 pays à travers le monde…. A l’exception notable, il est vrai de la Russie….

La société LVMH qui abrite en son sein les prestigieuses :  Veuve Clicquot ou autre Moët et Chandon » a d’ores et déjà menacé de « boycotter » le marché Russe en signe de représailles au risque de priver de facto toute « l’oligarchie » de caisses de champagne qu’elle aime d’ordinaire tant déguster avec un soupçon de caviar sur le bout de la langue…

 Menace doublée de la crainte de voir les autres consommateurs lambda ne plus pouvoir faire la différence entre le « Shampanskoe » et les « vins pétillants » venus d’ailleurs : une véritable révolution de palais (buccal)…

Mais l’homme fort du Kremlin, tel un cosaque qui ferait « péter la roteuse » avec son sabre aiguisé n’a cure des menaces venues de France, prompt à lancer un « vos gueules les Moët ! » comme pour défier les notables de la « Ville des Sacres royaux », qui semble mépriser ce Moujik matois et provocateur….

En réalité, cette « guerre du Champagne » n’est en fait qu’un « coup de sabre dans l’eau pétillante » : la Russie n’est que le quinzième client de la France, très loin derrière le pays de l’Oncle Sam ou de la perfide Albion… n’important que 2 millions de bouteilles, en outre supplanté par le rival Chinois, c’est dire….

Comme toujours, un petit coup de « diplomatie » ou toute autre courbette dans les salons lambrissés verront certainement poindre un quelconque armistice dans les plus brefs délais.

En attendant, les instances françaises ont provisoirement accepté ce « diktat » venu du froid, acceptant même de réimprimer des « étiquettes : vin pétillant » à la mode Prisunic.

Dans l’attente d’une sortie de crise, dans ce pays où d’habitude on ne parle qu’en « présence de sa vodka » chacun espère que le Tsar Boris ne continuera pas à pousser « le bouchon un peu trop loin » …….

PASSE PARTOUT (Edito du 13 juillet)

 

A peine Emmanuel Macron avait-il fermé sa bouche martiale que l’équivalent de la population de Marseille (900 000 habitants) s’était précipité sur le site « Doctolib » afin de pouvoir rejoindre le « club des vaccinés contre le COVID-19 ». 

Pour sa 8ème allocution depuis le début de la Crise Sanitaire, on peut dire que le Président de la République a fait le « Buzz » face aux 22 millions de téléspectateurs qui attendaient (sans véritable suspense) la liste des mesures à prendre pour faire face au risque d’une « quatrième vague », liée à l’inexorable progression du variant Delta….

Beaucoup craignaient un sérieux coup de vis, susceptible de contrarier cette période estivale,  synonyme de « retour à la normale », ils ont été servis : un coup d’écrou a été rajouté afin d’éviter un « retour à l’anormal » … : avec un renforcement du Passe obligatoire dans les lieux publics, les théâtres, les centres commerciaux, etc… et surtout l’obligation pour le personnel soignant récalcitrant de se faire vacciner dans les plus brefs délais sous peine d’être lourdement sanctionné, de voir également la fin de la gratuité des tests PCR, etc…

La population française majoritairement favorable (ce qui n’a pas toujours été le cas) à cette vaccination quasi-obligatoire a donc approuvé ces mesures tout en constatant ses effets coercitifs sur la vie quotidienne en ce début de période estivale que l’on croyait salvateur…. Certains observateurs y ont vu de facto un nouveau « coup de canif » dans les libertés individuelles…

Véritable casse-tête pour les uns (monde du travail, commerce, lieux publics), coup de pression insupportable pour les autres mis devant le fait accompli (le personnel soignant), il est clair que le Président de la République est apparu comme le « Père fouettard » qui ne fait pas de cadeaux aux enfants indisciplinés…

Si l’opposition n’a pas tardé à sortir de ses gonds mais de façon classique, accusant le chef de l’Etat de mener un combat électoraliste et toujours plus teinté d’un autoritarisme assumé, on n’a pas véritablement assisté à un véritable torrent de protestations, ni vu les réactionnaires ou autres complotistes monter au créneau dans les réseaux sociaux….

On n’a pas perçu non plus un pétage de plomb (pléonasme) de Francis Lalanne, le barde enragé ni entendu une diatribe vengeresse de Jean-Marie Bigard, le poète salace,  à l’adresse du « locataire de l’Elysée:  tous les deux étaient certainement trop dépités par la « ruée vers le vaccin » de leurs contemporains (ah, les effets de la carotte et du bâton !) faisant le bonheur de Sébastien Niox-Château, le fondateur de Doctolib et des autres sites spécialisés dont la fréquentation exponentielle des « nouveaux adeptes forcés » ont fini pas être saturés de tant de ferveur….

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : deux jours après l’annonce présidentielle, déjà près de 2.5 millions de candidats naguère récalcitrants à « la piqure salvatrice » continuent à investir le fortuné Doctolib, avec « le trouillomètre en ébullition » mais soyons indulgents, avec une probable volonté « d’en sortir » une bonne fois pour toutes (enfin, presque )….

Curieux été : pourri au niveau climatique, incertain au niveau sociétal, il n’a pas fini de nous réserver des surprises notamment à l’approche des échéances politiques prévues en 2022. Une sorte de plongée dans « l’Inconnu » mais depuis deux ans, nous avons appris à ne plus avoir trop de certitudes. A l’ère de l’Intelligence artificielle et de la Révolution numérique, ça rend plus humble….

2021, ODYSEE DE L’ESPACE (Edito du 21 juillet)

 

« Tous ceux qui ont été dans l’espace ont dit que ça les avait changés et qu’ils étaient stupéfaits, abasourdis, par la Terre et sa beauté, mais aussi sa fragilité, et je suis entièrement d’accord » dixit Jeff Bezos, fondateur du géant Amazon…qui a pu réaliser son rêve d’enfant : celui d’aller tutoyer les étoiles et de snober la gravité à bord du premier vol habité de Blue Origin (du nom de sa société).

Ils étaient en fait quatre à « décoller » d’un coin perdu du désert Texan en ce début de matinée du 20 juillet.

Outre Jeff le Conquérant, il y avait également son demi-frère Mike, sans oublier Oliver Daemen, un jeune Néerlandais de seulement 18 ans dont le père fortuné avait déboursé 28 millions de dollars pour que son rejeton fasse partie du voyage (réussite au bac ?) et surtout Wally Funk, 82 ans, une véritable légende féminine de la Conquête spatiale dans les années 60, réalisant enfin son rêve après des décennies d’occasions manquées liées au sexisme bien assumé des autorités américaines.

Clins d’œil de l’histoire : Bezos n’avait pas choisi ce 20 juillet par hasard, n’ayant pas oublié (même s’il n’avait que 5 ans à l’époque) que 52 ans plus tôt, la mission Apollo 11 avait réussi le premier alunissage humain de l’histoire sans oublier le nom du vaisseau suborbital « New Sheppard » du nom d’un des héros de l’épopée lunaire…

Un voyage de 11 minutes (ce qui peut paraître court vu de la terre mais la notion du temps ne procurait probablement pas la même impression aux néo-astronautes) pour légèrement dépasser la fameuse ligne de Karman qui marque la limite entre l’atmosphère terrestre et l’espace, au-delà des 100 kilomètres d’altitude.

 « New Sheppard « a ainsi progressé vers l’espace, aidé par un moteur fonctionnant à l'hydrogène et à l'oxygène liquides, sans émission de carbone, atteignant Mach 3 (soit trois fois la vitesse du son : 3700 Km/h, pour info le Concorde pouvait atteindre Mach 2) avant de voir la capsule se détacher du propulseur laissant nos « chevaliers de l’Espace » quelques minutes en apesanteur et pouvant admirer alternativement la courbe terrestre ou le noir inquiétant de l’espace. Les téléspectateurs que nous sommes n’avons rien vu de leurs ébahissements, seulement entendu des « My God » : Captain Jeff, showman dans l’âme, se promettant de montrer les images a posteriori…

Puis la capsule est redescendue en chute libre (poussée d’adrénaline garantie) avant d’atterrir en douceur (enfin presque) grâce à trois parachutes imposants tandis que le propulseur s’est quant à lui posé à quelques centaines de là, il ne manquait plus que « le beau Danube bleu » de Strauss en bouquet final….

Net et sans bavure. Chapeau ! comme celui que portait notre Spock 2021, un peu à la « JR » congratulé par ses troupes mais qui a su « la jouer modeste » en rendant hommage à son glorieux ainé le regretté camarade Youri Gagarine qui avait flirté avec la voie céleste il y a déjà plus de soixante ans…

Une réussite donc pour le milliardaire que n’a d’ailleurs tardé de saluer son homologue britannique, le non moins fair Play Richard Branson qui lui avait pourtant grillé la politesse quelques jours auparavant et qui s’est fendu d’un laconique « bien joué ».

La NASA, vieille dame institutionnelle dont Bezos compte bien devenir un des partenaires engagés a elle-même salué la réussite de ce vol privé qui devrait en annoncer d’autres, puisque New Sheppard ne sera pas un « vaisseau Bic Jetable » car réutilisable…A quand New Aldrin, pour faire le Buzz… ?

Cependant, passés les applaudissements, les polémiques n’ont pas tardé à ressurgir : les plus sévères détracteurs qualifiant cette prouesse technologique « d’indécente et futile » en cette période de dérèglements climatiques et de pandémie cruelle, une sorte de lubie de milliardaire, promoteur d’un « Tourisme spatial » pas vraiment « low cost » pouvant même ironiser sur une « démocratisation » des tarifs (le ticket à 250 000 dollars proposé par Branson) avec pourquoi pas un « paiement 4 fois sans frais »… ?

La route est certainement longue avant que cette nouvelle conquête spatiale ne prenne vraiment son envol mais pour clouer le bec aux oiseaux de mauvais augure, le fondateur d’Amazon croit plus que jamais à sa bonne étoile, annonçant plusieurs programmations de vols pour les deux prochaines années, en témoignent les quelques milliers d’enchérisseurs venus des quatre coins de la Terre prompts à tenter l’aventure.

Bezos se veut plus que jamais visionnaire à très long terme : outre le tourisme spatial, son rêve est de pouvoir fonder des colonies spatiales flottantes dans lesquelles plusieurs millions de personnes   pourront travailler et ..vivre….allégeant ainsi une planète bleue en menace permanente…

Dans un avenir plus proche, il n’a pas tardé à répondre enfin à ses nombreux détracteurs qui pointent du doigt sa faible conscience écologique en se déclarant prêt à casser son opulente tirelire pour lutter contre le réchauffement climatique et rappeler qu’après avoir révolutionné le e : commerce, il voulait plus que jamais éradiquer les « zones blanches » de son pays natal et du monde entier, privées de réseaux ou de 5 G en lançant plus de 3 000 satellites en orbite pour fournir un internet à haut débit depuis l’espace aux « nombreux terriens connectés ou non »….

Rien ne semble arrêter cet héritier de Jules Verne ou d’un Baron Pierre de Coubertin qui voulait toujours aller plus vite, plus haut, plus fort….les jeux sont ouverts plus que jamais à la piste aux étoiles…..