DIS PAPA, COMMENT TOURNAIT LE MONDE EN 1971 ?
Comment allait le Monde en cette année 1971 ? ni mieux ni pire que les années précédentes sinon qu’il était fort différent de celui de 2021. A l’époque, 3 milliards et 700 millions de terriens étaient répartis inégalement aux quatre coins de la planète contre près de 8 milliards aujourd’hui….
Au niveau géopolitique, la planète subissait un environnement bipolaire depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale : l’un dominé par l’influence Soviétique, l’autre par les Américains : cela était encore plus vrai que nature dans le continent Européen : l’un à l’Ouest, qui avait embrassé le monde capitaliste tandis que celui situé à l’Est était intégré au « Pacte de Varsovie »….
L’Europe, l’Europe, L’Europe !
A l’époque, le fait de penser qu’un jour, la plupart de ces « pays satellites composés de la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie ou la Roumanie rejoindraient la future Communauté Européenne (qui à l’époque était réduite au seul « Marché Commun » composé des six pays fondateurs : la France, l’Allemagne de l’Ouest, l’Italie et les trois pays du Benelux : Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) relevait de la pure science-fiction…
Dès 1963, le Royaume-Uni avait souhaité intégrer ce club très fermé (contrarié par le veto de la France) en continuant méthodiquement à négocier son admission à l’instar du Danemark et l’Irlande du Sud….
Un Royaume-Uni qui est empêtré dans le sanglant conflit Nord-irlandais qui s’était déclenché depuis 1969 à la suite de la répression concernant un mouvement pour les droits civiques et surtout la ségrégation confessionnelle subie par la minorité catholique dans cette province restée sous la tutelle britannique après l’indépendance de l’Irlande…
Une longue « guerre civile » qui durera plus de 30 ans en opposant d’une part les républicains et nationalistes (très souvent catholiques) et les loyalistes et unionistes (majoritairement protestants) laissant de nombreuses plaies jamais vraiment cicatrisées que le récent épisode du Brexit a brusquement ravivées...
Outre-Manche, un autre évènement marquant est également à mentionner : c’est celui de la réforme monétaire : en février 1971, le Royaume-Uni et l’Irlande adoptent un système monétaire décimal, le « Decimal Day » : le « shilling » disparait et la livre est divisée en cent pence…
En 1971, le simple fait d’imaginer la réunification des deux sœurs ennemies : la RFA et la RDA paraissait totalement utopique…. Avec un point de crispation majeur : le statut de Berlin : l’ancienne « Capitale du IIIème Reich » était coupée en deux depuis 1961, lorsque que l’on ériga le « Mur de la Honte » en 1961 : d’un côté Berlin-Ouest (zone neutre, qui n’était pas rattaché officiellement à la RFA) et de l’autre, Berlin-Est, devenue la capitale de la République Démocratique Allemande comme on disait à l’époque…
Maire de Berlin-Ouest entre 1959 et 1966, Willy Brandt était devenu le premier Chancelier Social-Démocrate de la RFA en 1969. Depuis son arrivée au pouvoir, il tentait de normaliser les relations entre Bonn (alors Capitale fédérale) et les pays d’Europe de l’Est, grâce à une politique étrangère d’ouverture : « l’Ostpolitik » caractérisée par la signature d’un pacte de non-agression avec l’URSS ou encore sa visite mémorable en décembre 1970 en Pologne lorsqu’il s’agenouilla symboliquement devant le Mémorial du Ghetto de Varsovie…Enfin, il sera le premier Chancelier Ouest-Allemand à reconnaitre la RDA , la sœur ennemie….
Il sera récompensé en recevant le Prix Nobel de la Paix en cette année 1971 ….
Il continuera inlassablement ses efforts de normalisation avant d’être contraint à la démission en 1974, à la suite de la révélation d’un scandale impliquant l’un de ses plus proches conseillers, Gunther Guillaume, en fait un espion de la RDA……
L'Europe du Sud encore sous la botte....
Enfin, l’Europe Occidentale est toujours composée de trois dictatures dont deux d’entre elles sévissent depuis les années 30, c’est le cas de l’Espagne dirigée depuis 1939 par le « Caudillo », le Général Franco, qui présente quelques signes de sénilité et qui désigne officiellement son successeur : le Comte de Barcelone, futur Roi Juan Carlos pour maintenir (sans trop y croire, car c’est effectivement l’inverse qui va se produire) les assises du Franquisme en y distillant timidement une petite dose de démocratie….
Le pays, montré du doigt pour les restrictions des libertés individuelles et de l’interdiction des partis (mis à part celui de la Phalange Franquiste) a longtemps vécu en « autarcie » économique, lui faisant prendre un retard considérable vis-à-vis de ses plus immédiats voisins. Depuis 1959, Franco a fait quelques timides concessions et surtout accepté l’aide américaine pour relancer l’appareil économique en berne, développant notamment le secteur très porteur du tourisme qui fait de son pays une destination prisée des touristes venus de toute l’Europe, « bétonnant » au passage une grande partie du littoral méditerranéen notamment sur la Costa Brava et aux Iles Baléares…
Malgré ce regain de vitalité, le régime tente de contrôler par la force la « tentation » séparatiste » qui se répand comme une tache d’huile à travers une Espagne vivant depuis 1939 sous le joug d’un centralisme autoritaire menée par le pouvoir Madrilène.
L’interdiction des langues régionales dans l’éducation et la sphère publique en général (dont le Catalan) et le particularisme « Basque » province au fort caractère identitaire (aussi bien côté Espagnol que Français) et connaissant une prospérité économique notable s’invitent au cœur de l’actualité. Le Pays Basque est devenu la « bête noire du régime Franquiste » en menant une guerre contre l’Etat central, provoquant de nombreuses actions violentes tout s’inscrivant bientôt dans une mouvance « terroriste » avec l’ETA….
L’E.T.A est le sigle qui désigne Euskadi Ta Askatasuna (Pays Basque et liberté, en langue basque), une organisation indépendantiste né en 1959 et qui se réclame marxiste-léniniste mais pas forcément unifiée, en témoignent les nombreuses scissions qu’elle connaitra jusqu’à sa «longue mise en sommeil » en 2018.
D’abord active dans la lutte antifranquiste, elle va progressivement dérivée vers le terrorisme, pratiquant de nombreuses actions sanglantes, des enlèvements,des assassinats ainsi que de nombreuses extorsions de fonds.
Elle sera au cœur de l’actualité internationale avec le « procès de Burgos » commencé en décembre 1970, qui concerne le jugement de seize militants actifs de l’organisation qui seront d’abord condamnés à la peine de mort avant de voir leurs peines commuées en emprisonnement grâce à l’intervention de personnalités venues de l’étranger dont Jean-Paul Sartre qui jouera un rôle très actif en interpellant l’opinion internationale, faisant plier de facto le régime franquiste. Après la chute de la dictature, l’ensemble des condamnés sera gracié et remis en liberté….
- Le Portugal et son « Estado Novo » dirigé par Marcelo Caetano qui a remplacé Antonio Salazar en 1968 (le vieux dictateur ayant subi un grave AVC qui l’a rendu totalement inapte à gouverner est mort en 1970) qui avait pris le pouvoir en 1932, à la tête d’un pays qui est à présent « empêtré » dans des guerres coloniales interminables en Afrique (Angola, Mozambique, Guinée Bissau) mais également la Grèce, qui depuis 1967 est sous la « Botte des Colonels » avec à sa tête, le Colonel Papadopoulos…Ces dictatures d’Europe du Sud retrouveront la même année (1974) le chemin de la démocratie, le premier grâce à l’intervention des militaires lors de la « Révolution des œillets », le second vaincu par son incapacité à résoudre la question « chypriote »….
Séparatisme et Particularisme...
La volonté « séparatiste » est également au cœur de l’actualité Belge qui vit une guerre linguistique virulente. Le royaume est en effet secoué par la scission de l’Université de Louvain (située en Flandre) , jusqu’à présent bilingue (Français-Néerlandais) en deux entités bien distinctes à partir de l’hiver 1970, provoquant le départ des Francophones vers une université nouvelle située à quelques kilomètres de Louvain, mais en région Wallonne. Cela entraine la création d’une « ville nouvelle » baptisée dans la foulée « Louvain-la-Neuve » qui sera inaugurée en 1972….
A noter que plus d’un quart de siècle après la France, la Confédération Helvétique (la Suisse) adopte définitivement (et non sans quelques réticences) le droit de vote aux femmes dans l’intégralité de ses cantons. Une "votation" composée d'hommes pour entériner cette décision....
Le Bangladesh divorce du Pakistan…
L’Asie vit également une grande zone de turbulences, marquée par la 3ème guerre Indo-Pakistanaise depuis l’Indépendance du sous-continent Indien en 1947 qui vit l’ancienne colonie britannique partitionnée deux entités territoriales : l’Inde et le Pakistan.
Ce dernier pays, très majoritairement Musulman avait revendiqué son indépendance par rapport à son voisin Indien, ce qui fut d’ailleurs acté par le Congrès National en 1947 et ce, malgré l’opposition de Gandhi et qui entrainera aussitôt le déplacement de plus de douze millions de personnes dont plusieurs centaines de milliers seront massacrés au Penjab et au Bengale, les deux régions qui avaient été divisées lors de la partition…
. Très rapidement des dissensions entre l’Inde et son voisin Pakistanais apparurent, surtout pour des questions de revendication territoriale concernant le Cachemire, situé à cheval entre les deux pays… et qui sera la cause de plusieurs conflits guerriers en 1947-48, 1965 et enfin en 1971…
Mais en cette année 1971, justement c’est une guerre civile qui se déclenche au Pakistan entre sa Partie Occidentale, plus riche économiquement et beaucoup mieux représentée dans toutes les strates du pouvoir que la Partie Orientale, essentiellement peuplée de Bengalis qui finissent par avoir des velléités d’émancipation territoriale. Outre sous-représentation sur l’échiquier politique et économique du pays, le désir d’indépendance est renforcé par la désastreuse gestion du cyclone de Bhola qui a fait plus de 300 000 morts.
La guerre de libération du futur Bengladesh va durer plus de 9 mois, entre février et novembre 1971, entrainant la mort de nombreux civils (dont beaucoup d’intellectuels et surtout la disparition de la moitié de la minorité Indoue, passant de 20 à 10 % de la population totale). Des millions de réfugiés (plus de 8 millions) s’exilent en Inde. Indira Gandhi, alors Premier Ministre est sollicitée par le Congrès national pour apporter un soutien logistique marqué aux rebelles de l’Est tandis que le Pakistan est soutenu par les Américains.
Outre ce conflit sanglant, une vaste épidémie de choléra assombrit encore plus le tableau de cet épisode tragique. L’attaque de bases indiennes par le Pakistan incitera l’Inde à rentrer en guerre contre son voisin. Mieux équipé militairement et disposant de troupes plus importantes, elle remportera la victoire sur le Pakistan qui en signant sa capitulation, acceptera de facto l’indépendance de sa partie orientale : le Bangladesh….
- Le bourbier Vietnamien
La guerre du Viêt Nam que l’on surnomme parfois la « deuxième guerre d’Indochine » reste, selon les Vietnamiens eux-mêmes, un prolongement du premier conflit (1945-54) qui les opposa au colonisateur Français et qui déboucha, après la reddition des troupes françaises après la bataille de Dien Bien Phû sur l’Indépendance du Pays et sa partition en deux états distincts .
Cependant, depuis cette date elle opposera surtout la République démocratique du Nord-Vietnam avec son armée populaire, d’obédience communiste et qui sera soutenue matériellement par le Bloc de l’est et son voisin Chinois en outre alliée au Front National de libération du Sud-Vietnam (Viêt Cong) et la République du Vietnam (Sud Vietnam) quant à elle soutenue par l’armée des Etats-Unis (avec le concours d’autres puissances alliées dont l’Australie ou la Corée du Sud)…
Les Etats-Unis n’avaient jamais déclaré officiellement la guerre au Nord-Vietnam mais qui s’engageront dès la fin de la guerre d’Indochine, par l’envoi de conseillers militaires au Sud-Vietnam puis de nombreux contingents à partir de 1965 (Présidence Johnson), mais rapidement, la « super-puissance » militaire se retrouvera prise dans un véritable « bourbier » caractérisé notamment par « l’offensive du Têt » en 1968 où les troupes du Nord commettront une série d’attaques surprises contre celles du Sud et de l’Armée US , long processus vers une défaite annoncée dont la « Chute de Saigon » en 1975 constituera alors une de ses plus humiliantes défaites et verra les deux pays partitionnés réunis en un seul et même pays, d’obédience communiste…
En 1971, sous la présidence de Richard Nixon, une première vague de retrait des troupes américaines va s’opèrer : plus de 150 000 soldats seront rapatriés amenant l’opinion publique outre atlantique à se prononcer en faveur d’un retrait définitif, renforcée par la révélation d’un officier, le Lieutenant Calley sur le massacre de « Son My » un des plus choquants commis en 1968 par les troupes américaines sur des civils vietnamiens composés de femmes et d' enfants en majorité
- Persépolis
L’année 1971 sera également marquée par la célébration du 2 500ème anniversaire de la fondation de l’Empire Perse par Cyrus II le Grand donnant pretexte à l’organisation d’un ensemble de festivités et évènements culturels se déployant en Iran entre 1971 et 1972. Le maître de cérémonie sera Mohammad Reza Pahlavi, le Chah d’Iran, au pouvoir depuis près de 30 ans et sacré Empereur en 1967.
Les manifestations se tiendront surtout à Shiraz, Pasargades et donc Persépolis. L’organisation d’un tel évènement a suscité de nombreuses critiques de l’opposition (dont l’Ayatollah Khomeini) mais également dans les cercles proches du pouvoir qui craignent son coût exorbitant….
Faisant fi de ces critiques, le monarque Iranien tient à montrer au Monde entier le développement socio-économique spectaculaire de son pays accompli sous son règne….Lors d’un entretien télévisé sur la première chaine de l’ORTF avec Léon Zitrone, le Chah d’Iran, parlant un français impeccable fait un numéro d’autosatisfaction sur sa politique porteuse, selon lui, de grandes espérances qui devraient propulser son pays dans le club envié des pays développés.
Les têtes couronnées et les principaux leaders internationaux seront invités à assister à l’évènement de Persépolis, alors que certains d'entre eux seront présents (le roi des Belges, le prétendant au trône d’Espagne, Juan Carlos, le Prince Bernard des Pays-Bas), d’autres trouveront un prétexte pour décliner l’invitation, préférant être représentés (c’est le cas d’Elizabeth II qui envoie son mari Philip, Richard Nixon et même Georges Pompidou qui se fait représenter par son Premier Ministre, Jacques Chaban-Delmas.
Le déjà très irrévérencieux Thierry Le Luron ironise d’ailleurs à ce sujet : Chaban est reçu par la Chahbanou (en l’occurrence, l’épouse du Chah, Farah Diba)…Pourtant, ces cérémonies seront finalement un gros succès avec de belles retombées économiques mais qui paradoxalement annonceront la mort programmée du règne Pahlavi, accusé de masquer un régime autoritaire et policier par des démonstrations d’ouverture…sous l’œil (sceptique) des observateurs internationaux….
- Indépendance des Emirats Arabes Unis
Vivant sous protectorat Britannique depuis 1892, les neuf émirats du golfe Persique ont des velléités d’indépendance surtout depuis la découverte du premier puits de pétrole en 1960.
Au début 1971, l’idée d’émancipation est plus forte que jamais doublée de la volonté de créer une fédération d’états arabes unis mais aucun accord ne sera trouvé, ce qui incitera Bahreïn et le Qatar à proclamer leur propre indépendance…Cependant, quelques mois plus tard, un nouvel accord sera finalement trouvé entre les sept autres émirats restants et l’indépendance sera proclamée le 2 décembre 1971…. La Capitale de l’Etat sera fixée à Abou Dabi.
La Chine s’éveille peu à peu…
La Chine fait son entrée à l’ONU, une résolution est adoptée par un vote de 76 contre 35 et 17 abstentions qui permet donc à la République Populaire de rejoindre les rangs de l’Organisation située à New York….
Une nouvelle consécration au niveau international pour un pays dirigé depuis 1949 par Mao-Tsé-Toung depuis la reconnaissance par la France en 1964 mais qui entraîne de facto le départ de Taiwan, « l’ennemi héréditaire » qui représentait « l’autre Chine » à l’ONU depuis 1950.
Cinq ans après le début de la sanglante «Révolution Culturelle » , la Chine n’est plus au ban de la communauté internationale. Le Président américain Richard Nixon compte d’ailleurs se rendre en visite officielle à Pékin afin de régulariser les relations sino-américaines tout en tentant d’imposer le maintien de Taiwan à l’ONU mais il échouera, au grand dam de la sœur ennemie de Pékin… En outre, la Chine devient membre du conseil de sécurité…
Mao qui avait réussi à renforcer son pouvoir absolu en élimant ses adversaires les plus modérés peut également se réjouir de la disparition d’un de ses plus farouches ennemis et ex-dauphin : Lin Piao. Ce dernier disparait dans des conditions très troubles en septembre 1971, après avoir été accusé d’avoir fomenté un complot contre le « Grand Timonier ». Certaines sources prétendent qu’il aurait cherché à fuir en URSS
URSS
Alors que la Chine s’ouvre vers le monde, l’URSS a commencé à entamer une période de déclin (qui se poursuivra jusqu’à son effondrement en 1991). Elle perd aussi cette année-là, Nikita Kroutchchev, chantre de la « déstalinisation » du pays mais chassé du pouvoir en 1964. C’est à présent Léonid Brejnev qui préside aux destinées du pays. En 1970, Alexandre Soljenitsyne, l’auteur de « une journée d’Ivan Denissovitch » dont le retentissement a été international, obtient le Prix Nobel de Littérature puis fait publier à l’étranger « L’Archipel du Goulag » qui alerte l’opinion internationale mais il sera contraint à l’exil trois ans plus tard (avant d’y revenir peu de temps avant sa mort, dans les années 80).
Les Soviétiques, même s’ils ont perdu du terrain face à l’adversaire Américain continuent à développer leur programme spatial, prévoyant cette année-là près de 90 lancements cosmiques avec en outre l’espoir secret de pouvoir se poser un jour sur la lune….
Made in USA
15 août 1971… En ce traditionnel jour de trêve estivale, Richard Nixon, Président des Etats-Unis annonce de façon unilatérale la fin de la convertibilité en or du dollar. Ce qui signifie en clair que les accords de Bretton Woods deviennent subitement caducs….
C’est en effet au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale que le système monétaire avait été mis en place et qui était basé sur un régime général de taux de change fixes gérés par le FMI. Mais les gros déficits budgétaires outre atlantique et la dégradation de la balance des paiements provoqués par la Guerre du Vietnam le financement du « Welfare state » sont les principales raisons de cette décision américaine…
Au niveau diplomatique, Richard Nixon veut jouer la carte de la « Détente » avec ses homologues Soviétiques et Chinois. Avec ses derniers, il compte d’ailleurs se rendre en Chine en 1972 afin d’acter la reconnaissance du Pays…
En décembre, sur l’Archipel des Açores, il rencontre Georges Pompidou afin de régler le difficile contentieux monétaire lié à la fin des accords de Bretton Woods précédemment cités…
Au niveau intérieur, c’est la publication par le journal « New York Times » des « Pentagon Papers » issus des plusieurs milliers de pages pourtant classées « secret-défense » émanant du département éponyme concernant l’application politique et militaire des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam depuis 1955 qui connait un grand retentissement dans l’opinion et provoque un scandale sans précédent….
Haïti
Papa Doc’ est mort, le dirigeant Haïtien s’est éteint à l’âge de 64 ans. François Duvalier, médecin de formation avait accédé au pouvoir en 1957 dans un des pays les plus pauvres du monde et dans lequel il instaura un régime très autoritaire, miné par la corruption et la violence (il créa des milices privées : les « tontons macoutes »).
Anticommuniste viscéral, allié précieux des Américains, il pourra ainsi se maintenir au pouvoir, cultivant un culte de la personnalité, modifiant la constitution pour s’autoproclamer « président à vie » et développant un régime familial clanique, c’est d’ailleurs son fils Jean-Claude, alias « Baby Doc » 20 ans !... qui va lui succéder, via un pseudo referendum, sous les yeux attendris de sa mère : « Maman Simone »….
Au niveau idéologique, tout semble opposer Castro au pouvoir à Cuba depuis 12 ans aux Duvalier : l’un prêche l’idéal révolutionnaire quand l’autre tente de l’éradiquer, pour le reste les similitudes sont grandes : culte de la personnalité, régime clanique, atteinte aux libertés individuelles, etc…
Subissant « l’embargo » économique imposé par Kennedy depuis 1962, Castro est également « persona non grata » dans de nombreux pays sud-américains (mis à part le Mexique) du fait de la pression américaine sur lesdits pays….Pourtant, en cette année 1971, il rend visite à Salvador Allende, qui a remporté les élections présidentielles Chiliennes en 1970, à la tête de « L’unité Populaire »… Le nouveau président, élu de justesse mais sur un programme essentiellement socialiste lance un grand nombre de réformes dès la première année : nationalisation de nombreuses entreprises, des mines de cuivre, des banques et poursuit la réforme agraire de ses prédécesseurs en redistribuant massivement les terres arables.
Le contrôle des prix et les augmentations de salaires provoquent un boom économique dès la première année, faisant augmenter le PIB de près de 10 %. Cependant cette série de mesures ne plaisent pas vraiment à tout le monde car souvent anticapitalistes :provoquant la fuite des capitaux à l'étranger de la classe dirigeante du pays et une exaspération montante des Américains, qui craignent une « contagion » marxiste sur l'ensemble de l’Amérique latine dont le Chili serait le fil conducteur .
Salvador Allende fera cependant son premier voyage à l’Etranger, non pas à Cuba chez son ami Castro mais en Argentine, où il sera reçu par le Général Lanusse (on ne rit pas, svp), nouvel « homme fort »du pays, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, qui a procédé à la réhabilitation du Général Péron et qui est le parfait opposé de son interlocuteur du moment….
En Bolivie, le General Hugo Banzer Suarez s’empare du pouvoir grâce à l’appui du Brésil et des Etats-Unis, ces derniers appréciant particulièremet son « anticommunisme » musclé .
En sept ans de pouvoir, ce dictateur zélé s’illustrera par de nombreuses atteintes aux droits de l’homme, développera une corruption généralisée et placera son pays en haut du classement des pays les plus endettés. Pourtant entre 1997 et 2001, le même Banzer Suarez sera élu (cette fois ci démocratiquement), comprenne qui pourra !
Regards sur l’Afrique
Dès 1962, deux ans après la grande vague de décolonisation européenne qui avait déferlé sur le continent africain, l’agronome René Dumont (premier candidat écologiste à la présidentielle de 1974, ndlr) avait publié un ouvrage choc qui avait fait scandale : « l’Afrique noire est mal partie »jugé à l'époque, complètement à contre-courant des idéaux qui avaient germé au moment de l’émancipation des peuples de ce vaste continent…
L’expert y décrivait les nombreux handicaps de l’Afrique nouvelle : la corruption endémique et les méfaits d’une décolonisation souvent mal préparée qui nuisent déjà à son développement.
Ce constat précoce sur une Afrique notamment subsaharienne qui piétinait déjà en faisant ses premiers pas s’avèrera plus pertinent que jamais : sans un développement rapide des secteurs de l’éducation, de la formation des cadres et des structures, point de salut réel. Toujours selon lui, en y rajoutant l’émergence d’un néo-colonialisme économique bridant la reprise en main par les agriculteurs africains de l’exploitation des cultures vivrières, la possibilité d’éradiquer la faim restera un vœu pieu…
Dix ans après ce constat lucide et en l’appliquant à tout le Continent, on ne peut que déplorer un état des lieux plutôt sombre : sur la cinquantaine d’états émancipés en 1960, la très grande majorité d’entre eux connaissent déjà une instabilité politique notoire : de nombreux renversements de régimes ou autres coups d’état ont été fomentés, notamment en ce qui concerne l’Afrique Francophone souvent de concert avec dl’ancienne puissance coloniale elle-même…
Les frontières artificielles, voire arbitraires au contour géométrique aléatoire n’ont fait qu’aggraver les rivalités ethniques et revendication de territoires parfois multiséculaires…
En 1971, l’Afrique du post-colonialisme vivait donc des heures instables : en Ouganda, Idi Amin Dada renverse le président en exercice Milton Obote pour établir un régime dictatorial aussi brutal que sanguinaire.
A Madagascar, un soulèvement des paysans du sud de cet ile de l’Océan Indien qui protestent contre leurs conditions de vie et de travail est violemment réprimée par l’armée tout en ouvrant la voie à la chute du Président Tsiranana l’année suivante…
Au Soudan, miné par une guerre civile entre le Nord et le Sud du pays depuis son indépendance en 1956,
Georges Pompidou se rend au Sénégal, considéré comme un des rares régimes démocratiques stables depuis l’indépendance et dont Léopold Sédar Senghor préside aux destinées. Ce dernier étant de surcroit un ancien condisciple à l’Ecole Normale Supérieure de son hôte français….
Le chef d’Etat français rejoindra également la Côte d’Ivoire, présidée depuis l’indépendance par le Dr Houphouët-Boigny, ancien député français sous la IVème République. Le pays connait une certaine prospérité économique mais commence à connaître les prémices d’une instabilité politique (notamment lié à un Parti Unique) et des rivalités entre le Nord du Pays, Musulman et le Sud, Chrétien.
C’est d’ailleurs à Abidjan, Capitale du Pays que se tient le conseil de l’Entente, sorte de sommet économique qui réunit les chefs d’états de plusieurs pays de l’Afrique occidentale : le Dahomey (futur Bénin), la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso), le Togo, le Niger et bien sûr la Côte d’Ivoire. Georges Pompidou, invité d’Houphouët-Boigny y assiste en tant qu’observateur….
Le futur « président à vie » de Côte-d’Ivoire jouera également la carte de la réconciliation avec son puissant voisin le Nigéria (qui vient d’adhérer à l’OPEP) pour donner suite au grave différent qui les avaient opposés pendant la « Guerre civile du Biafra » cette province sécessionniste du pays qui aurait été aidés militairement par les Ivoiriens. A noter que c'est durant ce conflit que fut lancée les premieres opérations humanitaires des "French Doctors" qui lanceront Medecins sans frontières en cette année 1971.
Félix Houphouet-Boigny rencontrera également John Vorster, le président Sud-Africain, à la tête d’un pays mis au ban des nations depuis l’instauration de l’Apartheid en 1948…
Dans les différents pays d’Afrique du Nord, le climat politique n’est guère plus apaisé : En juillet 1971, au Maroc, le Roi Hassan II, qui organisait son anniversaire dans son palais de Skhirat échappe à un coup d’Etat fomenté par un groupe d’officiers mené par le Général Medbouh et le colonel Ababou, un proche du ministre de la Sûreté, Mohamed Oufkir, dont l’implication dans ce complot reste trouble.
Mais le putsch échoue, amenant de terribles représailles de la part du souverain : des « cadets » élèves-officiers qui seront passés par les armes tandis que d’autres inculpés finiront au sinistre bagne de Tazmamart….
Son frère « ennemi » l’Algérien est toujours dirigé par Houari Boumediene depuis le Coup d’Etat de 1965 (qui renversa son ex-allié Ahmed Ben Bella) . En février 1971, par suite du refus des compagnies pétrolières françaises de renégocier les prix, il prend la décision de nationaliser les hydrocarbures algériens… amorçant ainsi la « décolonisation pétrolifère », neuf ans après celle de son pays.
Ainsi, à partir de cette date, tous les gisements naturels de gaz et de pétrole, les gazoducs ou oléoducs sont ainsi nationalisés, permettant à la SONATRACH, cette société nationale considérée comme la plus grande entreprise d’Afrique d’être en position de monopole….
La Libye et son dirigeant Mouammar Kadhafi (lui aussi arrivé au pouvoir par un coup d’état en 1969 où il a renversé le roi Idriss) se veut toujours le continuateur du « panarabisme » l’unité des nations arabes prônée par Nasser (disparu en 1970) et tente de créer une « Union des Républiques Arabes) avec son successeur Anouar-el-Sadate, mais également le leader Syrien Hafad-el-Assad. Mais ce projet de fédération sera finalement abandonné, treize ans après une première tentative d’union entre l’Egypte et la Syrie qui n’avait duré que quelques années….
Au Mozambique, un des rares territoires encore sous le joug colonial du Portugal, les Congrégations de Pères Blancs décident de quitter le pays pour protester contre les exactions commises par l'armée portugaise sur les populations locales.
Mobutu Sese Soko, c’est le nouveau nom de Joseph-Désiré Mobutu, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1965 au Congo (ex-Belge) qui vient d’ailleurs de rebaptiser son pays : « Le Zaïre » issu d’un mot d’origine portugaise et qui désignait déjà l’autre nom du fleuve Congo. Dès 1965, il a lancé un mouvement de « Zaïrianisation » de son pays, dans le but de retrouver des racines que la colonisation belge avait effacées : tant au niveau des lieux (Léopoldville la Capitale devient Kinshasa) que des patronymes…
En outre, cet ancien sergent-major de l’armée coloniale, devenu journaliste puis à la tête de ce vaste pays instaure un régime dictatorial, miné par la corruption, cultive un culte de la personnalité (souvent surnommé « Papa Maréchal », s’étant lui-même proclamé à ce titre, malgré ses piètres talents de stratège militaire) et s’enrichit considérablement jusqu’à son départ du pouvoir en 1995, chassé par son vieil ennemi Joseph Kabila qui rebaptisera le pays en « République Démocrate du Congo » en 1997 (date de la mort de Mobutu)….
La solution Pacifique
La conscience écologique avant l’heure : le 7 août 1971 est créé le forum du Pacifique sud, une organisation politique internationale de coopération régionale qui est composée de seize membres, principalement de pays indépendants de ce continent : dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle Guinée mais également de deux territoires français : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française.
Son but principal concernera la protection des ressources marines, le réchauffement terrestre qui menace de submerger les atolls, de l’émancipation de certains territoires de la région ou encore de la création d’une zone dénucléarisée….
Le Message de Menton
Bien avant les Conférences internationales sur le Climat, la prise de conscience écologique hante donc déjà certains esprits en cette année 1971 à commencer par ce « Message de Menton » (rédigé dans cette localité de la Côte d’Azur, à la frontière Franco-Italienne) qui sera transmis au secrétaire général de l’ONU, U Thant (qui sera remplacé cette année-là par Kurt Waldheim) et qui tend à rappeler que la planète est unique et partagée par tous les peuples qui l’habitent….
Il dénonce la détérioration de l’environnement et la pollution endémique mais également de la diminution des ressources naturelles comme certaines matières premières, le déboisement et l’explosion démographique (qui laisse augurer des problèmes de malnutrition)…
Les auteurs de ce « message » parmi lesquels on compte plusieurs Prix Nobel, des scientifiques de renom (comme Jean Rostand) ou encore René Dumont (précédemment cité) insistent sur une meilleure utilisation des technologies actuelles pour traiter des problèmes de pollution, de recyclage des matériaux, de contrôler la démographie et de rappeler que la terre qui paraissait immense est en fait exigüe peuplée habitants qui sont dépendants les uns des autres et nous interrogent sur l'héritage risquant d'être laissé aux générations futures…
Epilogue
Le monde de 1971 est paradoxalement éloigné de celui de 2021, comme nous avons pu le constater au vu des nombreux soubresauts géopolitiques : la disparition d’un monde bipolaire (Ouest-Est) issu des décombres de la Seconde Guerre Mondiale et du « rideau de fer » avec l’écroulement de l’URSS, l’éveil de la Chine et de ses satellites, de l’Inde, de la Corée du Sud ou encore de Brésil…
On a pu également assister à la naissance de nations nouvelles à travers le monde, de la fin des dictatures sanglantes d’Amérique latine ou de la décolonisation en Afrique, de l’élargissement de l’Europe que l’on pensait alors inimaginables…. D’une Afrique alors toujours convoitée par les anciennes puissances coloniales pour aujourd’hui répondre aux sirènes des nouveaux ténors économiques, un « impérialisme » peut en cacher un autre….
On a vu le « libérateur » Américain se transformer en « Gendarme du globe » et accumuler les revers militaires ou déstabiliser de façon durable certains régions du Moyen-Orient qui ont fait tache d’huile sur le continent africain… L’ex-URSS devenue la Russie tenter de retrouver ses lustres d’antan en revendiquant des territoires perdus…On a assisté à la chute de dictateurs jugés indéboulonnables mais auxquels ont souvent succéder des régimes faibles et instables….
On a pu assister à la « mondialisation » qui aura permis à certaines nations d’entrer dans le club des « pays » sinon développés, du moins émergents avec les avantages mais aussi les inconvénients que cela comporte (surtout pour les pays « développés » qui ont dû apprendre à partager, voire à présent composer comme avec la Chine)….
Mais ce monde de 1971 reste curieusement assez proche de nous : les bouleversements géopolitiques, démographiques et économiques ont toujours des résonnances dans notre présent avec des thèmes récurrents comme l’environnement, la démographie, et la persistance de « feux mal éteints » entre certaines nations alors belligérantes et toujours cette volonté de partitionner le monde en plusieurs blocs, hier est/ouest, aujourd’hui le monde US-Europe-Bloc Asiatique et en embuscade un Grand Sud incarnée par l’Afrique, dont l’avenir pose des questions tant au niveau démographique, que climatique ou encore économique…..
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Avoir 9 ans en 1971....
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DEUXIEME EPISODE
La dernière séance
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Messieurs les censeurs, bonsoir
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Apprenons à faire l'amour...