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Editorial du 15 mars 

 

 

Le mardi 8 août 1972, un journaliste de la station régionale ORTF de Picardie effectue alors son premier reportage à Bohain-en-Vermandois (Aisne) concernant le sauvetage réussi d’un enfant du village tombé dans un puits.

Il a 22 ans, il s’appelle Jean-Pierre Pernaut, c’est un fils de bonne famille (père industriel, mère pharmacienne) de la région d’Amiens, fraîchement sorti de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille. 

Si ce reportage local ne risque pas de faire remporter le « Prix Albert Londres » à son auteur, il constitue indéniablement la genèse du récit professionnel du jeune reporter, que dis-je, de sa « marque de fabrique » qui lui procurera plus tard une immense popularité : « l’actualité des régions », celle d’une France Girondine oubliée voire méprisée par une autre France Jacobine et élitiste…

Il « descend » cependant à Paris en 1975 pour intégrer la rédaction nationale de la Première Chaîne de Télévision (alors publique) prénommée TF1 depuis l’éclatement de l’ORTF l’année précédente…

Il y côtoiera d’emblée ceux qui feront passer le statut du présentateur du Journal Télévisé de « vedette » façon Zitrone à celui de « star du petit écran » : Roger Gicquel, Jean-Claude Bourret et Yves Mourousi… tandis que sur la chaine concurrente Antenne 2, un certain Patrick Poivre d’Arvor officiera pour finalement rejoindre la « Une », une décennie plus tard…

Notre localier Picard fait ses gammes à l’Information tâtant du reportage et de l’économie, attendant patiemment son heure de gloire. Il jouera le rôle de « Joker », en présentant occasionnellement le « 20 heures » et déjà le 13 heures en compagnie de son « modèle », Yves Mourousi, le « Pape de l’Edition de la mi-journée » qui formera ensuite un duo avec sa complice Marie-Laure Augry.

1987- TF1 est privatisée et dirigée par un géant du BTP, Francis Bouygues dont les rapports avec Mourousi, très hostile à cette privatisation sont mauvais, doublé d’un « persiflage » appuyé (présentation du journal avec un casque de chantier) pousse le roi du Béton à pousser « Moumou » et sa complice Marie-Laure vers la sortie (comme ce sera également le cas pour le « provocateur » Michel Polac).

La direction de l’info propulse alors le Joker Pernaut à la tête du 13 heures et cette fois-ci en « solo » mais avec quelques doutes toutefois sur la ligne éditoriale à suivre lorsque le nouveau présentateur prône bien avant l’heure « la France des Territoires »

Inquiet sur la volonté du nouveau titulaire de faire passer au second plan  « l’international » ils  prennent  cependant le risque de l’adouber car l’audience est en baisse, ce qui est fâcheux à l’heure de l’Audimat, le nouvel ADN de la chaîne fraîchement privatisée…

Etienne Mougeotte, vice-président de TF1 lui lance d’ailleurs : « Je sais que tu es Picard, que tu habites Amiens et que tu t’intéresses à la vie des gens. Si tu réussis, tu seras peut-être encore là dans vingt-cinq ans ». Ce qui provoque un gros éclat de rire à l’intéressé qui prend ça pour une sympathique boutade, l’avenir lui donnera plus que raison…

La mayonnaise prend petit à petit, et celui qui ne va pas tarder à devenir « JPP » (à ne pas confondre avec Jean-Pierre Papin) conquiert le cœur des téléspectateurs et le conservera durant … 33 ans !

Pendant toutes ces années, plus de 7000 « JT » seront présentés suivis par près de 6 millions de téléspectateurs assidus chaque jour de la semaine à l’heure du déjeuner…

De ses prédécesseurs, JPP conserve l’esprit d’équipe, se constitue son binôme à lui avec Evelyne Dhéliat, ex-speakerine devenue Prêtresse de la Météo et qui vit avec les couleurs du temps après avoir connu des débuts en Noir et blanc à l’ORTF mais le « binôme » traverse les couloirs du temps avec une longévité déconcertante…

JPP choisit également la présentation sans prompteur (au risque de bafouiller parfois), le nez souvent plongé dans ses notes tout en fixant la caméra comme pour mieux convaincre son auditoire déjà captivé…

Adulé par une France « profonde » qui rentre manger chez elle le midi, le « pape du 13 heures est cependant ignoré par l’autre France, celle des CSP+ ou des « intellos » qui goûtent peu sa vision de l’information, trop largement dominée par cette « France des régions, à l’écoute de ceux que l’on entend rarement », délaissant relativement le reste du monde…

L’ancien Joker est donc devenu Roi, une « star » de l’info dont le nom fait autant la Une du « Courrier Picard » (probablement son quotidien préféré) que de celle de «Closer » suite à son remariage avec une ancienne Miss France, Nathalie Marquay…

Au niveau de ses concurrents, Pernaut sera également sujet à de nombreuses critiques car jugé souvent populiste, libéral tendance réac et dont les « coups de gueule » notamment durant la crise sanitaire ne semblent porter qu’au « Café du commerce »…

D’autres pourront ironiser méchamment sur les premiers mots d’introduction de son journal du style :  « Madame, Monsieur Bonjour. Aujourd’hui , dans l’actualité,  la Guerre en Ukraine entre la Météo d’Evelyne Dhéliat et un reportage sur le Petit Train du Crotoy… »

Quoiqu’il en soit, il demeure en tête de l’audimat, devançant la concurrence directe, celle de France 2, qui verra passer durant ces trois décennies de nombreux titulaires jusqu’à ce qu’une certaine Marie Sophie Lacarrau ne franchisse le « Rubicon » en étant choisie comme successeur de l’indéboulonnable JPP qui a décidé de céder son siège à la surprise générale….

Eh oui, celui qui fut l’infatigable artisan d’une « information de proximité » a décidé de rendre l’antenne (du moins, celle du 13 heures), probablement du fait de ses nombreux problèmes de santé et surement par sagesse, évitant ainsi de sortir triomphalement par la « grande porte » a contrario de certains de ses illustres prédécesseurs qui eux, ont tout simplement « pris la porte »…

Lors de son passage de témoin, la voix étranglée par l’émotion,  Jean-Pierre Pernaut confia à son fidèle public « je ne vous oublierai jamais ». Ce fameux public qui lui a rendu la pareille en lui rendant un vibrant hommage lors de sa disparition…

Qu’on l’aime ou que l’on n’aime pas, chacun conviendra que Jean-Pierre Pernaut est entré à sa façon dans l’histoire de la Télévision, apportant une petite pierre à l’édifice qu’est le Journal Télévisé, dont les fondations furent portées par des pionniers dans l’immédiat après-guerre et qui continuent à éclairer cette « étrange lucarne »….

 

 

GUERNICAPOL (Editorial du 23 mars)

Philippe DUPONT

 

 

 

Que se passe-t-il ?
J’y comprends rien
Y avait une ville
Et y a plus rien

 

C’était le premier couplet d’une chanson de Claude Nougaro et cela pourrait presque faire penser à l’état actuel de Marioupol, ce port du sud de l’Ukraine situé sur la Mer d’Azov qui comptait avant le déclenchement de la guerre il y a encore un mois,  autant d’habitants que la ville natale du chanteur Toulousain, à savoir : près de 450 000 habitants….

Mais aujourd’hui la situation est totalement différente : chaque jour le monde entier assiste, sans pouvoir faire grand-chose que de s’indigner, à la lente descente aux enfers d’une cité dont peut-être un petit tiers des habitants continuent à résister vaillamment à une Armée Russe déterminée plus que jamais à anéantir cette « poche héroïque » qui lui permettra par la suite de progresser vers le Nord en direction de Kiev….

Ce qui a fait dire au Consul Grec témoin des bombardements incessants que la cité portuaire subissait le même sort que celui de cette ville du Pays basque Espagnol qui fut aux premières loges de la terrible guerre civile entre les Républicains et les Nationalistes dans les jours sombres de 1937...

Ce parallèle entre la petite ville de l’autre côté des Pyrénées, (dont le calvaire a été immortalisé par le célèbre tableau de Picasso sans oublier un poème plus méconnu de Paul Eluard) et ce port du Sud de l’Ukraine   peut apparaître surprenant et ce, en dépit d’un ressenti légitime de ce diplomate face à des paysages de désolation…

Surprenant vraiment, se questionneront certains? Criant de similitude, répliqueront d’autres….

Dans le premier cas, le mitraillage impitoyable des populations Basques, composées de personnes vulnérables (femmes et enfants) sur la route de l’exode orchestrée par la légion Condor, ce corps issu de l’armée de l’air, composé de volontaires Allemands (épaulé par l’allié Fasciste Italien) prompts à favoriser l’accès au pouvoir des Franquistes (ce qu’ils réussiront à faire) et surtout la volonté d’Hitler de s’en servir de « champ d’expérimentation » pour sa « conquête » des territoires qui renforcera de facto sa volonté de renforcer sa zone d’influence…

Dans le second cas, un même pilonnage acharné sur une ville, mais dû à l’évident constat d’une difficulté à pouvoir conquérir rapidement ce morceau de territoire dont les habitants encerclés, privés d’électricité, d’eau et de plus en plus de vivres refusent une quelconque reddition, persuadés d’être massacrés par la suite sous les fourches caudines meurtrières du Maitre du Kremlin .

Ce dernier, quoiqu’il arrive, ira jusqu’au bout d’une entreprise dont le but initial était à l’origine, selon lui, de « libérer » l’Ukraine, « ce pays qui ne devrait pas exister » en outre infesté de « néonazis » et « drogués » qui briment les minorités russophones avec l’aval des forces de l’OTAN et de l’Occident. Ce monde Occidental qui l’humilia selon lui,  au début des années 90 lors de la nouvelle partition de l’Europe de l’Est qui lui était jusqu’alors acquise et qui s’affirme comme un fervent soutien de ces poches de résistance…

Ce qui est certain, c’est que ces deux lieux : Marioupol (« La ville de Marie ») et Guernica, distante de 4 400 kilomètres, malgré des différences de contexte et d’époque sont devenues des « villes martyres »,  symbole de l’absurdité des guerres et de l’horreur des conflits humains qui, hier comme aujourd’hui nous interpellent plus que jamais, nous les spectateurs autant indignés qu’impuissants qui pensions encore récemment qu’au cœur de l’Europe, « tout cela appartenait au passé » et qui nous fait une violente piqure de rappel « l’histoire ne se répète pas, elle bégaie… »