LES CHEMINS DE FER EN ESSONNE : DE NOS JOURS (ET APRES)
Acte 4
L’après Deuxième Guerre mondiale fut un temps de reconstruction du réseau, de rationalisation et de l’établissement de flux de la banlieue en début d’expansion vers la capitale.
A partir des années soixante, deux projets essentiels furent mis en place : le réseau express régional (RER) et le train à grande vitesse (TGV). Ces deux grands chantiers vont transformer le paysage ferroviaire essonnien.
Fermetures et ouvertures
Toutes les lignes secondaires, ou presque, ayant été désaffectées au cours des décennies précédentes, le réseau essonnien subit peu de changements au cours des années soixante. Seule la ligne Etampes-Pithiviers cessa son activité voyageurs en 1969. Une partie a été transformée en vélo rail, pour les loisirs.
Les petites parties de la ligne Etampes –Auneau subsistant après la fermeture de la ligne suspendirent leur activité en 1969. La ligne fut déclassée en 1972, la voie déposée et vendue entre 1973 et 1977. Elle a fait place en partie à une voie verte d’Etampes à Saint Hilaire (promenade possible jusqu’au Plessis Saint Benoît).
La réforme Delouvrier, qui révolutionne l’organisation territoriale des départements franciliens au début des années soixante, va avoir des conséquences importantes sur le réseau de la toute nouvelle Essonne. Cette réforme, dont le but est la gestion et la « canalisation » du développement très rapide de l’Ile de France, s’appuie sur trois concepts majeurs : création de nouveaux départements (démantèlement de la Seine et de la Seine et Oise), gestion des flux de transport (autoroutes urbaines, voies ferrées, création du RER) et création de villes nouvelles.
Lors de la création de l’Essonne, la commune d’Evry est choisie (avec les communes limitrophes) pour devenir la préfecture du nouveau département. L’urbanisation rapide en prévision sur cette zone exigera un développement des moyens de transport. Nous sommes encore à l’ère de la voiture reine, mais la saturation des réseaux routiers va engendrer la mise en place de la première ligne ferroviaire créée par la SNCF depuis sa fondation (en 1938 !) : la ligne de Grigny à Corbeil-Essonnes ou « ligne du plateau d’Evry ». Cette ligne double celle plus ancienne de Villeneuve Saint Georges à Montargis par Corbeil et dessert la plupart des quartiers de la ville nouvelle.
Cette ligne nouvelle est mise en service le 16 février 1974 jusqu’à Grigny centre, puis ouverte en totalité le 6 décembre 1975.
Pendant ce temps, la ligne de Corbeil Essonnes à Melun voit passer des trains inter cités de nuit, provenant de Paris et se dirigeant vers le Sud-Est de la France. Elle est aussi une voie de diversion en cas de problème sur la ligne Paris Lyon Marseille.
Sur ce réseau, plus tardivement, notons l’électrification des voies de Corbeil à la Ferté Alais en 1984 et de la Ferté Alais à Malesherbes en 1992.
La naissance du Réseau Express Régional (R.E.R.)
L’idée du RER est née dès le début du XXe siècle d’une problématique : relier les gares parisiennes entre elles en supprimant les ruptures de charge entre elles.
Dès 1936, le plan Ruhlmann – Langevin prévoyait la création d’un métro express régional à grand gabarit, reliant les gares parisiennes entre elles ainsi que la banlieue en pleine croissance, sur le modèle S-Bahn allemand.
Le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (SDAURP), adopté en 1965, va permettre la mise en œuvre de ce projet. Ce plan, conçu sous la direction de Paul Delouvrier, crée les nouveaux départements franciliens et définit aussi l’avenir des transports dans l’agglomération.
Le principe d’un réseau traversant Paris et desservant les grands centres d’activité du moment et envisagés est dessiné ; il subira cependant plusieurs corrections et changements de priorités (notamment la desserte par une ligne passant par Massy Palaiseau de la ville nouvelle du plateau de Saclay, déplacée à Saint Quentin en Yvelines, avec terminus à Trappes).
Après moult études et discussions, quatre lignes, notées A à D sont mises en chantier. Une cinquième, la ligne E, sera construite plus tardivement (elle n’est pas achevée, les travaux sont toujours en cours). Seules trois lignes, B, C et D traversent notre département.
La ligne B, qui traverse notre département des communes de Bures sur Yvette à Massy, est la plus ancienne. C’est l’ancienne « ligne de Sceaux ». Son terminus parisien a longtemps été la gare de Luxembourg, jusqu’à la prolongation vers Saint Michel (interconnexion avec la ligne C), Châtelet, gare du Nord puis la banlieue nord et l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle.
La mise en chantier a eu lieu en 1976, dans des terrains difficiles, pour une inauguration en 1981 à la gare du Nord. Cependant, l’interconnexion avec les branches nord n’est mise en place qu’entre 1983 et 1987. Une nouvelle partie de la gare du Nord a dû être construite pour l’occasion.
La ligne C : Depuis longtemps, l’idée de relier les deux terminus du centre parisien, gare d’Orsay et Invalides, était étudiée. La proximité de la Seine et les différences d’alimentation (caténaire d’un côté, troisième rail de l’autre) ont retardé la réalisation du projet. Après des années de travaux, l’inauguration du nouveau tronçon a lieu le 26 septembre 1979, en présence de Raymond Barre, premier ministre.
En 1980 est officiellement créée la ligne C du RER. Celle-ci est prolongée jusqu’à Saint Quentin en Yveline la même année. Dans notre département, elle comporte plusieurs branches, l’une ayant pour terminus Saint Martin d’Etampes, une autre Dourdan la Forêt (initialement Dourdan, mais une prolongation a été mise en place pour la desserte du lycée de Dourdan notamment). Ces deux branches se rejoignent à Brétigny sur Orge. La ligne remonte ensuite la vallée de l’Orge jusqu’à Juvisy, où se raccorde (intégralement depuis 1984) la ligne venant de Versailles Chantiers via Massy Palaiseau. Les premiers trains à 2 niveaux apparaissent en 1984 sur cette ligne.
La ligne D : Prolongeant vers le Nord de Paris les lignes de banlieue de la gare de Lyon, elle se connecte aux lignes A et B à Châtelet – les Halles et rejoint ensuite la gare du Nord. L’interconnexion Sud – Nord est mise en service en septembre 1995, elle soulage dans Paris les lignes A et B surchargées et met en relation les lignes de Melun et Malesherbes, qui traversent le Sud – Est de l’Essonne avec les lignes d’Orry la Ville et Goussainville.
Lors de l’inauguration du pôle intermodal d’Evry – Courcouronnes en 2009, deux des trois gares d’Evry ont été rebaptisées, pour plus de lisibilité. Evry-Courcouronnes et Evry s’appellent dorénavant, respectivement, Evry – centre et Evry – Val – de Seine.
La carte Orange
Objet mythique des transports franciliens, elle a vu le jour en 1975. Une carte de couleur orange (évidemment), avec photo et signature, un ticket hebdomadaire, mensuel ou par la suite annuel, permettant l’accès à tous les moyens de transports dans des zones concentriques autour de Paris (le nombre de zones déterminant le prix), et cela en libre circulation, tout cela était particulièrement novateur ! Ce n’était pas le premier essai de simplification des abonnements de transport.
En 1968, le ticket Ivoire commun fut mis en place, puis en 1971, un ticket valable sur tous les moyens de transport d’Ile de France. La popularité de la carte orange vint de la libre circulation sur les zones définies du réseau. La dématérialisation du titre de transport intervint en 2005, avec l’apparition de la carte Navigo. Mais beaucoup d’usagers utilisèrent le terme « Carte Orange » pendant quelque temps. Depuis mars 2010, ce terme est totalement abandonné par le STIF, gestionnaire des transports en Ile de France. Le pass Navigo est devenu la norme.
L’arrivée du TGV
Il y a 40 ans, l’arrivée du TGV a eu peu d’impact sur le département de l’Essonne. Bien sûr, les rames circulant de Paris à Lyon ne traversent que furtivement le nord – est du département, sans arrêt.
La révolution vint de la mise en service du TGV ouest. Tout d’abord au niveau de l’établissement de la voie.
Au début du XXe siècle, une ligne de chemin de fer ralliait Paris à Chartres via Limours et Gallardon. Mise en service pendant les années 30, elle fut assez rapidement fermée. Pendant les années 60, il était prévu que l’autoroute A 10 pénètre jusqu’au boulevard périphérique de Paris en utilisant la plateforme de la voie, désaffectée. Cette proposition fut abandonnée, le tracé de cette ancienne ligne ne fut utilisé à ces fins que sur le court tronçon de Villebon à Palaiseau. Un autre tronçon, près de Gometz la ville, fut utilisé comme lieu de test de l’aérotrain de l’ingénieur Jean Bertin (le monorail est encore en place). Après l’abandon de ces projets, la ligne LGV emprunta une section de cette ligne désaffectée de la cuvette de Palaiseau à Montrouge.
La gare de Massy TGV : L’établissement d’une gare en banlieue de Paris s’est révélé nécessaire sur le parcours du TGV Ouest, tout d’abord pour délester la gare Montparnasse et permettre aux voyageurs d’accéder plus rapidement à la partie sud de l’agglomération.
Le réseau TGV, bien que conçu au départ en étoile autour de la capitale (comme souvent en France), est aussi un moyen de relier entre elles les grandes villes françaises et des pays proches. Les gares parisiennes étant des terminus, les éviter s’avérait logique.
Un contournement de la capitale, utilisant au sud la ligne de grande ceinture fut décidé et puisque la voie TGV passait par Massy-Palaiseau et que cette gare offrait de multiples possibilités de correspondances (SNCF, RER B et C, bus), l’emplacement s’imposait et la gare Massy TGV fut implantée là. Cette gare est desservie par les TGV province – province et par certaines rames pour Montparnasse.
Cette décision s’avéra être un bon choix, même si l’emplacement, trop près de Paris, suscita quelques réticences au départ (mais la question du contournement sud de Paris fut aussi l’objet de débats). L’inauguration a eu lieu en septembre 1991, elle accueille actuellement plus de 2 millions de passagers par an. Les TGV Atlantique province – province empruntent ensuite une portion de la ligne de grande ceinture, longeant la gare de Massy – Verrières puis la défunte station de Wissous.
Signalons enfin que la gare de Juvisy sur Orge fut desservie par les TGV allant de Brive la Gaillarde à Lille, de 2007 à la fin du service en 2016.
Accidents graves
De nombreux « accidents de personnes » se produisent hélas. Mais deux d’entre eux ont marqué les esprits par le nombre de victimes.
L’accident ferroviaire de la gare de Lyon : le 27 juin 1988, vers 19h00, un train de banlieue venant de Melun via Corbeil Essonnes, lancé à 70 km/h, percute très violemment un train à l’arrêt en partance pour Melun, dans la gare souterraine de banlieue. Le choc très violent fait 56 morts et 57 blessés. L’enquête révèlera une série de dysfonctionnements techniques et humains et un concours de circonstances. Ce fut la plus grosse catastrophe en Ile de France depuis la création de la SNCF.
L’accident ferroviaire de Brétigny sur Orge : Le 12 juillet 2013 vers 17h00, un train de grandes lignes reliant Paris à Limoges avec 385 personnes à bord, déraille en gare de Brétigny. On dénombrera 7 morts (dont 4 fauchés sur le quai) et 69 blessés. L’accident est dû à la défaillance d’une éclisse (pièce métallique reliant 2 rails), semblant être en état de vétusté.
Et le futur ?
Le réseau essonnien ne semble pas devoir subir de nouvelles fermetures de lignes, ceci ayant été effectué depuis bien longtemps. De plus, ces lignes sont intégrées au réseau RER.
Par contre, de nombreuses gares voient leurs guichets supprimés, pour des questions de rentabilité, certaines d’entre elles sont même fermées et vendues comme habitations privées (comme celle de Boissy la Rivière). Bien sûr, on trouve sur les quais de plus en plus de bornes automatiques pour acheter les titres de transport (quand elles ne sont pas saccagées), quand la démarche n’est pas effectuée sur Internet.
Mais n’oublions pas que de nombreuses personnes sont en situation « d’illectronisme », difficulté à maîtriser un outil informatique ou automatisé, et que même sans en être à ce point, la réponse à une question, une aide, un conseil sont parfois plus agréables et utiles donnés par un être humain en présentiel que par une machine pilotée par un algorithme.
Rouvrir des lignes ? Malgré les demandes d’élus ou de citoyens, l’augmentation de la population et les besoins écologiques de limiter la circulation routière, cela semble peu probable. Les implantations des voies des petits trains locaux ont été souvent morcelées, les voies plus importantes, dans le sud du département ont été démontées, leur implantation vouée aux activités ludiques, telles que voies vertes ou vélo-rail. Difficile hélas de revenir en arrière.
Dernier point important concernant les voies ferrées : la France redécouvre, longtemps après les pays d’Europe centrale et de l’Est, l’intérêt des tramways. Qu’ils soient en ville ou en campagne (assimilés alors aux réseaux locaux), ils avaient été pratiquement abandonnés pendant des décennies. Aujourd’hui, un fort engouement pour ce type de transport urbain et périurbain pousse à la construction de nombreux réseaux. L’Essonne n’échappe pas à ce phénomène. Ainsi, la ligne T7, inaugurée en 2013, relie Athis Mons « porte de l’Essonne » à la station de métro « Villejuif Louis Aragon ». Elle doit être prolongée jusqu’à la gare de Juvisy. Cette ligne pourra permettre une correspondance avec la future gare « Aéroport d’Orly TGV », après 2030.
Le plus grand changement à venir sera la mise en service de la ligne de tramway T12 reliant Evry à Massy (tram – train en fait). Longue de 20 km, elle utilisera 10 km de voie nouvelle. Pour le reste, elle remplacera l’embranchement de la ligne C allant d’Epinay sur Orge à Massy.
Deux conséquences : c’est la branche RER C2 qui devrait desservir les gares de Massy à Versailles Chantiers. D’autre part, les RER de la branche Savigny – Massy devraient être détournées vers Brétigny et améliorer la desserte des lignes du sud essonnien.
Ainsi s’achève cette saga simplifiée des Chemins de fer essonniens. Pour entrer dans les détails, vous pouvez tenter de retrouver l’ouvrage très complet de feu Roger Bailly : « Cent cinquante ans de chemin de fer en Essonne ». De nombreux articles et documents ont été consultés (d’époque notamment, citons par exemple page 41 de Ferrovissime n°45 pour l’accident d’Etréchy, mais aussi « Etréchy notes d’histoire » de R. Josse), archives ferroviaires … N’hésitez pas à approfondir vos connaissances sur ce pan important de l’histoire de l’Essonne … et son futur !
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