Statue de Pierre-Paul Riquet

Douzième Episode


Epilogue

Il y avait une ville...

TOULOUSE VU PAR.....

« A mesure que les années passent, chaque quartier, chaque rue d’une ville, évoque un souvenir, une rencontre, un chagrin, un moment de bonheur »

                                                                                                               Patrick Modiano

TOULOUSE VU PAR.....

Si ce mercredi soir notre périple s’est achevé au niveau du « Chemin », il n'en est pas de même en ce qui concerne la visite de « Toulouse », cette ville dans laquelle nous allons séjourner encore deux jours complets avant notre départ prévu samedi matin…

Cette découverte de la Ville Rose constituera un peu « notre repos du guerrier » durant cette période si particulière, alors marquée par un « entre-deux » : entre un après « premier confinement » avec la redécouverte de la « liberté » après deux mois « sous cloche » mais avec des restrictions, « le masque obligatoire dans toute la ville » (alors qu’en Ile de France, il ne restait qu’optionnel) et le « deuxième confinement » qui ne tardera pas à pointer son nez aux prémices de l’automne.

Si ce mercredi soir notre périple s’est achevé au niveau du « Chemin », il n'en est pas de même en ce qui concerne la visite de « Toulouse », cette ville dans laquelle nous allons séjourner encore deux jours complets avant notre départ prévu samedi matin…


SOIREE TOULOUSAINE

Nous quittons la Petite Auberge de Saint-Sernin afin de nous fondre dans les rues pittoresques du Vieux Toulouse.  Affublé d’un masque un peu trop large, je fais un « selfie » que j’ai l’imprudence de transférer sur Facebook dans le dessein d’alerter mes « amis » sur la réalité du port du masque obligatoire à Toulouse.

Dans les minutes qui suivent, je reçois quelques retours « railleurs » dont celui de Laurent, le fils de Christèle qui m’adresse un « tu comptes rejoindre le Jihad ? » auquel je réponds « Tout à fait, je compte même partir en Syrie avec ta mère » ou encore de mes collègues du Conseil municipal  d’Etréchy qui me demandent « si je participe à un bal masqué » …

En nous engageant rue du Taur qui est située entre Saint-Sernin et la Place du Capitole, nous découvrons l’Eglise Notre Dame du Taur et son massif clocher-mur. C’est un édifice religieux de type Gothique méridional qui a été construit entre le XIVe et le XVIe siècles sur l’emplacement présumé du supplice de Saint-Saturnin, dont le corps martyrisé s’était détaché du « taureau » qui le trainait derrière lui….

Il fait encore très chaud lorsque nous débouchons sur la place du Capitole, l’endroit le plus célèbre du centre historique de Toulouse, au cœur du quartier éponyme…. Si Nancy est connue pour sa majestueuse Place Stanislas, Montpellier celle de la Comédie et Lyon avec Bellecour, Toulouse peut s’enorgueillir d’avoir également érigé ce magnifique ensemble urbain classique à partir du XVIIIème siècle.

L’origine du nom de lieu viendrait de la volonté des Consuls de la ville, les « Capitouls » d’affirmer leur pouvoir en mettant en valeur leur « maison commune » : le Capitole dont la construction sera l’œuvre de nombreux artistes de la région.

Au cours de l’histoire, cette vaste place est restée un lieu dédié au Marché et aux fêtes après avoir été celui reservé aux exécutions capitales avec la complicité de la Guillotine…. au cours de périodes  bien plus sombres .

Sa physionomie actuelle des lieux remonte au XIXème siècle, avec ses boutiques et ses grands cafés qui exhibent leurs terrasses ombragées. Nous décidons de nous poser et de prendre l’apéritif, entouré de nombreux voisins et voisines qui profitent comme nous de la douceur de ce début de soirée….

TANGO

Nous cherchons le restaurant Argentin que nous a recommandé Stéphane. Certains d’entre vous pourront trouver curieux de venir à Toulouse pour espérer manger comme à Buenos Aires mais après tout, c’est involontairement un « clin d’œil » à un célèbre natif de Toulouse, Charles Romuald Gardés qui partit à l’âge de 2 ans avec sa mère lingère et célibataire, à la conquête de cet « eldorado » sud-américain que représentait alors l’Argentine à la fin du XIXème siècle.

Un peu plus tard, celui que l’on surnommera « El Francesito » (« le petit Français ») deviendra l’idole de son pays d’adoption en devenant le roi du « Tango », cette danse des « Barrios » ces quartiers populaires de la Capitale Argentine et prendra désormais le nom de «Carlos Gardel ». 

Il connaîtra une gloire internationale, dépassant largement celle de son pays d’adoption, revenant même se produire en France sans oublier de rendre visite à sa famille Toulousaine avant de disparaître tragiquement dans un accident d’avion en 1935 près de Medellin en Colombie, il n’avait que 45 ans et sa mort provoqua alors une vague d’émotion considérable….

Nous errons dans les rues adjacentes au Capitole afin de trouver ce fameux restaurant, avançant justement à l’aveuglette comme deux danseurs de Tango qui tentent de trouver leur rythme tout en étant bercés par les clameurs de la foule environnante qui pourraient évoquer le soupir d’un bandonéon solitaire…

La vitrine de « El Caminito » (« le petit chemin ») se présente enfin à nous, c’est bien le nom du restaurant situé au beau milieu de la Rue des Gestes, malheureusement nous découvrons qu’il est fermé bien qu’aucun panneau n’en indique la raison.

Légèrement désappointés, nous quittons cette rue pourtant pittoresque du Vieux Toulouse en quête d’un nouveau restaurant que nous choisirons un peu plus loin, cela sera un « restaurant Coréen » !  En définitive, un dépaysement garanti pour terminer cette première soirée au cœur de la Ville Rose…

UNE JOURNEE PARTICULIERE

27/08

Aux alentours de sept heures trente du matin, nous quittons « La petite auberge de Saint Sernin » afin de nous diriger vers ce qui sera notre prochain lieu d’hébergement durant les deux prochains jours : notre hôtel situé à quelques centaines de mètres de la Gare de Matabiau, dans la partie orientale de ce centre historique.

Le temps de se rendre à notre hébergement, nous retrouvons les joies du sac à dos bien rempli mais pour une période heureusement de courte durée. Auparavant, nous débouchons sur le Boulevard de Strasbourg, cette longue artère très animée avec ses immeubles de style « Haussmannien » comme on en construisait beaucoup dans les grandes villes françaises sous le second Empire notamment à Marseille, Lyon, Bordeaux ou bien sûr Toulouse.

C’est le moment idéal, en cette douce période d’insouciance de prendre un copieux petit-déjeuner, de préférence sur une terrasse  et de faire le point sur la journée qui va suivre : à savoir continuer notre visite approfondie de la Capitale Occitane....

RIQUET ET JAURES FOREVER

Devinez comment s’appelle notre futur lieu d'hébergement ? : c’est l’hôtel Riquet !. Il est situé effectivement tout près de la vaste gare Matabiau mais également à proximité d’une grande artère nommée Jean Jaurès qui permet de regagner rapidement le centre-ville… Un choix judicieux de Christèle et qui répond à un côté pratique…

Eh, oui !. Le même Riquet qui nous a accompagné depuis notre descente du train à Béziers, sa ville natale, en passant par Revel où il avait élu domicile pour superviser son chef-d’œuvre : le canal du Midi près duquel nous avons bien usé nos chaussures de randonnée jusqu’aux portes de la ville comme chacun sait, mais qui continue son cours à travers la ville sur sa partie orientale avec ses diverses écluses qui la traversent : Bayard-Matabiau, des Minimes et du Béarnais (qui bifurque vers l’ouest).

La Statue de Pierre Paul Riquet a été érigée à l’entrée des Allées qui portent le nom de Jean Jaurès, cette autre figure locale qui, quant à lui, nous accompagne depuis Castres, sa ville natale et qui enseigna d''ailleurs ici, à l’université de Toulouse…

L’hôtel Riquet a élu domicile dans une petite rue éponyme et perpendiculaire aux Allées, étant entouré d’immeubles de bureaux et qui comporte plusieurs étages. L’ établissement 3 étoiles compte 56 chambres. Il possède également une piscine extérieure (mais qui est fermée pour des raisons sanitaires) tout comme le Spa et la salle de Fitness.

Nous déposons nos bagages dans la remise de l’hôtel car nous ne pouvons pas encore accéder à la chambre : il n’est que neuf heures trente. Le réceptionniste est sympathique et serviable, il nous donne quelques indications sur les curiosités de la ville tout en nous transmettant un plan urbain.

Ancien habitant du quartier des Carmes, situé au sud-ouest du Centre- ville, non loin de la Garonne, il nous conseille de nous y rendre, vantant un endroit qui est porteur, selon lui de « l’âme Toulousaine » …

LE POUMON VERT

Nous repartons ensuite à la découverte de la ville en empruntant ces vastes allées Jean Jaurès, des ramblas-jardin qui sont une sorte de large avenue inspirée du modèle Barcelonais avec une esplanade centrale de 17 mètres de large, légèrement surélevée pour la sécurité et composée d’espaces verts, de jardins ainsi que de zones piétonnes minérales. A la vérité,  ceci est la réalisation d'un  projet de rénovation urbaine plutôt coûteux mais aux valeurs écologiques indéniables, d'après ce qu'en pensent les observateurs locaux....

Ce poumon « vert » permet de rejoindre directement le rond-point Wilson situé non loin de la place du Capitole. Ce principe des ramblas est assez répandu dans la plupart des grandes métropoles du sud de l’Europe et elles sont souvent très animées de jour comme tard dans la soirée. Ici, elles présentent la particularité d'être une sorte de courroie de transmission entre la Gare Matabiau et le vieux Toulouse.

Depuis le XIX ème siècle, la forte croissance démographique de l’actuelle Capitale de l’Occitanie a contraint celle-ci à la modernisation d'un habitat traditionnel jusqu'àlors composé de rues tortueuses et coincées entre le Canal du Midi et la Garonne pour les remplacer par de grandes artères de circulation indispensables pour décongestionner la circulation des personnes....

Le grand artisan de cette rénovation urbaine fut indéniablement Urbain Vitry devenant pendant près d’un demi-siècle  l’architecte en chef de la ville. Nous avons déjà évoqué son nom lors de notre étape à Revel où on lui doit la réalisation de la fameuse Halle de la Place Philippe de Valois.

Nous débouchons sur la Place de la Concorde où trône la statue de Clémence Isaure qui aurait créé ou relancé au Moyen-âge, les « Jeux Floraux » sorte de concours poétique qui récompensait avec des « fleurs d’or » les meilleurs poètes du moment.

Cependant, l’existence de la Dame n’a jamais été prouvée sinon par l’intermédiaire d’écrits équivoques la concernant. En fait, les « jeux floraux » auraient été créés grâce à l’initiative de sept troubadours en 1323 qui étaient soucieux de perpétuer la culture en langue d’Oc qui connaissait alors un déclin notable. Il est important de rappeler que ce concours a traversé les siècles jusqu’à nos jours....

Non loin de là, nous retrouvons le Boulevard de Strasbourg qui correspond bien à toutes ces grandes artères percées sous le Second Empire avec ses immeubles Haussmanniens et ses nombreux commerces où il est bon de flâner.

UNE VILLE DE RESISTANCE

Sur une des façades d’immeuble est apposée une plaque commémorative qui rappelle que l’humoriste Pierre Dac, l’auteur de « L’Os à Moelle » qui fut également le « speaker » de la France Libre  et qui vécut clandestinement en ce lieu avant de s’évader vers Londres…

D’autres plaques rappellent aussi qu’au moment de la terrible Guerre Civile Espagnole entre 1936 et 1939, plus de 500 000 réfugiés espagnols franchirent les Pyrénées pour fuir le Franquisme et près de 100 000 d’entre eux se fixèrent à Toulouse… Jusqu’à la fin de la Dictature en 1975, les partis d’Opposition étant interdits, beaucoup d’entre eux tenaient leurs réunions en France, dont le Parti Socialiste Ouvrier qui avait son siège à …Toulouse….

LA TERRASSE DE MIDI

Nous flânons dans ce périmètre compris entre la Place du Capitole et la Cathédrale Saint Sauveur, à travers les ruelles piétonnes aux maisons en brique rouge ainsi que ses places animées. La Place de la Trinité, située au Nord du quartier des Carmes est un endroit agréable avec ses Cafés typiques et surtout sa Fontaine que l’on doit d’ailleurs à l’architecte Vitry.

Avant de nous poser non loin de là, Place Saint-Georges, nous continuons à parcourir les rues tortueuses qui sont composées d’échoppes comme dans celles de la rue Joulx d’Aigues ou des Changes sans oublier La Place des Carmes avec son Marché couvert….

Située à l'angle des rues Boulbonne et Cantegril, sur les fondations d’un ancien puits, se dresse la fontaine Boulbonne qui est l'œuvre du sculpteur Toulousain Labatut et qui date du début du XXème siècle.

Installée ici depuis sa rénovation en 1984, elle est adossée à un mur revêtu de briques qui se trouve en parfaite communion architecturale avec les immeubles voisins. La sculpture est une allégorie représentant la Garonne offrant l’énergie électrique à la ville de Toulouse.

Il fait très chaud, on aurait presque envie de « tomber la chemise » comme le chantait Zebda (« beurre » en arabe), ce groupe de rock et de reggae très engagé qui connut son heure de gloire durant la décennie 90 et étant originaires de la cité HLM des Izards (situé au nord-est de Toulouse) .

Nous finissons par rejoindre la Place Saint-Georges qui constituera notre Halte-déjeuner. A l’heure où nous écrivons ces lignes, période de troisième confinement (avril 2021), le fait d’évoquer des déjeuners en terrasse sur la Place Saint Georges parait être un lointain souvenir, même si à l’époque, le port du masque était obligatoire, il régnait sur cette place une relative insouciance malgré les précautions prises par des serveurs en nœud pap’, affubliés de leur  large tablier qui tentaient tant bien que mal de respecter les conditions de sécurité.

Cette place Saint-Georges dest chargée d’histoire et n’a pas toujours connu une atmosphère festive. Son souvenir est marqué par la fameuse affaire Calas qui défraya l’actualité judiciaire à Toulouse entre 1761 et 1765 sur fond de sempiternel conflit religieux entre Protestants et Catholiques et qui sera remis en lumière grâce à l’intervention de Voltaire…

Jean Calas était un commerçant (protestant) de la ville qui fut suspecté puis condamné pour avoir assassiner son fils au sein même du domicile familial, ce dernier voulant sefd convertir au Catholicisme.

Après une enquête entachée d’irrégularités et l’emploi de procédés très contestables (dont la torture et d’une instruction du dossier fondée sur des rumeurs voire des ragots), à la forte connotation politique, le malheureux commerçant fut condamné à mort et roué vif sur cette place Saint-Georges qui se trouvait à quelques mètres de son domicile, rue des Filatiers…

Ultérieurement, un autre fils de Jean Calas s’exila à Genève, terre Calviniste bien connue où il rencontra Voltaire. Ce dernier, d’abord hostile à Calas, réétudia le dossier et démonta point par point tous les éléments de l’enquête et publia  ensuite un « traité de l’intolérance » pour bien mettre en exergue le côté politique de l’affaire et surtout incditer à la tolérance entre les religions tout en condamnant  le fanatisme (largement véhiculé, selon lui, par les très influents Jésuites) ainsi que les superstitions qui sont accolées aux croyances.

L’ouvrage connut un grand retentissement et permit le rétablissement des droits de la veuve Calas et surtout la réhabilitation de la mémoire de son époux…A l’ombre d’un large parasol, nous trinquons une nouvelle fois à «la fin de notre périple » et surtout à notre séjour dans la « Ville Rose » …Le début d’après-midi sera marqué par la visite de la Cathédrale Saint-Sauveur.

C’est vrai, on a l’impression que Saint Sernin a sensiblement volé la « vedette » à cette Cathédrale, comme c’est aussi un peu le cas à Marseille pour Notre-Dame de la Garde avec la Major ou encore à Lyon pour la Basilique de Fourvière et la Cathédrale Saint Jean…

Pourtant, cet édifice religieux qui a d’ailleurs donné son nom au quartier qui l’entoure mérite le détour. Ses origines sont assez méconnues et il fut en outre plusieurs fois reconstruit au fil des siècles. Cependant, en observant les différents éléments qui caractérisent son architecture, sa reconstruction s’étend du XIIIème au XVIIème siècle….

Son clocher fortifié est de type Roman, abritant un carillon de 17 cloches au clavier et de 5 en volée tandis que le Chœur est Gothique. A noter que le tombeau de Pierre Paul Riquet est niché dans une de ses criques ainsi que celui de Monseigneur Saliège, qui fut Archevêque de Toulouse au moment de la sombre période de l’Occupation où il s’illustra en sauvant de nombreux Juifs de la Déportation, ce qui fera de lui un « Juste parmi les Justes » …

L’ancien Palais archiépiscopal, traditionnelle résidence de l’Evêque qui jouxte la Cathédrale abrite à présent le Conseil Départemental de la Haute-Garonne qui constitue avec la Cathédrale voisine un bel ensemble en brique rose…

Non loin de là, on aperçoit la façade massive du Musée des Augustins qui abrite celui des Beaux-arts de la ville, exposant sculptures et peintures et qui fut créé à l’époque du Directoire en 1795 dans ce qui était auparavant le Couvent des Augustins…

Dans l’après-midi, suivant les conseils de Stéphane, nous irons nous rafraichir sur la terrasse située au dernier étage des Galeries Lafayette. Ce grand magasin, qui se trouve à quelques rues de la Place du Capitole a en effet aménagé « à ciel ouvert» un salon de thé et bar à cocktails où l’ambiance est fort sympathique et qui constitue un magnifique belvédère pour Toulouse et ses nombreux monuments : vue imprenable sur ses fameuses « pincées de toit », sur les clochers sans oublier les quartiers nouveaux un peu noyés dans le léger brouillard urbain….

Le début de soirée commencera près des jardins du Capitole, ce bâtiment qui n’abrite pas seulement l’Hôtel de Ville mais également le Théâtre éponyme. Face à nous la « Tour des Archives », également surnommée « le Donjon » fut bâtie par les « Capitouls » au XVIème pour servir d’entrepôt aux archives mais également de réserve de poudre afin de se protéger d’une éventuelle invasion du Languedoc par l’armée espagnole de Charles-Quint.

STATUE DE NOUGARO

A l’instar de Carlos Gardel qui possède sa statue dans le quartier Caffarelli, il méritait également la sienne, Claude Nougaro, ce gosse de Toulouse, né en 1929, enfant de la balle (son père, Pierre était Premier Baryton et sa mère Liliane, pianiste), élevé en partie par sa Grand-Mère dans le quartier des Minimes (où il apprend « la castagne ») car ses parents sont souvent en tournée.

Elle a été inaugurée en 2014, cette statue « grandeur nature » (1m74) que l’on doit au sculpteur Sébastien Langloys et qui fait à présent la joie des touristes qui font des « selfies » avec cette « figure » indissociable de l’histoire de Toulouse…

Claude Nougaro aura une scolarité chaotique lié aux aléas de la vie de saltimbanque de ses parents, devenant un temps lycéen à Paris mais également à la fameuse académie-école de Sorèze dont nous avons parlé au cours de l’épisode 7 ("Le monde du Silence")

Il rate son bac mais réussit à devenir journaliste avant d’épouser une carrière artistique et de connaître une période de « vache enragée » proposant ses textes à des célébrités et faisant lui-même ses débuts au célèbre cabaret de Montmartre « Le Lapin Agile », où il y rencontre notamment les « vedettes » du cabaret de l’époque dont Jean Roger Caussimon , se liant d’amitié avec le fils du patron de l’établissement, Yves Mathieu (ce dernier, aujourd’hui âgé de 92 ans dirige toujours l’établissement et y chante sans micro !).

C’est le début des années 60 qui le propulsera sur le devant de la scène et ce, malgré un terrible accident de voiture. Ce fou de Jazz et de musique métissée accumulera les succès : « Cécile » dédiée à sa première fille, « Les Dom Juan », « Je suis sous », « Armstrong », « Paris Mai » et bien sûr « Toulouse » autant de chefs-d’œuvre entrés dans le « Panthéon » de la chanson Française….

Jugé à une certaine époque « has been » par certains producteurs peu inspirés, il avait formidablement « rebondi » avec son album « Nougayork » enregistré aux Etats-Unis et qui connut un immense succès. Mort à Paris en 2004, il était pourtant revenu vivre à Toulouse les dernières années de sa vie .

Notre soirée se terminera près des bords de la Garonne, dans la partie sud-ouest du quartier des Carmes. L’endroit est caractérisé par son ensemble urbain unique de conception « stellaire » autour d’un vaste « Rond­-point de verdure » d’où partent plusieurs allées dont celles « Jules Guesde » qui permettent de rejoindre les rives du fleuve et qui abritent le « Quai des Savoirs » endroit d’ailleurs recommandé par le réceptionniste de « L’Hôtel Riquet » …

Il s’agit d’un centre culturel dédié aux sciences et aux technologies situées aux abords du Muséum et du Jardin des Plantes qui occupe à présent les locaux de l’ancienne faculté des Sciences de la ville. Nous comptons bien y revenir demain pour le visiter. Le bâtiment voisin n’est autre que le Théâtre Daniel Sorano, également ancienne dépendance de la faculté et qui est devenu un lieu de spectacle en 1964…

SORANO DE BERGERAC

En 1945, Maurice Sarrazin, un apprenti-comédien va créer à Toulouse, une des premières troupes de théâtre de la décentralisation qu’il nomme « Le Grenier de Toulouse » pour la simple et bonne raison qu’il avait aménagé le grenier de la maison familiale pour démarrer son aventure artistique… A l’instar de Jean Dasté à la Comédie de Saint-Etienne, il prouve alors que toute création artistique ne passe pas uniquement par Paris, même si la reconnaissance y est plus difficile à acquérir. 

Parmi ses comédiens, on compte les acteurs Jacques Duby, Hubert Gignoux et …Daniel Sorano. Né dans la ville en 1920, avec des origines Sénégalaises (son père était en poste à Dakar), ce grand gaillard au physique particulier, après des études au « Caousou » école privée réputée dans la ville, se lance avec fougue dans cette aventure artistique, lui qui est également doué pour  le chant lyrique.

Son talent unique est vite repéré, il monte alors à « Paris » pour rejoindre la Troupe du TNP dirigée par le Sétois Jean Vilar et où il côtoiera Gérard Philipe, Maria Casarès, Georges Wilson, Jean Topart ou encore Silvia Montfort, etc….

Il interprètera des rôles mémorables, autant à l’aise dans le théâtre de Shakespeare que chez Molière… Mais pour beaucoup, il reste l’inoubliable « Cyrano de Bergerac » diffusé à la télévision en 1960 (disponible sur les dvd de l’INA) et réalisé par Claude Barma. C’était un acteur extraordinaire, certainement l’un des plus grands comédiens du XXème siècle et dont la disparition prématurée comme celle de son ami Gérard Philipe a laissé un grand vide…

Également présent sur les écrans, Daniel Sorano disparait en 1962 lors d’un tournage à Amsterdam, terrassé par une crise cardiaque… Il sera enterré avec son nez de Cyrano, au cimetière de Pernes-les-Fontaines, non loin d’Avignon, ville qui le fit entrer dans la légende du Théâtre…. A noter que d’autres théâtres portent le nom de cet inoubliable comédien, notamment à Vincennes et le Théâtre National du Sénégal à Dakar …

Nous découvrons les abords de la Garonne fréquentés par de nombreux chalands profitant de cette belle soirée d' été tandis que d’autres profitent des joies du fleuve comme en témoigne cette petite démonstration de ski nautique provoquant de jolies vaguelettes qui viennent se fracasser sur les abords du quai….

Le pont de Tounis est un des quatre ponts de cette partie du fleuve, avec son voisin immédiat Saint Michel et Pont-Neuf et Saint Pierre plus en aval. Construit en briques au XVIème siècle, il est de facto le plus ancien de la ville et permettait jadis de relier l’ancienne ile de Tounis à la rive droite de la Garonne tout en franchissant le bras supérieur du fleuve, la Garonnette.

Cette Garonnette, d’ailleurs sujette à de nombreuses crues désastreuses qui incitèrent les autorités locales de l’époque à prendre des mesures drastiques: à commencer par l’assèchement de ce bras de fleuve et la réalisation de plusieurs digues afin de « réguler » le cours de la Garonne.

Nous dînons finalement dans un restaurant situé non loin des quais qui rappellent un peu « la philosophie culinaire » des bouchons Lyonnais avec son lot de convivialité, sa bonne cuisine bourgeoise et ses bons crus qui font vibrer nos chastes papilles….

Peu de temps avant de retrouver notre hôtel, nous flânons sur ces vastes allées Jean Jaurès où sont installés quelques « Cafés » fréquentés par une jeunesse estudiantine et insouciante qui a mis son « masque » dans la poche avec la complicité d' un serveur qui a baissé le sien jusqu’au menton et constatons que tous se « frottent » dans la chaleur de la nuit tout en trinquant allègrement sans pressentir les lendemains qui ne va pas tarder à déchanter….

CHANTONS SOUS LA PLUIE

28/08

Ce vendredi matin qui coïncide avec la veille de notre retour s’annonce…pluvieux… En tirant les rideaux de la chambre, nous découvrons un temps plutôt maussade voire pluvieux qui contraste, doux euphémisme avec la vague de chaleur des jours précédents…

Nous qui « pestions » à propos de cette chaleur ambiante, nous voilà réduits à présent à déplorer cette soudaine perturbation atmosphérique. Il faut bien avouer qu’il tombe « des cordes » et que le programme de visite du jour risque d’être sensiblement modifié, risquant de passer de l’agenda bien rempli à celui d'un doux farniente qui ne veut pas dire son nom. 

En effet, le projet de retourner vers le quartier des Carmes ne nous dit plus grand-chose, pourtant il va falloir « occuper notre temps » au lieu de rêvasser au lit et de s’assoupir devant un programme inepte à la télé…. J’ouvre la marche en partant en éclaireur avec le dessein d’aller acheter un livre à la librairie Gibert qui se trouve dans une rue proche de la Place du Capitole.

La pluie que l’on n’avait pas dû voir tomber ici depuis des lustres prend sa revanche sur un bitume aux reflets encore secs. Je croise finalement assez peu de monde sur mon chemin et atteins finalement cette place circulaire du « Président Wilson » qui encercle un jardin public coiffé en son centre d' une fontaine surmontée par la statue de Pierre Goudouli (1580-1649), un poète Toulousain d’expression Occitane qui fut un des plus grands défenseurs de cette langue régionale….

La place est entourée d’immeubles en brique rouge composés de deux ou trois étages et qui sont occupés essentiellement par des enseignes commerciales, des cafés et des cinémas. C’est d’ailleurs ici que nous aurons rendez-vous ce soir avec Stéphane qui doit renseigner Christèle sur son périple en pays Cathare notamment….

J’en profite pour explorer de nouveau les environs, débouchant finalement sur des rues avec des appartements de style art déco qui contrastent avec l’architecture des environs et je découvre également au hasard d’une rue, le clocher de l’ancien couvent des Jacobins qui est composé d’une église, d’un cloître, d’une cave capitulaire, d’un réfectoire et d’une chapelle. Cet ensemble religieux qui a été construit sous l’impulsion d’un ordre mendiant : les frères prêcheurs  constitue l' un des joyaux de l’art Gothique Languedocien des XIIIème et XIVème siècle.

Il abrite les reliques de Saint Thomas d’Aquin, célèbre Dominicain connu pour son œuvre théologique et qui fut canonisé en 1323. A noter que les Frères prêcheurs dits Jacobins étaient assimilés aux Dominicains et participèrent ardemment à la lutte contre l’Hérésie Cathare….

Derrière le couvent des Jacobins, est accolé le lycée Pierre de Fermat qui occupe plusieurs bâtiments dans le quartier dont un ancien Hôtel Particulier. Cet établissement secondaire est considéré comme un des meilleurs lycées de France, sorte de « Louis le Grand » du Sud-Ouest, dont la moitié des effectifs sont constitués de classes préparatoires aux Grandes Ecoles. Il porte le nom d’un ancien magistrat et mathématicien au XVIIème siècle qui énonça un théorème qui porte son nom et dont la démonstration n’a été établie que plus de 300 ans après !  

En fin de matinée, je retourne dans le Centre-Ville mais cette fois-ci avec Christèle qui compte bien acheter quelques souvenirs pour sa famille. Nous nous rendons d’ailleurs dans une boutique spécialisée dans la Violette, cette emblématique « spécialité » Toulousaine que nous avions découvert lors de notre étape chez Isabelle aux Cassès (Episode 9).

C’est un petit commerce dénommé « Les trésors de Violette » et situé, ça ne s’invente pas : rue de la Pomme, tout près du Capitole. La Violette y est déclinée sous toutes ses formes : parfums, boissons, bombons et souvenirs… Christèle, toujours animée par son « esprit de famille » achète plusieurs cadeaux et n’oublie personne, des parents aux neveux et nièces tandis que je me contente d’acheter de la liqueur de violette pour mes parents (que nous liquiderons d’ailleurs très rapidement lors de mon retour à Etréchy).

Une autre boutique surnommée « le paradis de la violette » se trouve également sur une péniche accostée sur le Canal du Midi, à la hauteur de l’Ecluse de Matabiau…Après cette razzia sur la « Violette » nous déjeunons dans une pizzeria proche avant de rentrer à l’hôtel : pour dire la vérité, il fait vraiment un temps de cochon. D’ailleurs la Place du Capitole, hier inondée de monde et de soleil est aujourd’hui quasi-déserte et privée de ses étalages traditionnels. Seule « la pluie fait des claquettes » comme le chantait joliment Nougaro.

Comme prévu, nous ressortons vers dix-neuf heures pour aller à la rencontre du fameux Stéphane. Le rendez-vous a donc été acté devant le cinéma de l’avenue circulaire Wilson, agrémenté par le retour d’un temps plus clément que cet après-midi…

Stéphane est un garçon d’une quarantaine d’années, assez grand et d’un abord plutôt sympathique. Il nous propose d’aller prendre un verre dans un des nombreux cafés qui compose ce quartier animé du cœur historique de la Ville Rose….

Comme beaucoup d’habitants de la ville, c’est un Toulousain d’adoption. Originaire de Bretagne, il est venu ici pour terminer ses études et a fini par s’y installer, probablement attiré par une bonne qualité de vie et un marché de l’emploi actif. Il travaille actuellement dans la formation mais ne nous cache pas que « l’âge d’or » de Toulouse, pôle attractif est peut-être révolu, au vu de la crise sanitaire qui a beaucoup impacté le secteur qui a fait la richesse de la ville et de sa région : « l’aéronautique ».

Nous trouvons un café sympathique et le temps redevenu clément nous permet de rester en terrasse. Nous commandons une série de bières accompagnées de saucissonnades qui ne vont pas tarder à nous amener dans un état légèrement second.

Nous parlons brièvement de la raison pour laquelle nous devions nous voir, à savoir les curiosités touristiques de la ville et de la région ainsi que ce fameux périple en terre Cathare qu’espère (toujours) faire Christèle mais dont l’incertitude de la concrétisation reste suspendue aux aléas suscités par la crise sanitaire…

Stéphane est un « bourlingueur », il a d’ailleurs rencontré Isabelle, la collègue de Christèle lors d’un voyage et depuis ils ont noué une grande complicité d’esprit. D’ailleurs nous faisons une photo de groupe pour lui envoyer dans la foulée…

Son amie vient nous rejoindre et après cet apéritif bien arrosé, Stéphane nous propose de terminer la soirée au restaurant et ce sera…El Caminito, ce fameux restaurant Argentin dont nous avions trouvé porte close le soir de notre arrivée.

Cette fois-ci, il est bien ouvert : en y pénétrant nous découvrons un établissement aussi fréquenté qu’exigu mais qui semble dégager une ambiance très conviviale, le patron fort sympathique nous installe à une table nichée dans un espace assez réduit.

Stéphane connait bien l’Amérique du Sud pour s’y être rendu à maintes reprises et la cuisine Argentine n’a plus de secrets pour lui a contrario de Christèle et moi qui sommes encore en « Terra Incognita ».

L’Argentine fut entre 1850 et 1950, une terre massive d’émigration, ce qui explique qu’aujourd’hui une grande majorité de ses habitants y est d’origine européenne, cependant largement dominée par une population issue d’Italie et d’Espagne. A noter toutefois que la France constitue la 3ème terre d’origine de cet ex- « eldorado sud-américain » avec près de 6 millions d’Argentins qui peuvent revendiquer un ancêtre venu de l’Hexagone.

Plusieurs Présidents du pays avaient même des origines françaises et quelques artistes « made in France » ont poussé leur premier cri de ce côté de l’Atlantique sud, à l’instar de Bernard Blier ou de Jérôme Savary (ce dernier possédait la double nationalité) sans oublier le Champion du Monde Français Trézeguet qui avait usé ses premiers crampons sur les pelouses chères à Maradona et Messi, également pays de ses parents…

« El Caminito » se revendique comme la maison des « Empanadas » sorte de petit chausson en pâte feuilletée qui peut aussi être présenté sous forme de pâte à pain, farcie de viande, de poisson, d’œuf, de pommes de terre cuisinés en fonction des provinces locales de cet immense pays.

La garniture ainsi que la pâte est faite maison avec des produits toujours frais comme le claironne son patron et on ne doute pas une seconde de sa bonne foi en les goûtant. L’établissement s’inspire des nombreux restaurants de quartier qui fleurissaient dans les années 70 à Buenos Aires et dans les grandes villes du pays…

Nous dégustons un succulent vin argentin dont la forme de la bouteille ressemble à celle d’un Armagnac. Le pays est en fait le cinquième producteur mondial de vin et la douceur de son climat lui permet de posséder quelques-uns des meilleurs cépages du monde. On sait encore que plusieurs familles originaires du Bordelais se sont installées ici en Argentine mais également dans le Chili voisin…

La soirée se termine, nous quittons nos hôtes toulousains non loin de la station de métro Roosevelt. Ce fut une bien agréable soirée et nous regagnons notre Hôtel en empruntant les allées Jean Jaurès et ses jardins-Ramblas qui aiment bien se donner des airs de Barcelone……des villes à forte identité régionale mais qui restent plus ouvertes que jamais au reste du monde….

LE CHANT DU DEPART

29/08

Ce samedi de la fin août est marqué par le retour d’un ensoleillement généreux mais également par le retentissement des trompettes du départ. Après douze jours de périple, nous allons quitter les rives de la Garonne pour celles situées entre la Seine et la Loire.

Nous sortons du bel hôtel Riquet pour rejoindre la Gare Matabiau. Il reste encore une heure et demie avant d’attraper le « train du retour » qui ne sera pas un TGV comme à l’aller mais un train « Intercités »  avec un départ prévu à 11h30 et qui nous fera arriver dans la Capitale à 17h30.

Nous prenons notre ultime « petit-déj » Toulousain, copieux de préférence dans un café face à la massive façade de la gare Matabiau. L’heure venue, nous amorçons alors les 713 kilomètres qui nous séparent de la gare d’Austerlitz. 

Dommage que le « Capitole » ce train majestueux qui reliait la Ville Rose à la Capitale entre 1960 et 1990 n’existe plus, ce fleuron de la SNCF était alors un des « ancêtres » du TGV, le premier dans sa catégorie à faire des pointes à 200 à l’heure sur une partie du tronçon…

Les gares défilent, les paysages changent aussi vite que nous les découvrons, preuve de la variété géographique de notre vieux pays avec des arrêts à Brive, Limoges-Bénédictins mais plus à Argenton sur Creuse, seulement passé au ralenti, la Souterraine devenue la « grande gare » de la Creuse, la Sologne, Les Aubrais, Etampes, Etréchy (où j’ai la tentation de tirer le signal d’alarme pour pouvoir descendre, sous l’œil amusé de Christèle) et enfin…Paris-Austerlitz…le Terminus…

Ce train était vraiment bondé, c’est vrai que nous étions un jour de rentrée des Aoûtiens tout en étant probablement les deux seuls « pèlerins » de la Voie d’Arles.  Alors que nous arrivons au bout du quai, je confie à Christèle : « Voilà notre voyage est fini. Merci de m’avoir fait découvrir ce parcours rendu insolite pour cause de crise sanitaire en accomplissant « un Compostelle pas comme les autres » mais un « Compostelle quand même, à mes yeux » et je conclus en disant:  « je pense que nous allons coucher ça par écrit, cela en vaut vraiment la peine. »