Cette année 1973 fut indéniablement un grand cru au niveau cinématographe en outre marqué par de nombreux évenements de toutes sortes et parfois teintée d’un parfum de scandales. C’est en effet lors du festival de Cannes que sera projeté le film Franco-Italien de Marco Ferreri « La Grande Bouffe » interprété par Philippe Noiret, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Marcello Mastroianni et Andréa Ferréol.
Autant dire que ce long métrage qui décrit la réunion de 4 amis au parcours existentiel chaotique qui se réunissent dans un hôtel particulier des environs de Paris afin d’y organiser un suicide gastronomique fut hué lors de sa projection et causa quelques soucis à ses interprètes : Philippe Noiret insulté dans la rue ou encore Michel Piccoli giflé par un passant…
La présidente du Jury n’est autre qu’Ingrid Bergman et la Palme d’Or ex-aequo sera remise à l’américain Jerry Schatzberg pour « L’Epouvantail » interprété par le duo Al Pacino- Gene Hackman et au Britannique Alan Bridge pour « La Méprise ».
Mais un autre film présenté fait scandale, c’est la « Maman et la Putain » de Jean Eustache, qui représente la France, interprété par Jean-Pierre Léaud, Bernadette Laffont et Françoise Lebrun qui raconte les péripéties amoureuses d’un jeune intellectuel oisif partagé entre plusieurs femmes qui cohabitent avec lui sans que le héros ne fasse clairement son choix.
Ce nouveau parfum de scandales n’empêchera d’être encensé par la critique et ne tardera pas à qualifier ce long métrage tourné en Noir et Blanc et d’une durée de 3h30) de chef-d’œuvre novateur du cinéma français… Il obtiendra également le Grand Prix Spécial du Jury….
Cette année-là, 180 millions de spectateurs fréquentent les salles obscures en France, soit la moitié moins que 10 ans plus tôt ! Mais on le sait, l’étrange lucarne (la télévision) est passée par là, faisant changer les mentalités au sein des foyers.
Pourtant, le 7ème art conserve de jolis couleurs, c’est la grande époque des ciné-clubs qui fleurissent à travers le pays et le début des grands complexes cinématographiques.
C’est alors l’apogée du cinéma Italien, l’émergence d’un cinéma Suisse et le triomphe des grandes comédies populaires. En tête du Box-Office en France, « Rabbi Jacob » de Gérard Oury avec Louis de Funès qui sortira d’ailleurs en pleine guerre du Kippour affichant sept millions d’entrées au compteur !
Joli score pour un réalisateur habitué aux triomphes cinématographiques même si le résultat est moindre que pour la « Grande Vadrouille » (17 millions), qui restera très longtemps imbattable avant d’être dépassé par « Bienvenue chez les Ch’tis » en 2000) ou encore « Le Corniaud » (14 millions).
D’ailleurs, les plus grands succès cinématographiques de l’année, figurant parmi le top 5 seront « Mon nom n’est personne » un western-spaghetti réalisé par un ancien assistant de Sergio Leone, Toni Valérii (4 millions) et interprété par Terence Hill (de son vrai nom Mario Girotti, ndlr), « Le Grand Bazar » de Claude Zidi (tourné à l’Euromarché d’Athis-Mons) avec les Charlots, musicos doués mais très déconneurs qui connaitront leur heure de gloire cinématographique avec plusieurs autres « nanars »..
Le Prix Louis Delluc récompense cette année-là : « L’horloger de Saint Paul » de Bertrand Tavernier que celui tourne dans sa ville natale, Lyon, adaptant au passage un roman de Simenon avec Philippe Noiret et Jean Rochefort.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’Oscar du Meilleur film est décerné au « Parrain » de Francis Ford Coppola, avec Marlon Brando qui lui, obtient celui du meilleur acteur. Adapté d’un roman éponyme à grand succès de Mario Puzo, le film aura deux autres suites (dont le Parrain II qui obtiendra 6 oscars en 1975, dont celui du Meilleur Film).
C’est Liza Minelli qui remporte le trophée de la meilleure actrice avec « Cabaret » de Bob Fosse (qui lui obtient celui du meilleur réalisateur) tandis que « Le Charme discret de la Bourgeoisie » film français de Luis Bunuel obtient l’Oscar du meilleur film étranger, une nouvelle satire surréaliste du maître Espagnol qui réunit une brochette impressionnante de comédien.
Le plus « américain » de nos cinéastes, Jean-Pierre Melville, maitre incontesté du « polar à la française », à qui l’on doit « Le Doulos », « l’armée des Ombres » et le « Cercle rouge » disparait brusquement à l’âge de 55 ans alors qu’il déjeunait avec le journaliste et cinéaste Philippe Labro.
Bruce Lee, 32 ans, l’acteur Américain originaire de « Hong Kong » star incontesté des films « d’arts martiaux » disparait, victime (selon la version officielle) d’un œdème cérébral mais on se souvient des multiples rumeurs qui ont alimenté les raisons de son décès prématuré. « Le Dragon » du 7ème Art meurt quelques semaines avant la disparition de son ultime film : « Le Jeu de la mort ».
Anna Magnani, 65 ans, disparait terrassée par un cancer du pancréas. Ancienne muse de Rossellini, dont elle partagera la vie et interprétera sous sa direction « Rome ville ouverte » et devenant surtout la première grande star italienne de classe internationale, en remportant notamment à Hollywood, l’Oscar de la meilleure actrice pour la « Rose Tatouée ».
Marc Allégret, frère de Marc, également cinéaste et photographe disparait à l’âge de 73 ans. Il est connu pour avoir fait débuter des acteurs aussi illustres que Fernandel, Raimu, Jean-Louis Barrault mais également Simone Simon (avec laquelle il eut une liaison) ou encore lancer la carrière de Gérard Philipe, Bernard Blier, Daniel Gélin, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon ou encore Patrick Dewaere !
Noel Roquevert, disparait à 81 ans. Il fut l'un des plus fameux seconds rôles au cinéma, en totalisant plus de 150 films pendant plus d'un demi-siècle . Enfant de la balle, il avait débuté sa carrière auprès de ses parents comédiens ambulants.
A 39 ans, Brigitte Bardot, star planétaire française du cinéma depuis les années 50 décide de « tirer sa révérence » et de se lancer dans d’autres projets professionnels. Celle qui fut l’égérie de Vadim avec « Et Dieu créa la femme » interprète son ultime rôle « Colinot Trousse-Chemise » de Nina Companeez, interprété notamment par le jeune acteur prometteur de la Comédie Française, Francis Huster.
La même année, la présidente de la « Madrague » (nom de ses deux résidences : l’une à Saint-Tropez, l’autre à Bazoches sur Guyonne, Yvelines) avait auparavant retourné avec son ex-mari Vadim pour « Don Juan 73 » interprété par Maurice Ronet et. Jane Birkin, la nouvelle « muse » de Serge Gainsbourg, partageant avec elle, l’histoire du tube planétaire « Je t’aime, moi non plus » (écrit à l’origine pour BB et d’abord interprété par elle, avant de connaitre un succès international pour Jane).
Jacques Demy réalise l’original « l’évenement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune » avec Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve, dont le héros tombe enceinte !
Cette année-là, le personnage de François Pignon, inventé par Francis Veber au théâtre en 1971, apparait pour la première fois à l’écran sous les traits de Jacques Brel dans « l’Emmerdeur » une comédie irrésistible qui sera maintes fois rediffusées à la télévision et où le chanteur Belge donne la réplique à son ami Lino Ventura (« Mr Milan ») qu’il avait déjà côtoyé l’année précédente dans « l’aventure c’est l’aventure » de Claude Lelouch.
C’est une grande année pour l’ancien catcheur natif d’Italie, devenu comédien par hasard et qui s’est imposé au fil du temps comme un de nos plus grands acteurs : le voilà également à l’affiche de « La Bonne année » de Claude Lelouch et avec Françoise Fabian mais également dans « le Silencieux » un ambitieux film d’espionnage, premier long métrage d’un certain Claude Pinoteau.
François Truffaut tourne « la Nuit Américaine » où il joue d’ailleurs le rôle d’un réalisateur en compagnie de Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Aumont et Nathalie Baye qui y fait pratiquement ses débuts.
Bon artisan d’un cinéma populaire de qualité, Henri Verneuil tourne l’ambitieux « Serpent », un film d’espionnage réunissant des vedettes internationales : Henry Fonda, Dirk Bogarde, Yul Brynner, Virna Lisi ainsi que des acteurs français tels Philippe Noiret et Michel Bouquet.
Alain Delon retrouve Jean Gabin dans « Deux hommes dans la ville » de José Giovanni. L’acteur de la « Grande illlusion » interprète également le rôle du « patriarche de Lurs « l’Affaire Dominici » en compagnie de Victor Lanoux et d’un débutant prometteur, Gérard Depardieu.
L’acteur de « Borsalino » retrouve son ancien partenaire du « Guépard », Burt Lancaster dans le thriller réalisé par Michael Winner ainsi que Simone Signoret (avec laquelle il avait déjà tourné « La Veuve Couderc ») dans « Les Granges Brûlées » de Jean Chapot, où apparaissent notamment deux jeunes acteurs prometteurs : Bernard Le Coq et Miou-Miou.
Jean Paul Belmondo tourne dans « L’héritier » du journaliste et cinéaste Philippe Labro mais également le désopilant « Magnifique » de Philippe de Broca, avec comme partenaire Jacqueline Bisset.
Robert Lamoureux, humoriste très prisé dans les années 50 passe derrière la caméra pour réaliser « Mais où est donc passée la 7ème Compagnie ? » une comédie burlesque sur les tribulations de soldats égarés pendant la débâcle de 40. Interprété par le trio Pierre Mondy-Aldo Maccione et Jean Lefebvre, le film connaitra un gros succès commercial et poussera Robert Lamoureux à réaliser deux autres opus.
Il s’appelle George Lucas. Il a alors 28 ans et réalise son deuxième long métrage : « American Graffiti » un portrait de la jeunesse américaine du début des années 60 avec Richard Dreyfuss, un certain Harrison Ford mais également Ron Howard, futur réalisateur (« Apollo 13 ») et qui ne tardera pas à tourner dans le feuilleton à succès « les Jours heureux » qui traite à peu près du même sujet.
Franklin Schnaffer porte à l’écran « Papillon » le Best-seller plus ou moins autobiographique d’Henri Charrière publié en 1969 (Editions Robert Laffont) et Steve Mc Queen interprète le rôle du bagnard de Saint Laurent du Maroni (Guyane Française) en compagnie de son complice, le faussaire Louis Dega (Dustin Hoffmann).
« L’Arnaque » de George Roy Hill réunit deux truands (Paul Newman et Robert Redford) qui organisent une ingénieuse arnaque au Casino pour venger l’un de leur ami exécuté par un mafieux. On se souvient de la musique, reprenant des airs de « Ragtime » de Scott Joplin.
Clint Eastwood réalise son deuxième long métrage « L’homme des hautes plaines » (après l’excellent « Frissons dans la nuit, 1971) qui est un western et dont le personnage solitaire et sans nom interprété par le réalisateur rappelle celui qu’il interpréta lors de sa période Sergio Leone dans les années 60.
« Soleil vert » de Richard Fleischer est un film d’anticipation (1er Grand Prix du Festival du film fantastique d’Avoriaz, 1974) qui réunit Charlton Heston et Edward G. Robinson (ce dernier, alors très malade, meurt peu après la fin du tournage). Adapté d’un roman d’Harry Harrison, le film se projette dans un monde futur (en 2022 !) dans une ville de New York surpeuplée, affamée et qui a épuisé la quasi-totalité de ses richesses naturelles, dans un monde déshumanisé, au climat caniculaire en raison d’un effet de serre permanent. Une entreprise (Soylent) distribue alors une nouvelle forme d’aliment….
Le film est alors en concurrence avec « Mondwest » réalisé par Michael Crichton et interprété par Yul Brynner. Le film raconte l’histoire (en 1983) d’un parc d’attraction qui permet à ses visiteurs de se retrouver à l’époque de leur choix, entourés de robots presque humains….
Enfin, c’est également la sortie de « Jésus Christ Superstar » de Norman Jewison, adaptation cinématographique d’un opéra rock à succès, à une époque où « l’homme de Nazareth » est très tendance….
Federico Fellini réalise « Amarcord » (qui peut signifier « je me souviens », variation dialectale de « mi ricordo »), probablement autobiographique, décrivant une Italie rurale et fascinante des années 30 dans la région natale de l’auteur (Rimini). Il obtiendra d’ailleurs l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood en 1974.
Luchino Visconti met en scène Romy Schneider et Helmut Berger dans « Ludwig ou Le Crépuscule des Dieux », sorte de drame biographique sur la vie et la fin de règne tragique de Louis II de Bavière et sa relation quasi-amoureuse avec sa cousine Elisabeth, dite « Sissi » Impératrice d’Autriche-Hongrie…